5 3 L E M A G A Z I N E D I G I T A L
Grand Témoin
P.E. / D aucuns pensent qu il n y aura pas de révolution écologique sans numérique. Partagez-vous cet avis ? S.O. / L écologie n a pas besoin du numérique pour vivre. Elle a besoin avant tout d amour de la planète et d une politique cohérente en permanence. J entends par là, cohérente à chaque strate, dans sa famille, dans son entreprise, dans sa ville, dans sa région. On se doit les uns et les autres d inventer un impact autre pour l environnement, à commencer par les ingénieurs des géants du numérique. Ils doivent par exemple rapidement trouver une autre façon de refroidir les serveurs sans climatisation
P.E. / Usages numérique et environnement sont-ils pour vous conciliables ? S.O. / L outil numérique est aussi un outil extraordinaire. La question est de savoir ce que l on en fait. Notre manière de vivre génère toujours plus de data qui font tourner des data center très énergivores. En 2016, ceux-ci représentaient déjà 5 % de la consommation mondiale d électricité et ont exploité pas moins de 626 milliards de litres d eau. Il faut bien avoir en tête que nos data center sont surdimensionnés. Ils ne sont remplis qu à 30 % de leurs capacités de stockage et se multiplient de façon exponentielle. Je suis pour une éco-conception du numérique et surtout pour la mettre concrètement et rapidement en œuvre. Il existe déjà des solutions comme par exemple la start-up français Immersion4 qui propose de plonger les data center dans des cuves remplies d un fluide qui capte la chaleur produite. Nous devons inventer une nouvelle économie, celle du moindre impact sur l environnement. C est un immense défi mais c est passionnant.
P.E. / Avec le confinement, y-a-t-il eu une réelle prise de conscience des enjeux environnementaux ? S.O. / Qu avons-nous fait durant ce temps incroyablement recru ? Certains, ceux qui ont la chance d avoir un jardin, ou qui vivent à la campagne, ont pu redécouvrir ce qu était un printemps et observer la végétation s épanouir ainsi entre mars et juin. Nous vivons dans un monde où la nature a été complétement opprimée et là, certains ont pu se sentir relier avec la nature. Pour autant, nous avons tous cru pendant le 1er
confinement, porté par cet élan, qu il allait y avoir « un monde d après ». Mais ce monde d après est un mélange de celui d hier, et de ce que nous voulons. Il n y a pas eu de miracle.
P.E. / Une autre tendance a été de vouloir consommer plus local. Comment l expliquez-vous ? S.O. / La cuisine y a été sans doute pour beaucoup. En effet les gens se sont mis, pour la plupart, à faire la cuisine et donc à mieux manger. Ils ont essayé de faire du pain, des plats plus élaborés Les questions de l alimentation et de la provenance des produits sont devenues plus prégnantes. Donc oui, pendant ce 1er confinement, on a pensé qu on allait atteindre les étoiles mais pour les atteindre, il faut travailler, travailler et travailler encore et agir ensemble. C est un combat quotidien et vous savez très bien que la ville, ça avance millimètre par millimètre.
P.E. / Quel regard portez-vous sur le numérique, « grand gagnant » du confinement ? S.O. / Du jour au lendemain, le numérique était notre seul outil pour rester en contact et de continuer à « relationner ». Nous avons donc eu « une vie numérique » et nombre d évènements, culturels notamment, se sont adaptés également à ce format. Rapidement, notre quotidien a été submergé par un nombre incalculable de réunions en visio et très sincèrement, il faut admettre que c est insupportable de vivre comme cela. Nous ne sommes pas venus sur terre pour vivre sur Zoom
Paroles d Élus / Vous avez eu dans votre parcours différents engagements et responsabilités. Qu est-ce qui vous a amené à cet engagement écologiste ? Serge Orru / Je me suis intéressé à l écologie à partir d une véritable fascination pour les amérindiens. On peut dire en quelque sorte que j ai appris l écologie grâce à la relation entre les peuples martyrisés et la nature. L écologie c est pour moi, une interrogation sur notre relation du vivant et aussi l art des relations humaines.
P.E. / On vous doit quelques « faits d armes », comme la fin de l utilisation des sacs plastiques mais pas seulement S.O. / En effet, en 1992, j ai créé à Calvi le Festival du Vent. Pluraliste et multiculturel, cet événement est dédié autant aux sports qu aux arts et à l écologie. Avec mon épouse Carina, nous avons réalisé ainsi 22 éditions qui nous ont beaucoup appris et nous ont construits. Ce festival a été une caisse de résonnance pour lancer la campagne « Halte aux sacs plastiques ». C est en Corse que celle-ci a été initiée et suivie dès 2003. Notre idée était faire comprendre qu il était possible et urgent de passer concrètement d une société du jetable vers une société du durable.
Rencontre avec Serge Orru ,
« Polinisateur de bonnes actions pour
la planète »
Serge Orru
Serge Orru est né à Sfax en 1953. Tout au long de sa carrière,
il a accumulé de nombreuses expériences pour l écologie dans
les domaines de l entreprise, de l associatif, de l action municipale
et de évènementiel. Créateur du Festival du vent de Calvi en 1992, il réalise
aussi en 2000 pour le Conseil Général du Val-de-Marne, le Festival
de l OH. De 2006 à 2012, il dirige l association WWF France
avec qui il lance la campagne « Du Jetable au Durable ».
5 2L E M A G A Z I N E D I G I T A L
Grand Témoin