Paroles d Elus / Quel regard portez-vous sur le rapport « Stratégie nationale pour un numérique inclusif » ? Jean-Michel Morer / L Apvf, aux côtés d autres associations d élus, a participé à l écriture de ce dernier. Cette réflexion commune a permis la rédaction d un rapport certes très intéressant, mais encore dans sa phase de lancement. Aujourd hui, nous sommes comme dans un puzzle. Nous mettons les pièces, l une après l autre et progressivement, nous commençons à apercevoir une trame et des perspectives. Ce travail a permis de mieux identifier les différentes problématiques et il montre aussi qu il est urgent d avoir une feuille de route globale, systémique et avec des échéanciers à atteindre prenant en compte la réalité du terrain.
« FRANCE CONNECT AIDANTS », L OUTIL QUI PERMET DE FAIRE « À LA PLACE DE »
Nous l avons dit, la réalité de l inclusion, c est aussi gérer « des urgences numériques » dans lesquelles les personnes sont incapables de faire les démarches. Or, qu il s agisse de « créer un compte avec un mot de passe », « déclarer la conformité de certaines informations » ou encore « autoriser un télépaiement», voilà autant d étapes parfois indispensables mais qui faute d encadrement, n étaient normalement pas possible de faire « à la place de ». France Connect Aidants, en phase d expérimentation, permet plus de sécurisation du professionnel comme de l usager grâce à un travail mené sur une connexion dédiée. Il permettra de s identifier comme un tiers réalisant une démarche pour autrui. Ce dispositif permettra un suivi des actions réalisées sur le compte de la personne, à destination des usagers et des autorités administratives compétentes, et une protection du professionnel déclarant comme de la personne accompagnée en cas d erreur.
FORMER CEUX QUI FORMERONT Traduction de cet engagement, l État soutient par exemple la co-production par la coopérative La MedNum et le CNFPT, d un MOOC sur les enjeux et bonnes pratiques de la médiation numérique à destination des agents des collectivités territoriales. Il est accessible depuis la fin de l année dernière. Parallèlement, les volontaires en services civiques ont été identifiés comme des acteurs possibles pour l inclusion numérique. Pour garantir la qualité de leur intervention en complémentarité des professionnels sur le terrain, une convention a été signée entre l Agence du Service Civique et le Secrétariat d État au Numérique, structurant une offre de formation pour ces volontaires sur les thématiques d inclusion et de médiation numériques. Plus de 3 000 postes de médiateurs et d accompagnateurs numériques sont proposés à des volontaires du service civique.
Jean-Michel Morer, Maire de Trilport et membre de l Apvf
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Inclusion : une mobilisation nationale
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Inclusion : une mobilisation nationale
PE / Quelles doivent être pour vous les prochaines étapes ? J-MM / Le rapport démontre que le mode « commando» ne peut pas fonctionner et que la stratégie doit s appuyer sur des acteurs référencés et en pleine mesure des compétences attendues. En ce sens la réflexion du gouvernement sur les tiers- lieux va permettre de nouvelles avancées.
Certaines questions restent encore en suspens, à commencer par la sécurisation des travailleurs sociaux et des tiers de confiance. La demande des associations d élus sur ces questions, c est aussi aujourd hui de permettre à nos agents, dans nos mairies, de pouvoir être formés et d obtenir l accréditation nécessaire pour être des tiers de confiance en toute sécurité.
Plus généralement, un autre principe essentiel dans le processus de dématérialisation est d avoir en permanence à l esprit, l expérience utilisateur afin de rendre les démarches plus intuitives, ergonomiques, fonctionnelles. Dans le cas contraire, nous risquons de produire des modèles de dématérialisation qui seront des caricatures kafkaïennes. L Estonie est pour nous un bon exemple puisqu ils sont déjà passés aujourd hui au niveau supérieur, après avoir résolu la question de la sécurisation des données
PE / Quel rôle doivent avoir les associations sur ce sujet ? J-MM / Au niveau de l Apvf, nous devons être en quelque sorte le garde-fou d un processus de dématérialisation qui serait trop rapide. Nous devons être très vigilants sur la faisabilité et la temporalité réelle des choses, par rapport à la réalité des territoires et du quotidien des personnes qui y vivent.
Par ailleurs, au-delà de l inclusion numérique, nous devons défendre une vision beaucoup plus globale qui dépasse la seule question des citoyens en marge du numérique. C est trop réducteur et simplificateur. Le risque serait d avoir une vue éclatée de chaque chantier et que le dossier de l inclusion soit désynchronisé de la réflexion par exemple sur l identifiant numérique ou des données liées à la santé. Notre rôle est donc aussi d avoir un regard transversal et global.
Comment détecter les publics
en difficulté ?
40 % des Français inquiets
à l idée de réaliser leurs démarches administratives
en ligne.
1 Français sur 3 estime qu un accompagnement dans un lieu dédié est le plus adapté
pour maîtriser les usages numériques.
13 M de Français
en difficulté avec le numérique.
En auditionnant, de janvier à mai 2018,
près de 150 structures et associations de médiation présentes
sur le territoire, les rapporteurs de la
Stratégie nationale pour
un numérique inclusif ont souhaité
apporter des réponses structurantes et
nouvelles pour les publics en difficulté.
Ainsi, une place importante est donnée
à ceux que l on peut appeler
« les aidants », tant dans la détection
des personnes éloignées du numérique
que pour accompagner ces dernières.
Différentes propositions visent ainsi
à former les aidants dans ces phases
de reconnaissance mais aussi
à mieux outiller les aidants.