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Le regard des ExpertsLe regard des Experts
Et nous ne sommes pas les seuls à le penser puisque, dans le cadre du Grand débat National, nous avons apporté une importante contribution en consultant 6000 français sur leurs attentes au niveau de la Santé et, pour eux (84%), la santé représente, juste après l éducation, une priorité essentielle de l égalité des chances dans la vie. Ils souhaitent ainsi que des mesures fortes soient prises pour transformer notre système de santé notamment pour simplifier la gouvernance (près de 9 français sur 10 déclarent ne pas comprendre le système de santé), rendre plus attractifs des métiers hospitaliers et médico-sociaux (80% des français estiment que les infirmiers et aide-soignants sont rémunérés de manière inadéquate) et les français sont unanimement favorables à la digitalisation du système de santé.
PE / Justement, quel est l état « du numérique en santé » aujourd hui ?
FV / Nous accusons un très sérieux retard. La Fédération Hospitalière de France (FHF) appelle à un plan ambitieux en la matière, en incluant le secteur médico-social. La création du health data hub est une étape importante. Nous veillerons à ce que l accès aux données soit facilité pour les fédérations, les établissements, les professionnels. La création d un espace numérique en santé va également dans le bon sens.
PE / Les élus locaux témoignent bien souvent de leur impuissance sur les problématiques de santé. Quel sera leur rôle dans la mise en place de « Ma Santé 2022 » ?
FV / En tant qu élu local je suis bien placé pour connaître l importance de leur rôle dans l organisation de l offre de soin sur les territoires. C est la raison pour laquelle j ai souhaité prendre l initiative d une action de la FHF en concertation avec les associations représentant les communes, les départements et les régions de France. Il s agit de proposer à toutes les collectivités territoriales et aux établissements publics de santé et médico-sociaux, de voter un vœu réaffirmant les principes et valeurs devant guider les évolutions du système de santé. Ce vœu a été préparé avec François Baroin pour l Association des maires de France et des présidents d intercommunalité, Dominique Bussereau pour l Assemblée des départements de France et Hervé Morin pour Régions de France. Nous demandons ainsi que la réforme du système de santé prenne en considération des enjeux majeurs comme la lutte contre les déserts médicaux, la garantie d un accès à des soins de qualité pour tous, la fin des directives nationales technocratiques, une implantation équitable des services de santé dans les territoires, des mesures fortes pour revaloriser et renforcer l attractivité des métiers hospitaliers et du secteur social et médico-social. Nous comprenons bien sûr la nécessité des réformes. Mais nous voulons davantage de concertation.
Paroles d Élus / Quelles sont selon vous les avancées (et les reculs/risques) du plan « Ma Santé 2022 » ?
Frédéric Valletoux / Le constat posé par le Président de la République sur le système de santé dans le plan « Ma Santé 2022 » rejoint nos analyses : l hôpital, à qui on a demandé trop d économies, souffre des dysfonctionnements du système de santé. Pour autant, cette réforme manque encore de moyens et d une véritable ambition globale. Le projet de loi de santé propose certaines mesures que nous appelions de nos vœux et vont dans le bon sens, mais beaucoup reste à faire en matière de concertation, de gouvernance, de numérique et d attractivité.
Edouard de Saint-Exupéry, Chef de projet pour les industries de santé au LabSanté. Association indépendante, fondée à l initiative de l Agence régionale de Santé d Ile-de-France en 2016, le LabSanté a pour vocation d accompagner les projets innovants en santé afin qu ils bénéficient le plus rapidement possible aux patients. Caroline Henry,
Avocate associée chez Pons & Carrère et membre du Conseil d Administration du Healthcare Data Institute. Elle intervient principalement en droit des nouvelles technologies et en droit de la santé. Enseignante en droit de la responsabilité médicale à l Institut de droit des Assurances de l Université Paris-Dauphine.
Paroles d Élus / Comment accompagnez- vous l innovation dans le domaine de la santé ?
Edouard de Saint-Exupéry / Nous ne sommes pas un incubateur. Nous n accompagnons pas les structures mais les projets qu ils portent. Nous les challengeons pour savoir s ils portent vraiment un impact intéressant et déterminer dans quelle mesure ils peuvent avoir le plus de force. En santé, l innovation tarde souvent à arriver au contact du patient du fait d un manque de communication entre les différents acteurs. Nous y remédions en mettant en relation des membres de notre réseau.
PE / Vous intervenez notamment dans la conception du nouvel hôpital de Paris Saclay. Quels sont les enjeux de ce projet ?
ESE / Le futur hôpital de Paris Saclay remplacera les actuels hôpitaux de Longjumeau, Orsay et Juvisy-sur- Orge. Avec le vieillissement de ces 3 établissements, il a été décidé de rassembler leurs spécialités dans un nouvel établissement. En parallèle, les anciens locaux seront rénovés pour en faire des hôpitaux de proximité. Au fur et à mesure des échanges, l opportunité s est présentée de profiter de cette occasion pour faire de cet hôpital un terrain d expérimentation.
PE / Vous accompagnez également la fondation Voir et Entendre
ESE / L Agence Nationale de la Recherche ( ANR ) publie tous les ans des appels à projets pour des projets de recherche. Les lauréats ont 10 ans pour construire un bâtiment, réunir des chercheurs, des médecins, des patients et des industriels afin de faire émerger la santé de demain. Nous accompagnons depuis le début les initiateurs de la Fondation Voir et Entendre. L objectif est de redonner la vue à des personnes aveugles grâce à la rétine artificielle et à la recherche de cellule souche.
Paroles d Élus / Quel regard portez-vous sur les évolutions en cours et futures de la santé ? Et quels sont les enjeux ?
Caroline Henry / La période que nous vivons est passionnante. Il est assez saisissant de s apercevoir que beaucoup des problématiques qui nous occupent aujourd hui, comme le Dossier Médical Partagé, étaient déjà pensées et posées il y a 15 ans. Après un moment de blocage, nous sommes dans une phase d accélération formidable grâce à la maturité de la société et à une volonté politique. Le premier enjeu est sans doute de rassurer le grand public sur l encadrement des nouveaux outils et des nouveaux usages. Il y a eu en effet énormément de production normative ces cinq dernières années avec des sanctions financières et pénales importantes prévues en cas de non-respect de la réglementation.
PE / La santé peut-elle et doit-elle s adapter au rythme d innovation ?
CH /La santé est un secteur qui est différent des autres car extrêmement réglementé. Les business models sont très particuliers puisque axés en grande partie sur le système de l assurance maladie. Le temps de l innovation perturbe tous les acteurs de la santé. Depuis le législateur jusqu aux acteurs traditionnels qui s interrogent sur la transformation de leur propre métier. On peut néanmoins espérer un mariage sain et heureux entre le numérique et la santé. Il y a quelque chose de culturel dans le numérique qui va être un apport majeur pour la santé, par exemple dans la manière avec laquelle les patients pourront être informés ou interagir avec le système de santé. Inversement, on trouve par essence quelque chose de très humain dans la santé qui va être bénéfique au numérique.
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Questions à
Frédéric Valletoux, Maire de Fontainebleau depuis octobre 2005, Frédéric Valletoux est aussi Président de la Fédération Hospitalière de France depuis 2011. Cette association réunit plus de 1000 établissements publics de santé et autant de structures médico-sociales, soit la quasi-totalité des établissements du secteur public.
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