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En février dernier, Villes de France publiait
son premier Baromètre des villes dites « moyennes ».
Il en ressort que les difficultés rencontrées pour accéder à une offre
de santé correcte est un sujet de préoccupation important
pour leurs habitants.
Frédéric Leturque nous explique les attentes de Villes de France
sur les problématiques d accès aux soins. PE / Quelles initiatives sont portées par les villes
membres de l association dans le domaine de la santé? FL / Nos villes sont déjà très engagées sur ce sujet et travaillent notamment à une meilleure mise en réseau des acteurs de santé et à davantage de prévention. A titre d exemple, nous avons mis en place dans ma ville un contrat local de santé avec le centre hospitalier. La mise à disposition d infirmières permet d aider les populations aujourd hui totalement coupées du système de santé classique.
PE / Les élus ont-ils été consultés dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 » ? FL / Les associations d élus ont en effet été consultées mais de manière insuffisante. En revanche, la création prochaine de groupes de travail avec des élus représentant les associations devrait permettre de rectifier le tir. Autre point important, la Fédération Hospitalière de France (FHF) vient de proposer le vote, dans chaque centre hospitalier, d une motion de sept grands principes que nous devons garder en tête à chaque prise de décision. Il s agira de favoriser la coopération entre les différents acteurs de santé des territoires ou d assurer des soins de qualité à une distance raisonnable.
PE / Les élus locaux témoignent bien souvent de leur impuissance sur les problématiques de santé. Comment changer cela ? FL / Les maires doivent avoir une autorité de régulation et de sensibilisation. Nous sommes les plus à même (dans une logique non financière) de mettre en réseau les différents services de santé. A l inverse, avec la transformation des conseils d administration en conseils de surveillance des centres hospitaliers depuis une dizaine d années, nous avons perdu toute capacité d action. Il faut que la loi permette aux maires de replacer « au cœur du réacteur » les enjeux territoriaux afin de sécuriser l accès à la santé.
Paroles d Élus / Pourquoi être à l initiative avec l APVF, d un colloque sur les déserts médicaux ? Fréderic Leturque / Ce colloque est une étape nouvelle pour l association Villes de France. Nous avions déjà organisé par le passé des rapprochements avec une série d acteurs majeurs dont la fédération hospitalière de France. C est un enjeu crucial pour les villes moyennes. Il est en effet extrêmement difficile aujourd hui de trouver des professionnels de santé qui acceptent de s installer dans nos collectivités. L idée est notamment de pouvoir échanger avec Mme la Ministre des Solidarités et de la Santé afin de comprendre quel rôle et quelle place elle accorde aux élus.
PE / Le numérique est-il pour vous un élément de réponse face au manque de médecins ? FL / S il n est pas le seul, le numérique peut être effectivement un élément de réponse. Il permet à des généralistes de faire des consultations à distance ou de compléter leur diagnostic en sollicitant plus simplement un confrère spécialiste. En revanche, il est dangereux de penser que le numérique remplacera totalement le contact physique direct. Celui-ci demeure en effet à nos yeux autant essentiel que nécessaire. Nous devons donc aujourd hui imaginer des lieux de santé à la fois physiques et numériques.
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Decryptage
Le premier baromètre de Villes de France, publié le 13 février dernier, révèle que pour 42% des habitants des villes moyennes notamment, l offre de santé s est « dégradée au cours des dernières années ». Derrière ce terme de « e-santé » se cache une vraie mutation de l ensemble des intervenants, patient inclus.
L e-santé c est aussi de nouveaux acteurs à l instar de Doctolib en France.
Depuis janvier dernier la plateforme de prise de rendez-vous en ligne, propose aussi de la téléconsultation. Sa récente levée de fonds de 150 millions d euros, ne peut que l encourager à poursuivre son objectif : « transformer le système de santé ».
Ces nouveaux acteurs vont-ils uberiser la santé ?
Mais avons-nous seulement le choix de nous y opposer, alors même que peu d alternatives semblent voir le jour ? Prenons par exemple la question des données personnelles. Aujourd hui encore très protégées, elles sont aussi très convoitées. On sait par exemple que certains assureurs ont décuplé leur curiosité dans ce domaine et que de nouveaux modèles économiques apparaissent. Là encore, ne nous trompons pas de chemin : l e-santé va- t-elle permettre une démocratisation des traitements ou au contraire, sera-t-elle trop coûteuse pour garantir l égalité de l accès aux soins ? Dit autrement, les coûts de l e-santé menacent-ils la médecine pour tous ? Comment garantir un accès pour tous à des soins de qualité ? Parallèlement à tous ces enjeux, qui semblent dépasser le cadre local, les territoires et les élus qui les représentent, sont face à un triple constat et doivent trouver des solutions concrètes et à court terme. Non seulement il devient de plus en plus difficile d obtenir des rendez-vous dans un délai raisonnable pour se soigner mais nos urgences sont de plus en plus saturées. Enfin, le départ à la retraite d un quart des généralistes dans les 5 prochaines années va accentuer la baisse du nombre d installations de médecins généralistes. Rappelons que plus de la moitié des communes de 18 départements français sont déjà classées en désert médical. Comment faire pour que l offre d e-santé devienne une réalité positive pour les malades ? Comment permettre que l innovation arrive plus rapidement au contact des patients ? Il est plus que jamais urgent de nous mettre d accord sur la médecine que nous voulons.
Comprendre l e-santé aujourd hui, enjeux pour demain
Réponse à la désertification médicale, rapidité des
diagnostics, diminution du nombre d analyses, meilleures
orientations des patients, optimisation du partage des
informations entre médecins, les espoirs mis dans l e-santé
sont nombreux.
Les patients sont-ils aujourd hui plus connectés et plus informés que leurs médecins ?
De nombreuses plateformes et applications de santé sont en effet aujourd hui disponibles, parfois gratuitement. S informer (rappelons au passage que Doctissimo, c est 36 millions de visites par mois), apprendre les bons gestes, être conseillé, alerté, surveillé et maintenant ausculté, les actions ne manquent pas. Côté médecin, on a troqué le dictionnaire VIDAL là aussi pour des applications spécialisées comme par exemple Figure1. Cette plateforme d échange part de la logique que s il est impossible de tout savoir en médecine, en partageant nos connaissances entre professionnels, c est déjà plus facile.
Les maires doivent avoir une autorité de régulation et de sensibilisation.
Frédéric Leturque, Maire d Arras et secrétaire général de l association
Le regard des Elus