[Friche & Numérique] Romans-sur-Isère réveille son cœur de ville
Dans le département de la Drôme, Romans-sur-Isère a opéré ces dernières années une véritable mue. Alors que de nombreuses friches s’accumulaient, comme autant de signes d’un centre-ville qui se meurt, cette ville de 33 000 habitants a sensiblement inversé la tendance. Elle a su faire de ces espaces laissés à l’abandon, de vraies opportunités pour les investisseurs. Pour en savoir un peu plus, Paroles d’Elus a rencontré Marie-Hélène Thoraval, Maire de Romans.
Paroles d’Elus – La ville s’est engagée dans un vaste plan de lutte contre les friches. Quelle était la situation en 2014 ?
Marie-Hélène Thoraval- En 2014, nous avions une quinzaine de friches dans le centre-ville. Certaines d’entre elles étaient même en hypercentre. Une des difficultés consistait à réunir dans une même démarche tous les acteurs puisque certains de ces lieux identifiés ne nous appartenaient pas. A partir de là, la ville a lancé une opération, pour aller chercher les personnes qui ont les moyens d’investir et dont c’est le métier.
PdE- Quelle a été votre stratégie pour inverser cette tendance ?
M-HT – Nous avons donc lancé un plan baptisé « Invest In Romans ». L’idée était de réunir un certain nombre de partenaires et porteurs de projets économiques mais aussi partenaires financiers plutôt spécialisés dans l’investissement immobilier. Grâce à cet évènement que nous avons reconduit pendant 3 ans, toutes les friches appartenant à la ville, ont trouvé aujourd’hui un projet.
L’autre volet de notre stratégie a consisté à optimiser l’espace foncier. Ainsi par exemple, nous avions quatre mairies annexes. Celles-ci n’étaient rien d’autres que des centres techniques qui étaient dispatchés sur la ville. Nous avons décidé de regrouper l’ensemble de ces moyens et services dans un seul centre technique communal. L’espace libéré nous a permis de créer de nouveaux logements en centre-ville et d’accueillir des nouveaux acteurs. Ainsi par exemple, Domitys, spécialiste de la création de résidence-services pour seniors, va construire d’ici peu près de 120 logements de grand standing.
Nous avons aussi orienté certains porteurs de projets qui a priori, par simplicité, souhaitaient s’installer en périphérie, dans une zone d’activité économique. Le centre-ville peut être un écrin exceptionnel au regard de valeurs partagées, de l’image positive qui en ressort pour l’entreprise.
PdE-Romans sur Isère accueille aussi désormais dans son centre-ville la 2ème Digitale Académie de France. Pouvez-vous nous expliquer la finalité de ce projet ?
M-HT – Outre la gestion des friches, l’enjeu est pour nous en effet de créer de nouveaux flux dans le centre historique. Ainsi, nous avons ouvert la 2ème Digitale Académie de France (NDLR: après Montreau ). Nous sommes accompagnés pour ce projet par la Région Auvergne Rhône-Alpes. Ce nouvel équipement a pris place dans les locaux d’une ancienne banque que nous avons achetés et transformés. L’idée, grâce à ce tiers-lieux d’enseignement supérieur, est de permettre à des jeunes de poursuivre leurs études sans avoir à déménager de la ville où ils ont grandi. Au bout d’un mois seulement, une quinzaine d’entre eux sont déjà inscrits.
PdE – Une autre friche accueille l’entreprise 6tématik. Là encore, on trouve une dimension numérique. Le numérique est-il une opportunité pour les villes de combattre les friches en proposant de nouveaux usages ?
M-HT – Le numérique permet en effet de rabattre les cartes, en ce sens qu’il rend possible l’implantation de nouvelles activités (et donc aussi des flux) en centre-ville. L’entreprise 6tématik, que vous citez, occupe aujour’hui les locaux de l’ancien conservatoire fermé en 2013, en plein cœur historique. Grâce à Invest in Roman, nous avons pu intégrer ce bâtiment dans la liste des espaces fonciers en friche. Cette entreprise, travaillant dans le domaine du marketing digital a fait une offre pour acquérir ce lieu. Après plusieurs mois d’activités, ses dirigeants sont ravis. Une telle situation a en effet des atouts non négligeables notamment pour recruter. Les gens se plaisent à travailler en ville.
Autre exemple allant dans ce sens, nous travaillons également à la réhabilitation de la chapelle de l’ancien hôpital, située quai Sainte-Claire. Ce lieu devrait accueillir notamment un espace de coworking.
La culture est aussi un levier très important pour redynamiser les cœurs de villes. Il faut surtout veiller à préserver et à réimplanter de l’activité culturelle. C’est un investissement qui bien pensé, peut rapporter. Le tout est de savoir quel est l’objectif à atteindre. Ainsi, en plein centre-ville, nous allons réimplanter l’école d’art, transformée à cette occasion en centre d’art. Des mini galeries et lieux d’expositions plus ou moins éphémères seront créés dans les cellules commerciales avoisinantes qui ne sont pas occupées.
PdE – Vous êtes intervenue lors des derniers ateliers Cœur de Ville. La démarche engagée il y a 5 ans fait de votre collectivité, une pionnière sur cette problématique. Quels sont pour vous les points de vigilance lorsqu’on s’attaque à la requalification des friches ?
M-HT – Il faut à mon sens être très vigilent sur le choix du porteur de projet… quitte parfois à devoir dire non. Car s’il est vrai que c’est le porteur de projet qui investit à votre place, pour autant la qualité de son projet, c’est vous qui en bénéficierez. Il faut être capable de reporter, d’attendre encore quelques mois supplémentaires, et de remettre l’ouvrage sur le métier. Ce n’est pas une vision à court terme. Être exigeant, n’est pas une erreur bien au contraire. Car à partir du moment où un niveau d’exigence sur les porteurs de projets est (re)connu, un effet de halo s’opère. Celui-ci élimine de fait tous les projets qui seraient peu viables ou peu valorisants pour l’image de la ville.
A titre d’exemple, nous avons demandé à certains propriétaires de refaire des travaux dans des cellules commerciales. En contrepartie, ils avaient l’assurance de bénéficier de deux ans de loyer. Nous avons été très exigeants sur les porteurs de projets que nous avons sélectionnés. Nous avons tenu notre position et avons accueilli l’un après l’autre plusieurs boutiques d’artisanats d’art. Aujourd’hui, la dynamique s’opère et une coopérative d’artisan d’art se met en place. La rue, jusqu’alors peu recherchée par les investisseurs car assez pentue, se différencie. On y trouve par exemple, chose unique dans la région, une perlière. Les gens se déplacent pour voir comment elle travaille et souffle le verre.