Tête-à-tête politique avec… Francisque Vigouroux, Maire d’Igny
Pour ce premier tête-à-tête politique, prenons la direction de l’Essonne. Nous avons rendez-vous en effet avec Francisque Vigouroux, Maire d’Igny et membre de l’APVF.
Paroles d’élus : Pouvez-vous tout d’abord nous présenter votre collectivité et nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
Francisque Vigouroux : Igny est une collectivité qui compte entre 10 000 et 11 000 habitants selon les années. C’est une commune très résidentielle. Les personnes qui y habitent ne travaillent pas forcément sur place, elles se rendent plutôt dans les pôles d’emploi environnants, principalement Paris, Versailles, le plateau de Saclay, etc. On se situe au carrefour de trois grands pôles urbains : Massy, le plateau de Saclay, et le secteur de Versailles. C’est une commune majoritairement composée de cadres.
En ce qui me concerne, je suis maire depuis 10 ans. J’ai été élu à l’époque où je m’étais engagé en politique aux côtés d’un autre maire, l’un des maires emblématiques de Massy, qui est encore sénateur aujourd’hui. Mon parcours politique est en partie le fruit du hasard. Dans ma famille, on est auvergnats et certains membres ont fait de la politique locale. La politique a toujours été présente dans les discussions familiales. J’ai fait des études de commerce et j’avais vocation à travailler dans le privé. Cependant, par le biais de rencontres, je me suis engagé en politique.
Paroles d’élus : Qu’est-ce qui vous motive le plus aujourd’hui dans le rôle de maire ?
Francisque Vigouroux : Incontestablement, ce qui me nourrit le plus, c’est le lien humain, au sens large. Ce que je trouve le plus marquant et enrichissant, c’est ce lien humain. Lorsque j’incite des gens, y compris des jeunes, à s’engager en politique ou dans des causes humanitaires, ce qui me semble le plus marquant, c’est ce lien humain. En tant que maire, on doit rester concentré et attentif à la vie des autres. On doit habiter la commune où l’on est élu, vivre au milieu de la communauté. Je vis à Igny depuis quelques années, mes enfants y grandissent. Être au milieu de cette communauté et sentir qu’on est utile en prenant des décisions qui changent la vie quotidienne des gens, c’est gratifiant.
Ensuite, les décisions que l’on prend avec une équipe d’élus et de fonctionnaires de la mairie ont une déclinaison opérationnelle rapide. Par exemple, lorsque nous avons décidé de construire une cantine, c’était un choix financier important. Nous avons commencé ce projet il y a quatre ans et aujourd’hui, la cantine est en train de sortir de terre. C’est gratifiant.
Paroles d’élus : Qu’est-ce qui a changé en 10 ans ?
Francisque Vigouroux : Pour moi, les deux changements majeurs sont d’abord la moins grande autonomie dans notre capacité à agir. Le poids des normes, des réglementations et des processus administratifs est écrasant. Cela réduit l’autonomie des communes et des maires. C’est un sujet de désespérance, de colère et d’énervement. Il y a quelques années, je vous aurais dit que le premier sujet était financier. Aujourd’hui, le vrai sujet est ce poids de la réglementation et de l’administration centrale.
Le deuxième point est le changement de la société. Nous sommes dans une société plus individualiste, les gens sont plus inquiets pour l’avenir et plus exigeants. Nous devons appréhender et gérer ce changement de perception de l’action publique et des services publics. Les gens sont devenus plus consommateurs.
Un autre point préoccupant est le rapport à l’impôt local. Aujourd’hui, seule une partie de la population paie la taxe foncière, alors qu’avant, tout le monde payait la taxe d’habitation. Cela crée une forme d’inéquité et pose des questions sur l’état de notre démocratie locale.
Paroles d’élus : Pouvez-vous nous présenter un projet de mandat avec une dimension numérique qui vous tient à cœur ?
Francisque Vigouroux : Spontanément, je pense à France Services. Nous avons inauguré le premier espace France Services du département de l’Essonne. C’est un dispositif auquel je crois depuis le début. Philosophiquement, cela signifie que le service public se déplace vers les populations, et non l’inverse. France Services fonctionne avec une dose de numérique très forte. Le principe est d’avoir sur un même lieu des fonctionnaires de la commune qui fournissent des réponses de premier niveau aux usagers, quels que soient les services concernés. Cette promesse de services tout-en-un, au plus près des populations, est importante. Cela ne fonctionne que parce que nous avons injecté des outils numériques nombreux et puissants à tous les niveaux.
Cependant, si le pays est progressivement fibré et connecté, nous avons encore quelques zones d’ombre. Certes à plus ou moins long terme, tout le monde aura accès au numérique. Mais la promesse du digital tiendra ses engagements à la seule condition que nous ayons mieux d’humain, pas forcément plus d’humain, mais mieux d’humain. Il faut accompagner l’environnement numérique d’un soutien humain indispensable. Par exemple, dans notre espace France Services, nous avons un corner numérique avec une personne chargée d’accompagner les usagers. Nous sommes tous susceptibles d’être confrontés à une forme d’illectronisme car tout va très vite et tout change très vite. L’arrivée de l’IA dans nos processus métiers va révolutionner l’environnement numérique. Si nous ne voulons pas perdre les gens, il faut absolument renforcer nos compétences avec des équipes humaines.
Paroles d’élus : Comment imaginez-vous les prochains mois ?
Francisque Vigouroux : Je pense que les prochains mois seront tendus politiquement, avec des conséquences possibles sur le plan économique. Cependant, les élus des territoires, qu’ils soient départementaux ou communaux, ont encore plus un rôle à jouer : celui de tenir la baraque. Les services publics de proximité fonctionnent bien parce que les fonctionnaires territoriaux et les élus sont au plus près des besoins des gens. Il faut que cela tienne. Si les services publics de proximité ne tiennent plus, le pays risque de s’effondrer. La vie quotidienne des gens dépend de nous : les écoles, les cantines, les espaces publics, les politiques de solidarité. Nous avons vraiment besoin que les territoires tiennent. C’est un vrai sujet pour les mois à venir.