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    Mobilité

    [Entretien] Neuilly se dote d’un Laboratoire des Transformations Urbaines

    [Entretien] Neuilly se dote d’un Laboratoire des Transformations Urbaines

    Le 4 avril dernier, la ville de Neuilly présentait les contours de sa future métamorphose. Le maire, Jean-Christophe Fromantin se donne en effet 4 ans pour transformer l’Avenue de Charles de Gaulle, un axe routier important mais qui fait aujourd’hui peu de cas des attentes des habitants. Pour mener à bien ce projet, fruit de plusieurs années de réflexion et de concertation, la ville a décidé de se doter d’un Laboratoire des Transformations Urbaines. Celui-ci doit faciliter l’émergence de solutions innovantes et permettra de les tester en conditions réelles. Pour en savoir un peu plus, nous sommes allés poser quelques questions à Jean-Christophe Fromantin.

    Paroles d’Elus – Qu’est-ce que le « Laboratoire des Transformations Urbaines » ? Quels sont ses moyens d’actions ?

    Jean-Christophe Fromantin –Nous voulons imaginer et rendre possible, un nouveau modèle de partage de l’espace public qui passera notamment par l’émergence de solutions innovantes. Le Laboratoire des Transformations Urbaines va nous permettre de les identifier et de les tester en conditions réelles. Il rassemble ainsi une équipe d’ingénieurs de la ville. L’enjeu était pour nous en premier-lieu en effet, de mobiliser les ressources humaines nécessaires pour mener à bien les différentes expérimentations que nous souhaitons mener sur cette zone. Pour chacune d’entre elles, des moyens d’actions seront déterminés au fur et à mesure de l’avancement. Chaque projet étant nouveau, il générera des arbitrages spécifiques en termes d’investissements et de dépenses ou d’achat de licences. Il n’y a donc pas de frais de structure, nous sommes dans une logique de gestion de projets.

    PE- Quels sont les objectifs ?

    J-CF- Les objectifs se retrouvent au sein de 4 cahiers des charges qui doivent nous permettre de répondre à 4 problématiques identifiées. Il s’agit de celle du stationnement tout d’abord alors même que les Français passent en moyenne 30 minutes par semaine à la recherche d’une place de parking et que 60% de la pollution urbaine proviendrait de la circulation liée au stationnement. C’est donc aussi un enjeu de société.

    La 2ème problématique concerne la gestion des flux sur un axe aujourd’hui particulièrement emprunté. Parallèlement, il sera aussi question d’environnement et enfin d’animation culturelle et commerciale. Ces sujets sont clairement posés et les cahiers des charges seront écrits progressivement dans les prochains mois au fur et à mesure. L’idée dans un second temps consistera à interroger le marché et notamment les acteurs de l’innovation sur les objectifs poursuivi.

    PE- L’espace que vous avez défini est relativement important…quel est le calendrier ?

    J-CF- En effet, le périmètre de cette expérimentation s’étendra sur presque 2 kilomètres de long et 100 hectares d’espace public, entre l’avenue Achille Peretti au Nord ; et le boulevard Maurice Barrès au Sud. Pour vous donner un ordre d’idée, il concerne 3700 places de stationnement en surface, soit 1/3 des 10 000 que compte la ville. Nous voulons tendre vers une gestion dynamique des usages en optimisant l’utilisation des places de stationnement en temps réel et le partage de l’espace public, via notamment avec les mobilités douces. C’est une zone d’implémentation de nouvelles solutions.

    Ce projet se déploiera très concrètement sur les quatre prochaines années; c’est-à-dire au fur et à mesure de l’avancée des travaux le long de l’Avenue Charles de Gaulle. L’idée est en effet de faire coïncider le temps du chantier avec la recherche de solutions innovantes afin qu’elles puissent être implémentées dans les meilleurs délais. C’est donc malgré tout, malgré l’ambition un calendrier relativement fermé et très raisonnable à l’échelle d’une ville.

    PE- Comment vous est venue l’idée de lier réaménagement urbain et expérimentation de solutions innovantes ?

    J-CF- On voit un nombre important de solutions se développer. En parallèle, chaque semaine ou presque, on reçoit des invitations pour des colloques de Smart Cities et les ouvrages sur le domaine se multiplient. Le risque est aujourd’hui que toutes ses innovations débouchent sur un effet d’aubaine en voulant appliquer des outils qui existent déjà.

    Notre démarche consiste à inverser ce processus. Nous partons de nos besoins et l’innovation doit venir améliorer les choses. Trop souvent en effet, les innovations viennent transformer des politiques publiques parce que les responsables sont séduits par l’idée de « faire de l’innovation ». Notre approche partira des objectifs que nous voulons atteindre. Si, pour être concret, nous voulons que les gens divise par 5 le temps nécessaire pour trouver une place, le Laboratoire des Transformations Urbaines va nous donner les moyens d’y parvenir. Nous aurons la maîtrise de l’innovation.

    PE- Des entreprises et start up sont-elles déjà intéressées ?

    J-CF- L’appel à projet a démarré au début du mois et les marques d’intérêt devront être déposées d’ici au 28 juin 2019, pour un rendu des propositions en janvier 2020. Nous avons d’ores-et-déjà une vingtaine de grandes entreprises et de start up qui souhaitent réfléchir à nos problématiques; cela va d’Indigo, d’Enedis en passant par ParkingMap, MapLab ou encore Wintics.

    PE- Créer de la donnée et pouvoir l’utiliser en temps réel peut nécessiter des coûts importants, en termes d’infrastructures et de pose de capteurs par exemple. Dès lors comment concilier argent public et risque d’échec inhérent à l’expérimentation ?

    J-CF- Ce risque sera très limité dans le cas de nos expérimentations. Aujourd’hui, nous avons en effet suffisamment de connaissances sur le nombre de capteurs nécessaires, leur durée de vie, etc. Le sujet concerne en revanche davantage le modèle économique pour chaque objectif à atteindre. Qui investit ? Qui exploite ? Qui touche une redevance et sur quelle durée ?

    Nous n’avons pas de religion en la matière. Parfois, la ville s’orientera vers une logique où elle sera l’investisseur principal. Elle désignera des tiers comme gestionnaire en contrepartie d’un système de redevances. Ce peut être le cas pour le stationnement. A l’inverse, pour la gestion  et l’optimisation des feux, on sera plutôt sur l’obtention d’un système algorithmique en direct.