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    Éducation & formation

    Service Militaire Adapté (SMA) : « Notre passion, c’est l’humain au cœur de notre projet »

    Rencontré lors du 107ème Congrès des Maires et des Présidents d’intercommunalité, Porte de Versailles, le Général Patrice Bellon, commandant du Service Militaire Adapté, revient pour Paroles d’Élus sur ce dispositif d’insertion unique destiné aux jeunes ultramarins. Entre formation professionnelle, lutte contre l’illettrisme et accompagnement vers l’emploi, le SMA fait figure d’escalier social pour des milliers de jeunes éloignés de l’emploi.

     

    Paroles d’élus : Pouvez-vous nous présenter le Service Militaire Adapté ?

    Général Patrice Bellon : Derrière ce sigle, il y a d’abord des hommes et des femmes. Des formateurs, des cadres militaires et civils, des professeurs des écoles. Leur mission essentielle ? S’occuper d’une jeunesse ultramarine sortie du système scolaire, souvent sans qualification. Nous remobilisons ces jeunes vers l’emploi. Certains ont des diplômes mais sont éloignés de l’emploi depuis plusieurs années. L’idée, c’est de leur faire acquérir des compétences techniques et de leur transmettre le savoir-être militaire. Nous les remobilisons dans l’emploi et dans la société de manière générale.

    Paroles d’élus : Dans quels territoires le SMA est-il présent ?

    Général Patrice Bellon : Nous sommes présents dans tous les océans, de l’Atlantique aux Caraïbes jusqu’au Pacifique en passant par l’océan Indien. Notre dispositif compte sept régiments ultramarins et un centre de formation à Périgueux, dans l’Hexagone. Ce centre accueille des volontaires que nous accompagnons sur des formations diplômantes ou certifiantes dans les domaines de la santé, de la sécurité et des travaux en hauteur. Au total, notre dispositif compte 7 200 personnes dont 1 300 cadres et 5 800 jeunes volontaires.

    Paroles d’élus : Qui sont ces jeunes volontaires ?

    Général Patrice Bellon : Nous avons 32 % de jeunes femmes dans notre dispositif. Les trois quarts sont des volontaires stagiaires, des jeunes sans diplôme que nous formons à des compétences. Le quart restant sont des jeunes diplômés, parfois jusqu’au BTS. J’ai même eu une fois un Bac +5. Ces volontaires techniciens font des contrats successifs d’un an, jusqu’à cinq ans maximum.

    Le dispositif touche des populations parmi les plus démunies. On leur a souvent dit qu’ils n’avaient jamais réussi dans leurs études. Nous les remobilisons vers des projets pour s’intégrer dans la société. 32 % des jeunes que nous accueillons ont un taux d’illettrisme entre niveau 1 et 2, donc des taux importants. Il y a tout un travail de remédiation et de remise à niveau. Nous travaillons en partenariat avec l’Agence Nationale de lutte contre l’illettrisme, avec des outils numériques qui nous aident beaucoup.

    Paroles d’élus : Comment recrutez-vous ces jeunes ? Quelle est votre relation avec les territoires ?

    Général Patrice Bellon : La particularité du Service Militaire Adapté, c’est qu’il est singulier à chaque territoire. Chaque formation est adaptée au territoire dans lequel nous évoluons. Il est important que chaque volontaire trouve sa voie dans la filière qui est la sienne. C’est une démarche qui prend du temps.

    Nous avons la chance de bénéficier d’une bonne aura. Le SMA est connu et reconnu dans tous les Outre-mer. Nous sommes au salon des maires, et nos élus sont les premiers défenseurs du dispositif. D’ailleurs, lors de la suspension du service national en 1996, tous les élus d’outre-mer ont demandé que le SMA soit maintenu. Ils demandent toujours plus de SMA !

    Le premier vecteur, c’est donc la réputation du service, chez les élus comme dans le tissu économique et social. Nous avons aussi un gros effort de communication sur les réseaux, par voie de presse, en allant au contact des populations et des jeunes grâce aux missions locales. Et un vecteur essentiel reste le bouche-à-oreille : un frère, une sœur, un cousin ou une cousine est passé dans le dispositif, et les jeunes viennent naturellement.

    Paroles d’élus : Concrètement, que se passe-t-il au quotidien dans un régiment du SMA ?

    Général Patrice Bellon : On se lève très tôt au SMA, comme souvent dans les armées. On apprend surtout à vivre ensemble, en communauté, en collectivité. L’individu s’efface au profit du collectif. Une des valeurs fondamentales des armées, c’est cette fraternité d’armes. On ne choisit jamais son frère d’armes, et on l’accompagne pour aller au combat. Si un individu au sein d’un groupe n’est pas capable de remplir sa mission, c’est le groupe qui en pâtit. C’est valable dans la vie et au quotidien.

    Ce que nous essayons d’inculquer à nos jeunes, c’est que le groupe permet aussi de s’épanouir, de grandir, de faire attention à l’autre. Ne pas se centrer sur soi-même, sur ses problèmes, sur ses difficultés, mais essayer d’aller toujours de l’avant. La vie n’est pas forcément facile, et eux ont la preuve que cette vie, au départ, n’est pas simple. Mais par la force du groupe, par l’investissement, par la détermination, on peut réussir des projets de vie alors qu’on n’a pas forcément toutes les chances au départ.

    Le volet formation est tout aussi essentiel. Nous avons un savoir-faire et un savoir-être. Les compétences techniques sont acquises au travers de différents métiers. Nous proposons 91 filières différentes dans 22 familles professionnelles. Les personnes qui encadrent nos volontaires sont des engagés volontaires du SMA, recrutés sur leurs compétences techniques. Ils ont des niveaux de diplômes assez élevés et suivent trois mois de formation militaire à Angoulême, puis trois mois de formation de formateur à Périgueux. Ils font des contrats de 11 ans chez nous.

    Ce qui est intéressant, c’est qu’ils sont aidés par des aides-formateurs. Ce sont des volontaires techniciens, donc des jeunes diplômés éloignés de l’emploi qui viennent chez nous jusqu’à cinq ans par contrats successifs d’un an. Ces aides-formateurs aident à dispenser les compétences techniques nécessaires.

    Paroles d’élus : Le numérique occupe une place importante dans votre dispositif ?

    Général Patrice Bellon : Absolument. L’un des principes de notre dispositif, c’est d’aider nos jeunes à vaincre l’illettrisme mais aussi l’illectronisme. En Guyane par exemple, nous avons créé un Fab Lab grâce à un partenariat avec Orange. Nous avons équipé une salle en libre service ou accompagnée par des professeurs. Elle permet à nos jeunes d’appréhender avec moins de difficulté l’outil informatique.

    Nous avons une ambition sur les cinq ans à venir : 100 % des jeunes qui quittent le SMA doivent être capables d’utiliser un pack office pour des choses basiques et surfer en sécurité sur internet. L’idée, c’est vraiment d’utiliser l’outil numérique pour développer des compétences. Il faut qu’ils ne soient pas éloignés de l’emploi par un manque de compétences dans une société digitale.

    L’intelligence artificielle fait déjà partie des outils que nous utilisons à l’état-major du SMA pour gagner du temps. Nous l’utilisons notamment dans l’élaboration de nos fiches au profit de la ministre des Outre-mer et des autorités militaires. Nous utilisons l’IA pour mettre en convergence les innombrables directives que nous produisons et les mettre en cohérence. Et je pense que dans l’apprentissage aussi, l’IA va nous aider à faire appréhender le monde du numérique correctement par nos jeunes. C’est une dimension que nous avons intégrée dans un plan que nous mettons en place sur les cinq ans à venir. Nous l’avons dénommé Impact : impact sur le jeune, impact sur le territoire. L’outil numérique nous y aidera forcément.