RURALITIC : ce que nous réserve la 19ème édition !
La 19ème édition de RURALITIC ouvre ses portes demain au Centre des Congrès d’Aurillac, dans le Cantal. Au programme, trois jours de réflexion et de témoignages autour de l’accès aux réseaux, de l’accès aux droits et de l’accès aux chances, les 3 piliers de l’inclusion numérique pour les territoires ruraux. Pour en savoir plus sur ce qui vous y attend, nous avons pu poser quelques questions à Sébastien Côte fondateur et commissaire de l’événement.
Paroles d’élus : Beaucoup de sujets et de témoignages sont au programme de cette 19ème édition de RURALITIC. Comment avez-vous imaginé et conçu ce dernier ?
Sébastien Côte : Nous avons décidé de construire le programme de cette 19 ème édition, autour de la thématique centrale de “l’inclusion numérique”. Pendant longtemps, l’expression consacrée était plutôt celle de“fracture numérique”. En inversant le point de vue, on met en exergue, tout simplement, l’ensemble des actions qui contribuent à favoriser l’accès et l’utilisation des nouvelles technologies constituent des actions d’inclusion numérique.
Le programme de cette édition va nous permettre d’aborder ce qui en constitue, selon nous, les trois piliers.
Paroles d’élus : Le premier pilier, est-ce l’accès aux réseaux ?
Sébastien Côte : En effet, le premier pilier, ce sont les infrastructures et les équipements. Si on n’a pas la connexion, si on n’a pas le réseau ni le terminal, il est à peu près inutile de parler d’inclusion numérique. Ainsi, et comme c’est le cas chaque année, nous ferons un point sur le déploiement des infrastructures, notamment du très haut débit. Même si on entend ici et là dire que c’est terminé, la réalité est autre. Nous arrivons dans ce qu’on appelle les raccords longs et complexes, qui sont en fait la partie la plus difficile de ce plan France Très Haut Débit, dans lequel la France a investi 23 milliards d’euros.
Quand on parle d’accès au réseau, on pense fibre mais aussi réseau mobile. C’est ici un des enjeux majeurs du plan France Mobile, qui donne aujourd’hui satisfaction aux territoires ruraux avec 5 000 antennes déployées. En résumé, il faut rester mobilisé, car il reste encore des situations particulières, d’autant plus irritantes lorsque l’on n’a pas le très haut débit alors que tous ses voisins l’ont.
Paroles d’élus : Quels sont les deux autres piliers ?
Sébastien Côte : Le deuxième pilier pour nous, c’est l’accès aux droits. On a vu un mouvement, synchronisé ou presque, de départ des services publics de la ruralité : certaines écoles qui ferment, des permanences de la MSA, de la CAF, de Pôle emploi, etc. Petit à petit, une forme de désertification des services publics s’est mise en place à partir des années 90. Cela a fait l’objet d’une tentative de compensation à travers le déploiement de services à distance. Un grand succès de la dématérialisation est la déclaration d’impôts en ligne. Cependant, pour un certain nombre de personnes, faire cette déclaration en ligne est compliqué, voire impossible. Que fait-on pour ces personnes ?
Et le troisième pilier, c’est l’accès aux chances. C’est l’accès à la culture, à l’éducation, à la formation et à l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, avec le numérique, on peut créer son business et vivre en milieu rural. Les campus connectés, par exemple, permettent à des jeunes de suivre des formations supérieures sans quitter leur territoire. Cela évite à certains de renoncer à des études supérieures pour des raisons financières ou géographiques.
Paroles d’élus : Sais-t-on dire aujourd’hui qui est en difficulté avec le numérique ? Et quelles peuvent être les conséquences très concrètes ?
Sébastien Côte : Il n’y a pas un seul profil type en revanche, on sait que les publics des CCAS, par exemple, bénéficiaires des minima sociaux ou des personnes en situation de handicap, sont souvent les plus éloignés du numérique. On estime qu’un tiers des Français sont en difficulté face au numérique, notamment pour réaliser des formalités nécessaires. Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement a lancé une expérimentation « Territoire Zéro Non-Recours aux Droits », pour que les personnes ayant droit à des aides puissent les mobiliser. Le non-recours est une réalité : environ un tiers des personnes éligibles à des aides ne les demandent pas.
Paroles d’élus : N’y avait-il pas pourtant avec le numérique, la promesse de simplifier les choses ?
Sébastien Côte : Le numérique, supposé corriger ces inégalités, a parfois eu l’effet inverse. D’où la création des Maisons France Services, qui offrent un accompagnement de premier niveau. Bien que ces conseillers soient compétents dans le « comment faire », ils ne sont pas formés pour conseiller sur la situation sociale des usagers. Par exemple, ils ne peuvent pas toujours dire : « Vous devriez activer ce dispositif, il vous correspond mieux ». Ce manque de conseil sur le fond du dossier est un déficit important.
De plus, malgré les efforts, de nombreux secrétaires de mairie se retrouvent à aider, voire à effectuer, des formalités pour les usagers. Cela se fait parfois dans un cadre juridique flou, avec des risques pour la confidentialité des informations personnelles. C’est une situation problématique, car la dématérialisation des formalités limite l’accès aux droits pour ceux qui ne savent pas utiliser internet. Si je ne peux plus passer que par internet et que je ne sais pas m’en servir, je suis exclu. Il faut que je me fasse aider, et cela peut entraîner du renoncement.
Paroles d’élus : La disparition des services publics explique-t-elle en partie les résultats des dernières législatives dans les zones rurales ?
Sébastien Côte : Il est clair que ce sentiment d’abandon joue un rôle. Les territoires ruraux concentrent souvent des personnes avec un faible capital social et culturel, qui ont besoin de services publics. Le retrait de ces services alimente un sentiment d’abandon, surtout dans des territoires où les capacités à créer des alternatives sont limitées.
Paroles d’élus : Qu’en est-il de l’accès aux opportunités, à la culture, à l’éducation dans ces territoires ?
Sébastien Côte : En matière de culture, les micro-folies sont un dispositif par exemple qui marche très bien, très apprécié en milieu rural. Toutefois, il ne faut pas que cela empêche les jeunes d’aller au Louvre ou de profiter d’une culture plus large. Enfin, pour les dispositifs comme les conseillers numériques, il y a un enjeu de pérennité. Le modèle actuel demande aux collectivités de financer ces postes après une période de cofinancement. In fine, cela est souvent perçu comme une charge supplémentaire. La question de l’investissement dans la ruralité reste donc centrale. Les aménités rurales, comme l’agriculture, la production d’air pur ou l’eau, sont essentielles, mais elles ne sont pas suffisamment valorisées.