Paris-Saclay Summit : questions à Grégoire de Lasteyrie, Président de l’Agglomération

Remettre la science au cœur de notre société et révéler son rôle crucial face aux grands enjeux de notre époque, voici les objectifs du Paris-Saclay Summit. La 1ère édition de ce sommet se tiendra les 29 février et 1er mars prochain sous le haut patronage du Président de la République, Emmanuel Macron. Elle a été imaginée par  la Communauté d’agglomération Paris-Saclay. Au programme, plus de cinquante conférences et rencontres-débats qui donneront la parole aux scientifiques, dont des experts internationaux. Pour en savoir plus, Paroles d’élus a pu poser quelques questions à son Président, Grégoire de Lasteyrie.

Paroles d’élus : Depuis quand travaillez-vous sur ce projet de Paris-Saclay Summit ?

Grégoire de Lasteyrie : Ce projet qui a eu le temps de mûrir. En effet, dès  mon arrivée à la tête de l’Agglomération Paris-Saclay en 2020, nous avions en effet déjà l’intuition qu’il était nécessaire d’organiser un grand sommet international sur la place de la Science et dans notre société. Évidemment, les difficultés sanitaires liées au Covid et les différentes crises ont un peu compliqué les choses. Difficile en effet de lancer alors ce grand événement, dans lequel sont attendus des scientifiques des quatres coins du globe et beaucoup de public. Nous avons donc dû prendre notre mal en patience et attendre un petit peu que les conditions soient plus propices. Il y a un peu plus d’un an maintenant, nous avons remis l’ouvrage sur le métier et avons bâti le programme de cette première édition.

Très vite, nous avons vu une forte adhésion à ce projet. Du côté du Conseil Départemental et de la Région par exemple, nous avons tout de suite eu des retours très favorables. Valérie Pécresse et François Durovray ont souhaité l’un et l’autre soutenir ce projet.

Paroles d’élus : Et proposer un tel Sommet sur la Science n’aurait pas pu avoir lieu autre part qu’à Paris-Saclay…

Grégoire de Lasteyrie : En effet, proposer un sommet sur la Science à Paris-Saclay est pour ainsi dire une évidence. C’est en effet aujourd’hui l’un des principaux lieux de la recherche en France. Il représente concrètement entre 15 et 20 % de la recherche française. Et ce pourcentage devrait augmenter à court terme puisque nous avons l’objectif d’atteindre les 25 % de la recherche publique et privée française.

Notre territoire est donc tout naturellement reconnu pour ce savoir-faire non seulement au niveau national mais aussi international. Globalement, on peut se féliciter que les établissements d’enseignement supérieur français soient en progression. Si vous prenez par exemple le nouveau classement de Shanghai publié août 2023, on trouve pas moins de 27 établissements tricolores, dont quatre placés dans le Top 100. Et l’Université Paris-Saclay est aujourd’hui située à la tête de pont de ce dynamisme puisqu’elle est entrée dans le Top 15, toutes disciplines confondues et même à la 1ère place au niveau européen pour les mathématiques. De son côté, le Massachusetts Institute of Technology (MIT) nous classe aussi comme l’un des 8 principaux pôles d’innovation dans le monde. J’aime à dire que Paris-Saclay est une arme d’innovation massive pour la France.

Paroles d’élus : Le Paris-Saclay Summit est-il réservé aux scientifiques ?

Grégoire de Lasteyrie : Cet événement n’est pas un colloque scientifique. Les chercheurs présents ne seront pas là pour faire un état de l’art de leur recherche et présenter en avant-première les papiers qui vont être publiés dans les prochains mois. 

C’est un Sommet international sur la Science. L’objectif est donc que les grands scientifiques, les dirigeants et les responsables politiques échangent entre eux sur les grands enjeux de la Science et les débats qui traversent la société aujourd’hui. Au programme, nous allons donc nous demander comment, par exemple, la science peut-elle participer aux problématiques de transition environnementale. Nous allons aussi nous pencher durant ces 2 jours sur son rôle face aux problématiques énergétiques. Il sera aussi question de la répartition des richesses et de l’égalité des chances. Et puis il y a la question dee l’éthique de la science.

Les 29 février et 1er mars, quatre Nobels nous feront l’honneur d’être présents et apporteront leur témoignage. Nous aurons aussi des responsables politiques internationaux, un commissaire européen et des patrons de très grandes entreprises.

Paroles d’élus : Un fossé s’est-il creusé ces dernières années entre nos scientifiques et la société ?

Grégoire de Lasteyrie : Nous sommes en tout cas face à un glissement progressif et profond qui n’aurait pas été imaginable il y a encore 20 ans. En France, Pays de Descartes et des Lumières, la parole du scientifique semble de moins en moins crédible ou audible. En 1972, une majorité de Français considéraient par exemple comme une évidence que la science était avant tout un vecteur de progrès social et qu’elle apportait « plus de bien que de mal » (NDLR : https://www.science-and-you.com/fr/sondage2021 ). Un demi-siècle plus tard, six Français sur dix considèrent que la science apporte « autant de bien que de mal ».

Autre exemple de ce glissement, une majorité de Français considèrent aujourd’hui qu’il faut développer les recherches seulement quand on pense qu’elles auront des applications pratiques. Il y a dix ans seulement, la situation était diamétralement opposée. Priorité était en effet accordée à la recherche fondamentale sans application prévisible.

Paroles d’élus : En parcourant le programme de ces 2 jours, on note un nombre important d’intervenantes. Est-ce volontaire de votre part ?

Grégoire de Lasteyrie : Oui, c’est une volonté de notre part. Les femmes sont encore trop souvent laissées au second plan dans le domaine scientifique comme dans le domaine numérique d’ailleurs. Et c’est là encore un vrai enjeu pour notre pays. Comment ne plus se priver de la moitié de nos talents ? 

Les conséquences sociétales sont aussi à mon sens encore trop sous-estimées. Dans les domaines émergents comme l’IA par exemple, on trouve seulement 20% de femmes ingénieures. C’est grave en fait parce que cela signifie que les futurs algorithmes seront bâtis avec un prisme très masculin. Cette situation entraîne des biais et des conséquences concrètes dans nos vies. 

Paroles d’élus : Le Paris-Saclay Summit aura-t-il une suite et donnera-t-il lieu à une publication ?

Grégoire de Lasteyrie : L’objectif c’est évidemment que l’événement rayonne. Mais au-delà de ces 2 jours, nous réfléchissons à la meilleure manière de le poursuivre. Nous avons la volonté qu’il devienne pérenne. Il devrait donc revenir année après année afin de creuser ce sillon si important.