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    Solidarité & vivre ensemble

    [Handicap & numérique] 6 questions à Sandrine Chaix, Vice-présidente de la Région Auvergne-Rhône-Alpes

    Reconnue au niveau national pour son engagement en faveur du handicap, la Région Auvergne-Rhône-Alpes multiplie les initiatives à l’instar de l’application d’apprentissage de la langue des signes baptisée « Les Signes de Voltaire » ou de sa flotte de robots Awabot. Pour en savoir plus, Paroles d’élus a pu poser quelques questions à la 3ème VP de la collectivité en charge justement du Handicap, Sandrine Chaix.

    Paroles d’élus : L’application « Les Signes de Voltaire » est unique en son genre. Que permet-elle de faire et comment est né ce projet ?

    Sandrine Chaix : Cette application permet de s’initier aux fondamentaux de la langue des signes. Grâce à un certain nombre de signes de base, elle rend possible un premier niveau d’échange avec une personne sourde ou malentendante signante.  C’était l’objectif de cet outil numérique d’apprentissage de la langue des signes financé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et développé par la Fondation Voltaire.

    À l’origine de ce projet, on trouve une entreprise lyonnaise connue pour avoir développé le projet Voltaire. Cet outil, très utilisé autant dans les écoles que par des associations ou des entreprises permet de perfectionner la maitrise du français et de l’orthographe. Fort du succès rencontré et surtout face aux besoins croissant, l’entreprise a monté une Fondation. Celle-ci accompagne des personnes en situation précaire, des allophones, des migrants mais aussi des détenus qui préparent leur sortie de prison.

    Lors d’un événement organisé en lien avec un organisme de formation nommé AEFS qui a la particularité d’organiser des formations en langue des signes, j’ai pu rencontrer Pascal Hostachy, le fondateur du projet Voltaire. À la faveur d’une discussion que nous avons eu, ils se sont penchés sur l’idée d’une application qui permettrait d’apprendre de façon autonome la langue des signes. Quelques mois plus tard, la Fondation est venue me voir avec un projet construit. Il leur fallait une impulsion et le soutien de la Région pour arriver à trouver d’autres financeurs.

    Paroles d’élus : A-t-il été difficile de convaincre les autres élus régionaux de l’intérêt d’une telle application ?

    Sandrine Chaix : Bien au contraire. J’ai présenté ce projet au Président de la Région qui a toute de suite été très emballé par le potentiel de cette application. Outre le fait que Laurent Wauquiez soit attiré depuis longtemps par l’apprentissage de cette langue et qu’il connaissait déjà plusieurs signes, il savait que la communauté est relativement isolée et a toujours l’habitude de devoir faire l’effort de venir avec des traducteurs. C’était donc avec beaucoup d’enthousiasme qu’il a adhéré. L’idée de pouvoir mettre la langue des signes à la portée de tous nous a convaincu collectivement.

    Ce projet a été assez lourd financièrement puisque la Région a apporté une aide de 350 000 euros. Nous voulions que ce soit entièrement gratuit, pour les habitants d’Auvergne Rhône Alpes évidemment mais plus largement aussi pour toutes les personnes qui s’intéressent à la langue des signes depuis tous les pays francophones.

    Paroles d’élus : Combien de temps a été nécessaire pour développer les Signes de Voltaire ?

    Sandrine Chaix : Malgré la complexité du contenu, le temps de développement a été un peu compressé. Il y avait en effet une fenêtre de tir à ne pas louper pour attirer l’attention sur cette initiative et pour lancer l’application, c’était le salon Handica. Cet événement a lieu tous les 2 ans et la Région y est présente avec un stand important. Les équipes du projet Voltaire ont donc mis les bouchées doubles pour faire sortir cette application en moins de 6 mois. Ils ont bossé comme des dingues et la veille de l’inauguration du salon, tout était à peu près calé et nous avons pu installer sur notre stand, un espace avec des tablettes. Les visiteurs ont testé en avant-première une version beta de cette application.

    Depuis, elle continue régulièrement  à être enrichie avec toujours plus de signes. Nous sommes passés ainsi de 800 signes à plus de 1000. On y trouve également plus de 200 phrases, ce qui n’était pas prévu à la base. Côté utilisateurs, déjà plus de 18 000 personnes sont inscrites.

    Paroles d’élus : Les prochains jeux paralympiques sont-ils par exemple pour vous une occasion d’en faire la promotion ?

    Sandrine Chaix : En effet, nous espérons beaucoup de cet événement. Mais de façon générale, dès que cela est possible, nous en faisons la promotion. Ainsi, quasi systématiquement, je la présente à toutes les communes dans lesquelles je me rends pour que les collectivités s’en emparent mais surtout les écoles. Les jeux paralympiques seront une très belle occasion de sensibiliser les plus jeunes à la place du handicap. Et comme l’application Les Signes de Voltaire peut facilement être utilisée dans ce but par des enseignants de toute la France, ce serait dommage de ne pas en profiter.

    Paroles d’élus : On comprend que le financement de cette application dépasse le simple soutien apporté à un entrepreneur du territoire. En quoi votre collectivité est-elle particulièrement engagée en faveur du handicap ?

    Sandrine Chaix :  Rappelons tout d’abord qu’à la base, les Régions n’ont pas la compétence handicap. En Auvergne-Rhône-Alpes pourtant, nous avons compris dès le départ que si nous voulions être utiles et constructifs sur ce sujet, il fallait mettre des moyens humains et financiers. Nous sommes parties d’une feuille blanche et nous avons bâti une politique qui s’attache à prendre en compte le handicap dans toutes nos politiques publiques. C’est pourquoi, la Région s’est dotée concrètement à la fois de ressources humaines spécifiques avec une équipe de 7 personnes mais aussi d’un budget de 5 millions d’euros par an, qui se décompose en une enveloppe de 4 millions en investissement et 1 million en fonctionnement. Cette somme vient en plus des budgets transversaux.

    Nous avons ainsi en plus de cette mission handicap, un référent dans chaque direction. Aucune n’y échappe, de l’agriculture au tourisme, en passant par le sport, les moyens généraux ou encore la culture…

    Autre point singulier, la 3ème Vice-Présidence concerne le handicap et à l’action social. Nous sommes certes pionniers dans le domaine mais nous voyons que notre engagement essaime un peu partout. La meilleure preuve pour nous c’est que lors de la conférence nationale du Handicap, l’association des Régions de France est désormais invitée et participe aux réflexions, ce qui n’était pas le cas auparavant.

    Paroles d’élus : Cette reconnaissance passe aussi par plusieurs prix Territoria…

    Sandrine Chaix :  Oui, ces dernières années, nous avons en effet reçu deux prix Territoria. L’un pour notre flotte de robots conçus par la société Awabot. Nous en avons 57. Ils étaient mis à disposition des lycéens pour poursuivre leur scolarité malgré une hospitalisation par exemple. L’éducation nationale a même depuis repris l’idée et en a acheté plusieurs centaines. De notre côté, nous les avons donc redéployés dans des établissements de santé et également auprès de grands clubs de sport et des grandes salles de spectacles pour que des enfants qui sont hospitalisés puissent aller à la rencontre de leurs clubs de coeur ou de leurs artistes favoris.

    Nous avons également été récompensé pour le dispositif Carnet de voyage qui aide les personnes atteintes de troubles cognitifs. Cet outil part d’une idée simple, celle de pouvoir séquencer toutes les étapes nécessaires au parcours du voyageur. Nous sommes fiers de voir aujourd’hui un nombre croissant de jeunes handicapés devenir des utilisateurs réguliers des transports en commun grâce justement à ce dispositif. Et comme pour le projet Voltaire, nous mettons à la disposition d’autres collectivités cet outil.