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    Dossiers de l’écran #2 avec David Taupiac & Thibault Renaudin

    Un micro au Salon de l’agriculture, Porte de Versaille, l’autre depuis le Gers. Dans ce nouvel épisode des Dossiers de l’écran, Paroles d’élus vous propose une interview croisée entre David Taupiac, Député du Gers et Thibault Renaudin, fondateur d’Insite et Maire de Termes d’Armagnac. Près d’une heure d’échange autour des questions liées à la jeunesse, à la rurale, à la culture et à la défense du patrimoine sans oublier nos usages numériques.

    Paroles d’élus : La jeunesse rurale d’hier et celle d’aujourd’hui aspirent-elle à la même chose ?

    David Taupiac :Aujourd’hui, la principale difficulté, le principal enjeu, c’est que l’on ne peut pas adapter la vie des jeunes de la ville au mode de vie rural. Les jeunes en milieu rural doivent inventer et réinventer leur propre vie. Ils doivent s’appuyer sur l’histoire de notre ruralité et avec les nouvelles technologies. Je pense que l’enjeu est de vivre la jeunesse en ruralité de manière très différente. Comme David, ça me rappelle ma jeunesse, même s’il y avait des périodes différentes. Cela me fait penser au dynamisme de nos territoires ruraux.

    Paroles d’élus : Partagez-vous cet avis Thibault Renaudin ?

    Thibault Renaudin : Dans ces territoires, il y a des gens extraordinaires, des jeunes extraordinaires qui s’engagent et s’impliquent au service de leur territoire, souvent de manière conviviale. Nous avons deux avantages importants par rapport aux autres . Premièrement, quand ça tourne mal, nous savons serrer les coudes et avancer ensemble ; deuxièmement, nous savons faire la fête. Ces deux éléments, la solidarité et la fête, sont structurants pour nos territoires. Ils illustrent bien leur dynamisme et convivialité que nous vivons tous les jours. Il y a une multitude de jeunesses, chacune avec des marqueurs spécifiques, mais aussi des similarités avec les jeunesses des centres-villes et des quartiers de la politique de la ville, où elles vivent aussi l’isolement, l’absence de services publics, et les difficultés de mobilité.

    Les jeunesses rurales s’engagent, sont innovantes et très numérisées. Dans le Gers, notre jeunesse est paradoxalement très ancrée dans les traditions et la culture locale. Il y a le rugby, les bandas. Je pense aussi aux fêtes, agriculture, gastronomie, chasse. Notre jeunesse capitalise sur cette culture locale tout en la faisant évoluer. Elle garde un lien avec le temps et la nature, vivant au rythme des saisons et des fêtes saisonnières. C’est le cas pour le carnaval, les bandas, la période des cochons en fin d’année, la distillation et les vendanges.

    Paroles d’élus : Peut-on en savoir plus sur la genèse et le but d’Insite ?

    Thibault Renaudin : Insite, la structure que j’ai cofondée il y a presque six ans, repose sur deux constats. Premier constat : dans les territoires ultra-ruraux, il y a des gens extraordinaires – élus locaux, responsables associatifs, jeunes et vieux. Chaque jour ils inventent, mettent en place, défendent et développent des projets au service de leurs habitants et de leur territoire. Ces personnes, malgré leur sens de l’initiative et de l’implication, ont peu de moyens humains et financiers, et développent souvent un sentiment d’être laissées pour compte.

    Deuxième constat : les jeunes Français s’engagent beaucoup dans des actions d’intérêt général. Mais ils ont besoin de terrains d’engagement et de modalités différentes. Nous avons donc créé le dispositif « Erasmus rural », maintenant appelé « volontariat rural ». Nous proposons à des jeunes de vivre en service civique par équipe de deux pendant six mois dans des petits villages (taille moyenne de 300 habitants) et de s’engager 24 heures par semaine en soutien aux acteurs locaux. Pas pour leur expliquer la ruralité, mais pour les appuyer et leur donner de l’oxygène pour développer leurs projets.

    Paroles d’élus : Et ça marche ?

    Thibault Renaudin : En 2023, en Occitanie, 26 % des jeunes volontaires sont restés dans les villages après leur service, créant 10 emplois dans les 50 premiers villages d’Occitanie où nous avons été impliqués. Ces acteurs de l’ultra-ruralité sont souvent innovants, dynamiques, solidaires, généreux et joyeux. Ils ne sont pas fermés au monde. Mais lorsqu’on leur apporte écoute, moyens financiers et humains, ils développent des projets et créent de l’emploi.

    La ruralité a longtemps été perçue comme l’espace entre les métropoles, mais c’est un espace de développement. La diaspora des territoires ruraux, poussée à partir pour poursuivre des études et trouver des opportunités, garde souvent un lien avec ces territoires. En tant que député, je rencontre cette diaspora à Paris. Elle porte le souvenir de leur territoire et la volonté d’y revenir.

    Paroles d’élus : Que pensez-vous de cette initiative ? Et comment fait-on pour garder ses jeunes et accueillir de nouveaux ?

    David Taupiac :  L’enjeu est de créer un cadre de vie accueillant pour tous, y compris les nouveaux arrivants, sans rester ancrés dans le passé. Notre ruralité doit se projeter dans l’avenir. C’est-à-dire en accueillant bien les nouveaux arrivants tout en leur faisant comprendre les ressorts de notre ruralité. Nous avons besoin d’ingénierie et de capacité d’accompagnement pour développer notre ruralité, de financement, d’innovation, et d’envie d’entreprendre.

    La démarche menée par Insite est un levier important pour l’avenir de la France. Les métropoles sont déjà très contraintes et saturées, tandis que la qualité de vie à la campagne devient un enjeu majeur. L’expérience de ceux qui sont partis peut apporter beaucoup, car ils reviennent avec une perspective enrichie.