Aux Assises des Régions de France de l’IA et de la Cyber avec … Alexandre Ventadour : « l’IA est un sujet éminemment régional et pas simplement national »

Le 4 novembre 2025, le Campus Cyber accueillait les premières Assises des Régions de France de l’IA et de la Cyber. Un événement organisé en amont du Congrès annuel, qui a réuni acteurs publics et privés autour des enjeux de souveraineté numérique et d’intelligence artificielle. Aux côtés de Régions de France, Orange, le Campus Cyber, la Banque des Territoires et La Poste ont apporté leur soutien à cette journée inédite. Alexandre Ventadour, Co-Président du Groupe Numérique de Régions de France et élu ultramarin, revient pour Paroles d’élus sur cette journée.
Paroles d’élus : Pourquoi avoir organisé cette journée dédiée à l’IA et à la cybersécurité au Campus Cyber ?
Alexandre Ventadour : L’idée, c’était de ne pas éluder le sujet. On considère que c’est un sujet éminemment régional et pas simplement national. Les régions sont au cœur de la transformation numérique du territoire. Notamment de l’implémentation de l’IA sous toutes ses formes. En termes d’infrastructures avec les data centers, mais également structurel et immatériel avec toute l’application logicielle. Et puis bien sûr la manière dont elle irrigue les usages numériques de nos populations et nos citoyens.
On voulait absolument créer un temps fort. Réunir un ensemble de partenaires qui soient institutionnels mais également privés. À la fois la régulation, à la fois les entreprises privées. Nous avons eu la chance de pouvoir compter sur le soutien de partenaires essentiels comme Orange, la Banque des Territoires, La Poste et bien sûr le Campus Cyber qui nous accueillait. Et on a même eu le plaisir d’accueillir Google France. C’est un acteur aujourd’hui diabolisé. Il y a des acteurs américains présents en France depuis longtemps avec qui on travaille au quotidien. On voulait que tout le monde soit sur scène. Que la parole se libère sur des sujets de souveraineté et d’intelligence artificielle.
Paroles d’élus : Vous co-animez avec Constance Nebbula une commission numérique au sein de Région de France. Comment fonctionne-t-elle ?
Alexandre Ventadour : Nous avons effectivement une commission numérique au sein de la commission économique de Régions de France. Avec Constance Nebbula, nous sommes vent debout sur tous les sujets. IA mais aussi cybersécurité avec l’application de la norme NIS 2 aux entreprises. Donc à la fois sur des sujets de régulation mais également d’implémentation de l’IA sur nos différents territoires. De la médiation numérique dans la manière dont on va faire pour que tout le monde puisse se raccrocher au wagon. Et puis de manière plus prospective, comment on incite les startups françaises et les entreprises traditionnelles à être compétitives grâce à cette nouvelle donne.
Nous sommes les deux élus rapporteurs, mais derrière il y a une commission bien plus large qui concerne beaucoup d’élus. Ces sujets les intéresse beaucoup, en tout cas beaucoup plus qu’auparavant.
Paroles d’élus : Comment cette journée d’Assises était-elle structurée ?
Alexandre Ventadour : Le matin, il y a eu deux tables rondes. L’une animée par Constance et l’autre par moi. On a à la fois parlé de l’implémentation de l’IA dans les territoires et dans nos organisations publiques. Et également de savoir quel rôle jouait l’Europe en termes de régulation, au milieu des Américains et du reste du monde, notamment fortement les Chinois.
Et puis l’après-midi, c’était des ateliers très concrets, très pratiques. On voulait justement que les régions fassent savoir, montrent ce qu’elles mettaient en place. Et qui utilisaient l’intelligence artificielle. C’était à la fois sur les usages mais également sur la partie sécuritaire.
D’ailleurs, la cybersécurité a été en filigrane de tous nos débats. Parce qu’il n’y a pas d’IA qui accélère sans cybersécurité qui se met au niveau de l’accélération. Ce serait un danger de penser l’un à côté de l’autre. Il faut absolument qu’à chaque fois qu’on pense à l’un, on pense à l’autre. Et je dirais même que dans le même temps, on doit également penser à l’inclusion numérique. Et à faire en sorte que les gens puissent appréhender ces nouvelles technologies.
Paroles d’élus : La ministre deléguée à l’IA et au Numérique, Anne Le Hénanff, lors de son discours a évoqué une prochaine loi résilience. Qu’en attendez-vous concrètement ? Comment expliquer ce retard ?
Alexandre Ventadour : La désorganisation gouvernementale que nous connaissons depuis un certain temps retarde plusieurs échéances, dont celle-ci. Je crois que de notre côté, nous sommes prêts. La ministre a annoncé qu’elle réunirait un conseil État-région dans les prochains jours ou semaines, sans doute début décembre, afin d’accélérer sur l’ensemble des sujets, notamment celui-là. Qu’en attendons-nous concrètement ? L’état d’esprit est de ne pas superposer les dispositifs et de disposer d’éléments déployables par tous. L’idée est que si le niveau d’exigence augmente, tout le monde doit être en capacité de le suivre. C’est par exemple vrai pour NIS 2, qui élargit le champ d’application : ceux qui étaient exempts de conformité auparavant, parce qu’ils sont prestataires d’entités concernées, le deviennent également.
Nous avons le souci de nous assurer que les écosystèmes ne soient pas bridés parce que les acteurs les plus modestes ne seraient pas en capacité de répondre aux exigences. Cela exclurait toute une sphère gravitant autour des grandes entreprises, qui elles, disposent des moyens financiers pour absorber les contraintes normatives. Or, la réalité est que beaucoup sont déjà au niveau attendu.
Paroles d’élus : Les régions ont aussi présenté des projets concrets d’IA. N’est-ce pas la preuve que la décentralisation avance par la force des choses, avec ou sans grande loi?
Alexandre Ventadour : Je sors d’une séquence avec le Premier ministre où nous avons longuement parlé de ce sujet. Nous avons rappellé que les collectivités n’avaient pas attendu un AI Act. N’avaient pas attendu NIS 2. N’avaient pas attendu ce que l’État met en place et accélère pour se transformer. Pourquoi ? C’est très simple. Nous avons a des agents de proximité qui, tous les jours, voient les citoyens. Il y a des nouveaux outils qui arrivent. Dès début 2023, peu après l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, des employés de régions et d’autres institutions publiques ont commencé à utiliser l’IA. Et très vite s’est posée la question : dans quel cadre ? Les données, dans quel cadre l’utilisation de l’IA devait s’opérer ? Il a très tôt fallu se faire une conviction là-dessus.
Par ailleurs, ces IA permettent de traiter énormément de données en très peu de temps. Peut-on s’en servir pour améliorer nos politiques publiques ? Cela fait maintenant plus de deux ans que des collectivités de toutes parts, sur des sujets différents, œuvrent. Et mettent en place des outils. Il est ressorti de nos ateliers, un dynamisme extrêmement épatant. Et en plus avec toujours ce souci de le faire en souveraineté. D’ailleurs, on voit qu’avant même cette guerre commerciale avec les États-Unis, les Régions avaient déjà ce souci de souveraineté, de fiabilité et de sécurisation de la donnée. Les régions sont en pointe, ou en tout cas prêtes à l’être, sur l’utilisation de l’intelligence artificielle.
Paroles d’élus : Chaque Congrès de Régions de France est l’occasion de porter un message. Quel est celui de cette édition 2025 ?
Alexandre Ventadour : Le maître mot, c’est d’engager pour de vrai, la décentralisation. Le 7 août dernier, c’était les 10 ans de la loi NOTRe. Et on se rend compte qu’il y a des doublons. Le débat budgétaire ne parle d’ailleurs que de doublons, d’agents centraux, d’argent qui manque. Nous disons que les régions sont prêtes à prendre beaucoup plus de responsabilités. Sur beaucoup plus de sujets. Déjà sur les sujets qui sont les leurs. L’administration des lycées par exemple. Nous pouvons aller beaucoup plus loin jusqu’à l’orientation des élèves. Et puis d’aller sur des prérogatives qu’on administre finalement de fait. Mais sur lesquelles on n’a pas forcément les moyens et les prérogatives.
Si je puis me permettre, parce que je suis un élu ultramarin avant tout. Nous avons des revendications qui vont encore un peu plus loin pour les Outre-mer. Qui ne sont pas les mêmes en Guyane, qu’à La Réunion, qu’à Mayotte, qu’en Martinique, qu’en Guadeloupe et à Saint-Martin. L’idée, c’est que plus on est éloigné, plus la décision nationale rentre en incohérence avec ce qu’on vit sur nos territoires.
L’idée est de rester évidemment dans l’ensemble républicain et de continuer à participer à l’effort France. Nous rentrons dans des guerres géostratégiques de toutes parts et il faut que la France et l’Europe soient des forces unies. Mais nous avons besoin de le faire en compréhension et en cohérence avec les écosystèmes dans lesquels nous sommes.
Je me rends compte à quel point finalement la volonté que peut avoir la Bretagne est la même que celle qu’on peut avoir en Martinique. Dans son désir, nous pas « d’autonomie » mais de maîtriser au plus près de ses citoyens les politiques publiques. Le maître mot de cette année, il est dans la réalisation d’un pacte de décentralisation. Qui soit profitable pour l’ensemble du pays français.





