À L’île Saint-Denis, héritage olympique et dynamiques durables
Trois mois après le succès des Jeux Olympiques de Paris 2024, peut-on parler d’un héritage des JO ? Pour le savoir, Paroles d’élus est allé à la rencontre de Mohamed Gnabaly, maire de L’Île-Saint-Denis. Située entre Gennevilliers et Saint-Denis, cette commune d’environ 7 000 habitants a accueilli le village des athlètes. Des nouvelles infrastructures aux initiatives sportives et éducatives, en passant par des actions pour l’inclusion numérique et l’habitat, L’Île-Saint-Denis a su tirer profit de la dynamique de l’événement pour amorcer une large transformation.
Paroles d’Élus : Votre collectivité a été particulièrement à l’honneur pendant les JO. Comment votre collectivité s’est-elle impliquée dans cet événement ?
Mohamed Gnabaly : Je suis maire depuis 2016, et les Jeux olympiques ont été mon premier grand dossier. Nous avons travaillé pour que l’accueil du village des athlètes et les sites d’entraînement soient intégrés à notre projet de développement territorial. Nous avons obtenu un site d’entraînement pour la gymnastique rythmique et l’athlétisme, et accueilli en centre-ville les équipes françaises de basket, de handball, et de judo pour les Jeux paralympiques. Tout cela s’intègre dans notre stratégie pour maximiser nos infrastructures autour de ces sites olympiques.
Paroles d’Élus : Peut-on selon vous parler d’héritage de Paris 2024 ?
Mohamed Gnabaly : Accueillir les JO a permis des investissements qui vont bien au-delà des structures sportives. Nous avons maintenant par exemple un nouveau pont qui nous relie à la capitale en dix minutes. Je pense aussi à un mur antibruit le long de l’autoroute A86 ou encore à l’enfouissement des lignes à haute tension. Tout cela améliore notre qualité de vie et rend notre ville bien plus attractive. Côté village olympique, nous avons aménagé 320 logements, un hôtel, 10 000 m² de bureaux, une base de loisirs nautiques, une cité des arts et de la culture et un parc de deux hectares. Nous avons aussi rénové la Nef des Îles pour en faire un parc sportif et de loisirs, avec un projet qu’on appelle l’« Ile des Sports Academy ».
Paroles d’Élus : L’Île Saint-Denis est une île, ce qui implique des contraintes de foncier. Comment avez-vous trouvé l’espace nécessaire ?
Mohamed Gnabaly : Nous avons réaménagé des friches industrielles, notamment les anciens entrepôts des Galeries Lafayette, inutilisés depuis des décennies. Nous les avons démolis pour créer un écoquartier, dont le village des athlètes fait maintenant partie. Notre approche était de rester dans une ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) locale, afin de rester en cohérence avec notre vision territoriale.
Paroles d’Élus : Le sport, c’est aussi une dimension importante pour votre ville. Ya-t-il là aussi un héritage des Jeux ?
Mohamed Gnabaly : Oui. Nous avons par exemple quadruplé notre classement de ville active et sportive, passant de un à quatre lauriers. L’accueil des équipes olympiques nous a permis de rénover un gymnase et de créer une salle de musculation financée par l’ANS (Agence nationale du sport), qui restera comme héritage pour les habitants. Nous sommes aussi en train de construire un nouveau gymnase et des courts de tennis. Ces équipements, bien plus qu’auparavant, s’adressent non seulement aux associations sportives locales mais aussi aux athlètes de haut niveau.
Paroles d’Élus : Les JO ont-ils aussi été l’occasion de s’attaquer à la question du logement ?
Mohamed Gnabaly : En effet. Nous avons dès le départ compris qu’il fallait lier l’enjeu de rénovation urbaine au village des athlètes. Concrètement, nous avons un projet de renouvellement urbain à côté du village. Avec la dynamique des JO, nous avons réussi à lancer une expérimentation à l’échelle de l’Île-de-France, où nous avons relogé 320 familles en 18 mois. Nous démolirons trois tours au début de l’année prochaine. En résumé, ce projet de renouvellement urbain est le plus rapide de France en matière de relogement.
Le fait d’être au milieu d’un périmètre olympique, au sud et au nord, m’a permis de défendre l’idée qu’il fallait reloger tout le monde en lien avec les Jeux. En termes de message, il aurait été impensable de laisser des tours en très mauvais état avec des habitants en grande difficulté à l’intérieur, et des bâtiments techniques défaillants. Nous avons ainsi pu reloger tout le monde dans des logements neufs, avec prise en charge des déménagements, accompagnement social et un important travail sur le remboursement des dettes, grâce à un fonds de solidarité mis en place par l’État.
En parallèle, en 2016, j’ai lancé un plan de rénovation de 100 % du parc social. C’est un autre volet, mais pour moi, c’est la même logique. Sur l’Île-Saint-Denis, j’ai 60 % de logements sociaux, représentant environ 75 % de la population. Si je veux que ma ville rayonne et devienne attractive, faire du neuf ne suffira pas ; il faut aussi travailler sur la rénovation de l’existant.
Paroles d’Élus : En plus du sport et du logement, vous avez aussi œuvré pour l’inclusion numérique avec « Station Afrique ». Quelles étaient les actions menées ?
Mohamed Gnabaly : Station Afrique était notre Fan Zone durant les Jeux. C’était un espace unique où nous avons diffusé les épreuves et mis en avant les athlètes africains. Nous avons aussi collaboré avec Orange pour organiser des ateliers d’inclusion numérique. De plus, nous avons tenu une quinzaine de conférences sur des thématiques comme la santé, le climat, et la lutte contre le paludisme, en partenariat avec l’ONU et d’autres organisations. C’était un festival complet, avec des concerts, des conférences et des activités autour de causes qui nous tiennent à cœur.
Paroles d’Élus :Et après les JO 2024, il y a aussi Dakar 2026, les Jeux Olympiques de la Jeunesse. Pouvez-vous nous parler de votre partenariat avec ce projet ?
Mohamed Gnabaly : Nous avons signé un partenariat avec le Comité d’organisation de Dakar 2026, qui accueillera les premiers Jeux Olympiques de la Jeunesse en Afrique. Nous voulons favoriser les échanges de savoir-faire avec Dakar et permettre à des jeunes de l’Île Saint-Denis de s’engager dans ce projet jusqu’à 2026. Ce partenariat avec des villes comme Atlanta et Los Angeles nous permet de continuer à faire rayonner notre territoire à l’international et à faire vivre l’héritage des JO au bénéfice de notre jeunesse.