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    LoRaWAN : quand l’IoT transforme nos communes

    Entre sobriété numérique et souveraineté des données, le réseau LoRaWAN s’impose comme une solution incontournable pour la transformation numérique des territoires. Delphine Woussen, directrice Ville et Territoires Intelligents chez Orange, et Olivier Beaujard, Senior Director chez Semtech et membre actif du conseil de la LoRa Alliance, nous éclairent sur cette technologie française qui révolutionne la gestion des services urbains.

     

    Paroles d’élus : Pouvez-vous nous expliquer simplement ce qu’est l’Internet des Objets et en quoi il représente un enjeu pour les territoires ?

    Delphine Woussen : L’internet des objets permet de connecter et faire communiquer des équipements répartis sur l’ensemble du territoire. Pour les collectivités locales, c’est la possibilité de collecter des informations essentielles sur la gestion des déchets, la mobilité ou l’éclairage public. Aujourd’hui, avec le plan France Très Haut Débit quasiment achevé, l’enjeu est de passer du réseau vers les usages. Face aux défis climatiques et à la dette publique, l’IoT permet d’aller vers des territoires plus résilients, plus durables et plus inclusifs.

    Olivier Beaujard : Le principe est simple : des capteurs communiquent par voie radio, sans fil à déployer. Avec la technologie LoRa inventée en France, nous disposons d’une radio très longue portée de plusieurs dizaines de kilomètres qui consomme très peu d’énergie. Imaginez des capteurs sur pile bouton qui durent 10, 15, voire 20 ans ! C’est diamétralement opposé à la 4G ou 5G où l’on a besoin de débit et d’immédiateté. Ici, les capteurs dorment la plupart du temps et se réveillent juste pour transmettre une information simple.

    Paroles d’élus : Qu’est-ce qui distingue le réseau LoRaWAN des autres technologies de communication ?

    Olivier Beaujard : LoRa est la technologie radio, mais pour connecter des capteurs à internet, il faut un protocole. LoRaWAN, c’est ce logiciel qui signifie « réseau longue distance ». Son unicité vient du fait qu’il est développé par la LoRa Alliance, une alliance mondiale à but non lucratif dont Orange et Semtech font partie. Tous les efforts sont mis en commun pour offrir ce protocole en open source, gratuitement. La grosse différence avec la 4G ou 5G ? Peu de données, débit très faible, longue portée et faible consommation.

    Delphine Woussen : Cette alliance entre Orange et la LoRa Alliance permet justement de connecter des territoires qui ne seraient pas couverts autrement. Avec 400 sociétés membres du monde entier, de la start-up au grand groupe industriel, la richesse réside dans les centaines de cas d’usage partagés. Vous apprenez tous les jours : « Ils ont fait ça à l’autre bout du monde, pourquoi ne pas l’implémenter dans ma ville ? » Cela fait gagner énormément de temps.

    Paroles d’élus : Concrètement, quels sont les bénéfices pour les collectivités en termes de rentabilité ?

    Olivier Beaujard : Les retours sur investissement sont parfois immédiats. Prenez la gestion de l’eau : au-delà du comptage, la détection de fuite vous alerte instantanément. Vous évitez des dégâts et des pertes. Dans la majorité des cas, les collectivités démarrent avec la télérelève de l’eau parce que le modèle économique est évident. Ensuite, une fois le réseau installé, elles ajoutent d’autres cas d’usage : gestion de l’éclairage, de l’énergie des bâtiments, remplissage des poubelles… Tout ça avec le même réseau.

    Delphine Woussen : Il y a une vraie maturité qui se déploie pas à pas. L’éclairage public arrive souvent en second. En passant sur de l’éclairage intelligent, on passe aussi en LED. C’est tout un modèle économique. Pour les déchets, les points d’apport volontaire connectés permettent d’optimiser les tournées et d’éviter qu’un usager se déplace devant un conteneur plein, ce qui génère de l’insatisfaction à juste titre.

    Paroles d’élus : Orange a développé le concept de LoRa hybride. Pouvez-vous nous en dire plus ?

    Delphine Woussen : Le LoRa fait aujourd’hui consensus auprès des collectivités. Les départements et métropoles veulent faire bénéficier leurs adhérents d’un réseau LoRa souverain, propriétaire. Notre réponse avec le LoRa hybride, c’est un réseau propriétaire interconnecté aux réseaux opérateurs déjà présents. Concrètement, on ne redéploie pas d’antennes là où il y en a déjà, mais on cherche les extensions de couverture là où c’est nécessaire. Pour la télérelève de l’eau par exemple, certains compteurs nécessitent un complément.

    Les collectivités obtiennent ainsi un réseau complet avec une vraie souveraineté : les données transitent par leur propre plateforme. Le modèle économique est plus intéressant et l’empreinte environnementale meilleure puisqu’on n’ajoute pas d’antennes inutilement.

    Olivier Beaujard : C’est le mariage entre un réseau opérateur et un réseau privé. Orange n’est pas le seul à pouvoir le faire, mais cette solution correspond à un besoin client réel. Il n’y a pas un modèle de réseau qui couvre tous les cas d’usage. L’idée du réseau hybride permet justement de couvrir un maximum de situations.

    Paroles d’élus : Comment accompagnez-vous les collectivités dans l’appropriation de ces technologies ?

    Delphine Woussen : L’agent ne va pas nécessairement utiliser l’objet lui-même, mais les données qui remontent. Il faut pouvoir les traiter, les récupérer, les faire circuler entre les différents services d’une même collectivité. C’est un enjeu que nous mettons vraiment en avant : la capacité de bien gérer et valoriser ces données. Les collectivités doivent s’assurer que les informations sont bien traitées, hébergées et valorisées selon des droits d’accès maîtrisés, grâce aux outils que nous leur proposons.

    Olivier Beaujard : Dans l’alliance LoRa, nous définissons la technologie, faisons la promotion, assurons la certification pour garantir la qualité des produits. Ensuite, nous laissons le business model aux membres. Avec 400 membres, on est étonné par la créativité de chacun. Certains sont en Europe, d’autres partout dans le monde, mais la majorité est européenne puisque la techno a été inventée à Grenoble.

    Paroles d’élus : Quel bilan faites-vous du déploiement de ces solutions dans les territoires français ?

    Delphine Woussen : Il y a une vraie volonté des territoires d’accompagner cette transition vers le numérique maintenant que les réseaux sont en place. Chaque cas d’usage apporte du service, de l’innovation et de la facilité aux usagers, mais aussi des économies de fonctionnement et de la sécurité. La maturité s’impose progressivement avec des urgences sur beaucoup de sujets liés au climat et aux finances publiques.

    Olivier Beaujard : On peut être fiers de cette réussite d’une technologie et d’un écosystème partis de France, de Grenoble précisément. C’est là qu’on a peut-être le plus d’usages. Les plus gros volumes en Europe sont en France. Nous avons la chance d’avoir des opérateurs ouverts à des modèles opérés publics-privés. Quand on fait bien notre travail, il n’y a plus qu’à accélérer parce que c’est déjà existant : des millions d’unités sont déjà déployées. Et pourtant, on reste invisible, personne ne le sait !