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    Administration

    Virginie Lutrot : « Le mille-feuille administratif a été créé à la base pour créer plus de démocratie »

    La Vice-Présidente de la Région Normandie et Maire de Port-Jérôme-sur-Seine dénonce la complexité administrative française et propose des solutions concrètes pour rationaliser les financements publics.

     

    Créé à l’origine pour renforcer la démocratie et la proximité citoyenne, le mille-feuille territorial français est devenu, selon Virginie Lutrot, « un monstre de complexité et de surcoût ». Dans un entretien sans détour, la 5ème Vice-Présidente de la Région Normandie et Maire de Port-Jérôme-sur-Seine analyse les dysfonctionnements de l’organisation territoriale française et dessine les contours d’une réforme ambitieuse qui pourrait générer des économies substantielles.

    Pour Virginie Lutrot, « un modèle initialement vertueux devenu complexe »

    Le constat de Virginie Lutrot est sans appel. L’organisation territoriale française, pourtant inspirée de modèles européens efficaces, a dévié de ses objectifs initiaux. « Le mille-feuille administratif a été créé à la base pour créer plus de démocratie. Avoir un socle d’actions citoyennes directement pour pouvoir faire avancer les choses de l’action publique », rappelle l’élue normande.

    Cette architecture institutionnelle visait également à garantir que « l’échelon le plus pertinent exerce la compétence pour une proximité efficace et pragmatique ». Mais force est de constater que la réalité s’est éloignée de ces nobles intentions. « Les autres pays européens sont sur le même modèle. La problématique, c’est comment on s’est servi du modèle, comment on a fait devenir ce modèle plutôt intéressant et pragmatique un monstre de complexité », déplore Virginie Lutrot.

    L’urgence d’une rationalisation

    Au cœur de ses propositions, la maire de Port-Jérôme-sur-Seine pointe du doigt la gabegie des aides d’État. Entre appels à projets, AMI (appels à manifestation d’intérêt), ETR et fonds verts, « on ne s’y retrouve plus », constate-t-elle. Son diagnostic est chiffré : « Ces 14 milliards qui sont distribués par les agences d’État qui font partie du mille-feuille territorial, on économise le 1 milliard qui leur permet de fonctionner pour avoir quelque chose de plus pragmatique. »

    Cette approche révèle une vision gestionnaire assumée. Plutôt que de multiplier les structures intermédiaires coûteuses, Virginie Lutrot prône une distribution directe et rationalisée des financements publics. « Quand on aura fait les économies du non-enchevêtrement des compétences, où on aura bien clarifié les positions de chacun, ce sera lisible vis-à-vis du citoyen. Ce seront des réelles économies », assure-t-elle.

    Pour Virginie Lutrot, des « maires face à l’imprévisibilité budgétaire »

    L’expérience de terrain de Virginie Lutrot nourrit sa réflexion sur les difficultés opérationnelles des élus locaux. Elle plaide pour « une visibilité sur un mandat » : « Un élu s’engage sur un programme. Derrière, il déroule son programme. Mais il faut quand même imaginer qu’un élu ne peut pas, en milieu de mandat, se retrouver avec un budget amputé pour un projet qu’il a déjà mis en place, commencé, fait les études. »

    Cette instabilité financière génère, selon elle, « chez les maires un sentiment de difficulté, de tâche insurmontable ». Un constat qui résonne particulièrement dans le contexte actuel de tensions budgétaires des collectivités territoriales. L’élue normande y voit une source de découragement qui nuit à l’efficacité de l’action publique locale.

    Un dialogue État-collectivités repensé pour plus d’efficience

    La solution proposée par Virginie Lutrot repose sur trois piliers : dialogue, rationalisation et stabilité. « Avec un vrai projet. Un vrai dialogue avec le préfet qui serait le représentant de l’État. Avec une vraie rationalisation et des compétences et des financements. Je suis certaine qu’on fait plus de projets avec moins d’argent », affirme-t-elle.

    Cette vision pragmatique s’appuie sur son double regard d’élue locale et régionale. Elle dessine les contours d’une administration territoriale. La clarification des compétences et la simplification des circuits de financement permettraient de « faire plus avec moins ». Une philosophie qui pourrait bien inspirer les futures réformes de l’organisation territoriale française, dans un contexte où l’optimisation des deniers publics devient une priorité absolue.