Vers une résilience des infrastructures numériques ? Une étude ouvre le débat
Commençons par un rapide saut dans le temps… En mars dernier, lors des Etats-Généraux des RIP en Normandie, InfraNum avait lancé son « appel de Deauville ». Par cette démarche, la fédération souhaitait sensibiliser avant les éléctions, à une prise en compte du caractère essentiel des infrastructures numériques et mobiliser l’écosystème à rendre celles-ci résilientes. Ce 22 juin dernier, InfraNum a décidé de remettre l’ouvrage sur le métier grâce à une étude donnant un état des lieux précis sur les risques et pistes d’action possibles. Plus de détails ci-dessous.
Anticiper un événement majeur
« Un vrai défi pour la filière et les pouvoirs publics qu’il ne faut pas repousser », c’est par ces mots que Philippe Le Grand, Président d’Infranum résume l’enjeu de la résilience de nos infrastructures numériques. Ainsi, « la question n’est pas tellement de savoir si un événement majeur risque d’arriver mais quand »… Il suffit en effet de se rappeler différents événements récents, à l’instar de la tempête Alex, de l’ouragan Irma ou encore « de la section de fibres optiques fin avril qui a touché plusieurs régions en France pendant plusieurs heures », pour mesurer l’inquiétude de la filière et alors que tout ou presque aujourd’hui dans notre quotidien, passe par le numérique.
« Le numérique transpire dans tous les services publics »
Ainsi, comme le précise Yann Breton, Directeur de Gironde Numérique ; « Le numérique transpire dans tous les services publics. Tous les logiciels dans les mairies sont quasiment passés en full IP et tous les réseaux sont interdépendants et interconnectés. Les réseaux électrique et fibre sont devenus les deux réseaux les plus stratégiques. Que ce soit pour les particuliers, souvent en télétravail, ou pour les entreprises, une coupure devient inacceptable ».
Vers une action rapide concernant la résilience des infrastructures
Convaincue de la nécessité d’une prise de conscience collective et à la hauteur des enjeux, la fédération recommande une action rapide concernant la résilience des infrastructures numériques françaises. Elle appelle ainsi de ses vœux « une large concertation pour assurer, autant que possible, un maintien du service en toutes circonstances ».
5 risques principaux
Afin de préciser l’étendu de ce chantier, la fédération a lancé une étude qualitative basée sur la méthode EBIOS 2010. Cette dernière se base sur une série de scénarios de menace et d’appréciation du risque de chacun en fonction de sa gravité et de sa vraisemblance. Il en ressort 5 risques principaux. Pour chacun d’eux, des préconisations ont été émises.
Malveillance et accidents
La première grande catégorie des risques provient d’actes de malveillance et des accidents. Ils sont en forte recrudescence ces derniers mois, que ce soit sur les infrastructures fixes et mobiles. Infranum préconise comme réponse de privilégier « la redondance, le renforcement de la sécurité des infrastructures ou sites sensibles et le « spare » (infrastructures de rechange) ».
La fragilité de nos infrastructures aériennes
Autre point faible, la fragilité des infrastructures aériennes était déjà connue mais a pu être précisée par cette étude. Plus de 500 000 km de linéaire de nos réseaux FttH, en particulier dans les zones rurales s’appuie sur des supports aériens. InfraNum rappelle que ; « ces segments de réseau sont particulièrement exposés aux intempéries et autres risques ». C’est pourquoi, le rapport préconise ; « l’enfouissement des réseaux, a minima les plus sensibles et stratégiques » ainsi qu’un « meilleur élagage, une organisation optimisée concernant les unités d’intervention rapides en cas d’incident et un fonds de soutien exceptionnel, en particulier dans les territoires ultramarins ». Ce dernier permettrait de faire face rapidement aux dégradations provoquées par les cyclones et autres séismes. InfraNum évalue le coût de l’enfouissement de ces 50% de génie civil aérien à 10 Mds €.
Atteindre une baisse significative du taux de non-conformités
Travailler à la résilience des réseaux, c’est aussi diminuer le taux de non-conformités et de malfaçons lors de la construction, de l’exploitation, ou lors des raccordements. Plusieurs mesures peuvent être mise en place comme par exemple la « labellisation des entreprises et des intervenants, le partage des plannings d’intervention entre opérateurs commerciaux et opérateurs d’infrastructures », et « la valorisation du compte-rendu d’intervention comme clef de voûte du dispositif de validation de la qualité du raccordement ».
« Un taux d’accidentologie plus important »
L’étude souligne aussi l’impact significatif des interventions sur les réseaux en exploitation. Elle précise en effet que ; « celles-ci génèrent mécaniquement un taux d’accidentologie plus important ». Ainsi, « le décommissionnement du cuivre pourrait donc présenter des risques importants sur les infrastructures optiques ainsi que d’autres interventions ponctuelles ». Face à ces risques, « la concertation entre l’ensemble des acteurs concernés par ces interventions doit être amplifier ».
À quand un Grenelle de la résilience ?
Le dernier point mis en avant par InfraNum est la conséquence de la méconnaissance par un certain nombre d’acteurs de « l’organisation de l’Etat central et déconcentré ». Aussi, pour avoir la capacité de faire face aux crises, la fédération souhaite ; « une meilleure coordination entre toutes les composantes de la filière et des réseaux (publics / privés, locaux / nationaux) ». InfraNum réitère d’ailleurs son appel à un « Grenelle de la résilience et de la souveraineté des infrastructures numériques ». Eric Jammaron, Vice-président d’InfraNum et Président d’Axione explique par ailleurs sur ce point, que si « les opérateurs d’infrastructure sont en première ligne », jusqu’à présent, lors de crise, « ils ne sont pas consultés ».
Et maintenant ?
InfraNum entend se servir de cette étude pour sensibiliser le gouvernement au sujet. Un message passé auprès de Thomas Gassilloud, député du Rhône, rapporteur de la mission d’information relative à la résilience nationale, et présent lors des échanges. « La puissance publique ne peut pas tout mais la préparation est en marche et je me réjouis de mesurer la mobilisation de la filière sur le sujet » explique-t-il.