Sur les routes du Tour de France avec l’ADF et Orange
176 coureurs au départ, 3351 km à parcourir dans 36 départements différents, 579 communes traversées et 12 millions de spectateurs attendus sur le bord des routes. Des routes dont la préparation, la sécurisation et la propreté incombent aux équipes techniques des Départements, secondées du 7 au 29 juillet par les équipiers de l’Assemblée des Départements de France (ADF) coordonnées par André Bancala, tout comme une meilleure connectivité assurée par Orange. Paroles d’élus est allée à la rencontre du « Monsieur route » de l’ADF ainsi que d’Henri Terreaux, Directeur Évènementiel chez Orange Business Services.
Pourquoi et depuis quand intervenez-vous sur le Tour de France ?
André Bancala (ADF) – Le partenariat technique dont je m’occupe a vu le jour, entre l’Etat et les organisateurs en 1996, suite à la prise de conscience des risques routiers inhérents au passage d’une course. L’édition précédente du Tour avait en effet été marquée par le décès de Fabio Casartelli le 18 juillet 1995, dans la descente du col de Portet-d’Aspet. On s’est alors rendu compte que la route était dangereuse pour les coureurs, et qu’il était nécessaire de trouver des solutions pour la rendre moins accidentée et plus homogène. C’est à partir de là que le partenariat a vu le jour, piloté à l’époque par le ministère de l’équipement. Avec la décentralisation et le passage des routes à la compétence des départements, il était normal que l’Etat laisse sa place aux conseils généraux, devenus départementaux depuis. L’ADF et le Tour ont conclu ce partenariat en 2005.
Henri Terreaux (Orange) – Le Tour de France est considéré, après les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde, comme le troisième évènement mondial en termes d’organisation et de logistique. La mission d’Orange est de permettre à tous les journalistes de pouvoir diffuser dans les meilleures conditions. Plus de 160 télévisions, 81 radios, 450 journalistes presses écrites et 40 agences photos sont présents à chaque étape du Tour. 17 plateaux de télévisions prennent l’antenne après l’arrivée des coureurs jusqu’à 22h.
L’origine de ce partenariat remonte aux années 50. A l’époque, Orange (alors France Télécoms) était rattaché au Ministère des Postes. Dans chaque village du Tour, une ligne téléphonique était réservée pour l’organisation. Avec l’air du numérique, puis du digital, les besoins techniques se sont largement accrus afin d’offrir toujours plus de contenus et d’instantanéité. Aujourd’hui, nous parlons de vidéo 4K ou de visioconférence. Voici un autre exemple de cette mutation permanente : il n’y pas si longtemps, l’envoi quotidien de 4 photos suffisait aux agences de presse. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 1000 par jour et à chaque fois en haute définition. Ma mission depuis 21 ans est donc d’accompagner les organisateurs du Tour de France dans les évolutions technologiques, de manières à anticiper leurs besoins.
Comment intervenez-vous ?
ADF – L’association agit comme coordinateur. L’idée est de trouver une organisation capable de réunir tous les territoires traversés par le Tour de France. L’ADF permet à l’ensemble des départements d’intégrer des processus identiques : préparation des routes à travers des documents techniques qui leurs sont fournis, méthodologies de balisage, de signalisation, préparation d’itinéraires. Le parcours doit être homogène de bout en bout et le changement de département doit être transparent pour les coureurs. L’ADF intervient avec des agents permanents sur le Tour, qui viennent de l’ensemble des départements. Pour cette équipe, le Tour de France est l’aboutissement d’un travail entamé dès le mois d’octobre, date d’officialisation du parcours.
Orange – A l’instar de ce que peut faire l’ADF, nous sommes également mis dans la confidence du parcours bien avant la divulgation au grand public du parcours. Un an avant l’évènement, nous prenons donc notre bâton de pèlerin pour recenser les différents besoins.
Nous avons tout au long de la course 750 points à connecter et plus de 60 relais 4G pérennes ont été installés. Sur les points sprint par exemple, nous mettons en place de quoi retransmettre les images de la course et le classement provisoire. Nous avons également une station satellite pour acheminer les transmissions depuis les 5 caméras moto ainsi qu’une station octopus à l’arrivée. Connectée à chaque régie, elle offre la possibilité aux réalisateurs de chaque pays de choisir en direct les images qu’ils souhaitent.
Chaque jour, vous avez sur la ligne d’arrivée environ 150 camions. Ce sont des cars régies, tv, des véhicules techniques, radios. La prouesse technique d’Orange est d’assurer à tous ces véhicules, quels que soient les lieux ou les conditions climatiques extrêmes, une fiabilité du réseau sans faille. Il y a 2 ans, en haut du Mont Ventoux, le vent nous a par exemple forcés à déplacer la ligne d’arrivée de 8 km en contrebas. Durant la nuit, il a fallu tirer 7 fibres entre le sommet et le nouveau site d’arrivée, dans des conditions que je vous laisse imaginer.
La flexibilité et l’organisation sont indispensables sur le Tour. Chaque soir, nous devons déployer et repositionner près de 500 lignes au gré de l’arrivée des camions. Ces derniers ne sont jamais disposés de la même façon d’un jour sur l’autre.
Pour y arriver, nous avons une équipe de 40 personnes composée d’experts et de techniciens venant de toute la France. C’est une vraie fierté de fédérer une telle équipe sur un projet comme le Tour de France, avec des compétences et intelligences venant de tous les territoires.
Le Tour fête cette année sa 104ème édition. Votre partenariat est pourtant toujours aussi nécessaire. Est-ce un travail sans fin ?
ADF – Même si certains départements sont des hauts lieux de passages du Tour de France comme par exemple la Savoie, l’Isère, l’Ariège ou encore la Haute Garonne. C’est un travail sans fin. Les routes doivent en effet être vérifiées, inspectées pour s’assurer qu’elles n’ont pas trop soufferts pendant l’hiver. Si le Tour ne demande pas aux départements de refaire des chaussées, les départements peuvent décaler certains aménagements et modifier leur programmation. Parfois, le Tour demande à l’inverse que certaines routes restent dans leur jus.
Il faut bien réaliser que derrière ces investissements, ce sont les riverains et usagers du quotidien qui peuvent en profiter. C’est le cas pour les routes mais aussi pour les infrastructures réseau apporté par Orange.
Orange – Le travail est immense mais ce n’est jamais la même chose. Chaque année, les équipes organisatrices trouvent de nouveaux lieux de passages prestigieux avec des problématiques bien spécifiques et, à chaque fois passionnantes. En haut du Galibier par exemple, situé en zone Natura 2000, il n’était pas possible de tirer la ligne de manière humaine. Nous avons donc fabriqué une fibre gainée de kevlar pour la protéger des rocher et c’est un hélicoptère qui a hélitreuillé la fibre. Autre exemple marquant en 2013 avec le départ du Tour en Corse. Faute de salles assez grandes, nous avons pris l’option de câbler l’un des bateaux de traversée afin de le transformer en salle de presse pour 600 journalistes. Ce bateau a servi aux 4 premières étapes.
Le Tour de France est en quelque sorte un accélérateur ?
ADF – Oui, le Tour de France va permettre à la fois d’avoir de meilleurs équipements, plus sécurisés et mieux aménagés mais aussi, grâce aux nombreux médias, de faire connaître des territoires parfois moins connus pour leur valeur touristique. C’est un accélérateur de promotion des territoires puisque le Tour est retransmis en intégralité avec 6300 heures de diffusion dans 190 pays. Nous jouons à fond le jeu auprès des Départements avec une équipe de l’ADF qui valorise les Départements traversés et informe sur le rôle de nos collectivités auprès des citoyens.
Orange – C’est assurément un vecteur de développement pour les territoires. Chaque opus du Tour a son lot de belles histoires, à l’exemple de Sarzeau cette année. Grâce au dialogue avec les élus locaux en amont du tour, nous avons pu profiter de la proximité du parcours pour équiper certains territoires. En effet, la ligne d’arrivée est située à 1, 5 km du centre-ville à proximité de la mairie, d’un collège et d’un lycée. Les collégiens et lycéens auront donc la joie en septembre de découvrir que leur établissement a été raccordé à la fibre plus vite grâce au Tour. Cet équipement, mis en place plusieurs semaines avant le début du Tour, à même permis d’assurer l’organisation d’un autre événement, le championnat de France de BMX.
Quels sont les passages du Tour sur lesquels vous avez dû particulièrement intervenir?
ADF – A Fougères par exemple, un ouvrage d’art sur lequel doit passer la course s’est écroulé. Les travaux viennent tout juste de se terminer. Autre exemple au Cormet de Roselend dans les Alpes. Les coureurs devront aborder une très belle descente, très technique. La route y était très dégradée et on a dû y intervenir en urgence. Un des autres passages intéressant tant sur le plan routier que sportif cette année sera sans doute les Pavés du Nord. Dans le Sud de la France, avec les fortes chaleurs, nous devons parfois intervenir pour refroidir la chaussée. Chaque année, nous devons faire face à des imprévues. En 1996, il a même fallu déneiger le col du Galibier…
Orange – En 2018, il y a bien évidemment une nouvelle étape-reine avec un parcours de 65 kilomètres dans les Pyrénées qui finit par l’ascension inédite du col de Portet. De l’avis du directeur Christian Prudhomme lui-même, c’est un nouveau « géant ». Près de 19 km de fibre ont donc dû être tirés. A chaque fois que nous intervenons, nous devons prendre en compte le contexte ; nous nous devons d’être très respectueux de l’environnement et pas seulement en zone Natura 2000. Il n’est pas question pour nous de poser des câbles sans prendre en compte l’impact que cela aura non seulement visuellement mais aussi pour la faune et la flore. En cela, nous avons avec l’ADF, la même optique : une fois le spectacle du Tour passé, aussi grand soit-il, nous devons rendre les lieux comme nous les avons trouvés…
Un pronostic pur cette édition 2018?
ADF – On espère un français ! Bernard Hinault en 1985 est le dernier tricolore à avoir remporté le Tour de France…
Orange – Je rejoins forcément sur ce point André… nous espérons toujours voir sur les Champs Elysées un nouveau maillot jaune français. Ce serait un bel hommage pour ces millions de spectateurs, présents chaque jour sur le tracé du Tour. Un coureur comme Romain Bardet peut cette année encore, faire une très belle performance…