Romain Bonenfant (FFTélécoms) : « L’extinction de la 2G et 3G est nécessaire pour des raisons de sécurité et d’environnement »

Ingénieur général des mines, ex-directeur à l’Arcep chargé de la régulation des réseaux fixes à haut et très haut débit, Romain Bonenfant dirige depuis août 2023 la Fédération Française des Télécoms qui représente 25 opérateurs. Il revient pour Paroles d’élus sur les enjeux liés à l’arrêt programmé des réseaux 2G et 3G d’ici fin 2026.
Paroles d’élus : Quel est le rôle de la Fédération française des télécoms dans l’arrêt programmé de la 2G et 3G ? Y a-t-il des enjeux de coordination des calendriers entre opérateurs ?
Romain Bonenfant : La Fédération Française des Télécoms, c’est l’association qui représente les opérateurs télécoms en France. Nous avons 25 membres. Et parmi eux, nous avons de grands opérateurs comme Orange, SFR, Bouygues Télécom, mais également des opérateurs qui font plus spécifiquement du marché entreprise. Nous avons des opérateurs d’infrastructures, du mobile, du fixe. Notre mission, c’est donc de représenter le secteur, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics et également vis-à-vis du grand public sur de grandes questions.
Notre rôle sur cette extinction de la 2G, 3G, n’est pas la coordination des calendriers. Ce sont en effet les opérateurs qui les définissent individuellement.
En revanche, il y a des enjeux de communication, de partage d’informations, également d’explications auprès des ministères, des élus concernés, également vis-à-vis de la presse. C’est plus spécifiquement sur ces enjeux qu’intervient la FFT.
Paroles d’élus : La France n’est pas le premier pays concerné par cette extinction. Quels enseignements tirez-vous de l’expérience internationale ?
Romain Bonenfant : En effet, l’extinction des réseaux 2G, 3G, d’anciennes générations, est un phénomène que nous constatons partout dans le monde. Au niveau mondial, près de 200 réseaux 2G ou 3G ont été fermés dans le monde depuis 2010 et la moitié dans les deux dernières années. Nous sommes dans le pic de fermeture des réseaux.
Paroles d’élus : Est-ce à dire que ces technologies sont obsolètes ?
Romain Bonenfant : Non seulement ces technologies sont obsolètes mais elles deviennent aussi difficiles à maintenir, avec trois motivations principales pour faire la migration.
La première, c’est que nous avons des problèmes de sécurité sur ces vieux réseaux. C’est le cas en particulier sur la 2G. Par exemple, Google recommande de désactiver la 2G sur Android. Je pense par exemple aux attaques de type « fausses antennes » sur les réseaux 2G. Concrètement, les pirates se font passer pour une antenne et derrière peuvent falsifier les communications. C’est d’autant plus problématique que la 2G sert principalement pour des usages industriels : alarmes d’ascenseurs, alarmes domestiques, de téléassistance à domicile, etc. Donc pas mal d’usages qui concernent la sécurité des biens et des personnes.
La deuxième raison, c’est une motivation environnementale. Les réseaux 2G et 3G consomment beaucoup d’énergie. Il a été estimé par un comité d’experts de l’ARCEP que les réseaux 2G et 3G consomment en France entre 21 à 33 % de l’énergie utilisée pour faire fonctionner les réseaux mobiles dans leur ensemble. Pourtant, ces réseaux véhiculent très peu de données. Ils ont peu de capacités, sont de moins en moins utilisés mais utilisent beaucoup d’énergie. Donc en les fermant et en migrant vers de nouvelles technologies, nous allons avoir des réseaux plus efficaces d’un point de vue énergétique et donc environnemental.
Et la troisième raison, c’est le service que nous apportons aux usagers, puisqu’en fait nous disons fermer la 2G et la 3G, mais pour être complet, c’est fermer cette vieille technologie et réutiliser les fréquences, qui sont aujourd’hui mobilisées pour ces technologies 2G et 3G, pour les technologies plus modernes 4G et 5G. Là où aujourd’hui, parfois dans des zones rurales, nous n’avons que de la communication de voix et très peu de données, nous aurons de très hauts débits mobiles.
Paroles d’élus : Quels sont les premiers retours sur cette migration ? Tous les clients ont-ils été prévenus ?
Romain Bonenfant : En fait, les opérateurs contactent leurs clients pour effectuer cette migration. Cela inclut les clients industriels : les ascensoristes, les fabricants d’alarmes, les fabricants de systèmes d’assistance à domicile.
Ensuite, ce sont ces industriels qui doivent faire migrer leurs propres clients. Prenons l’exemple d’Enedis qui a beaucoup communiqué sur sa migration. L’entreprise utilise des technologies 2G, 3G pour opérer un certain nombre de compteurs. Elle s’est organisée et mène un grand projet au niveau national pour migrer ses compteurs de la 2G, 3G vers des technologies plus modernes.
Paroles d’élus : C’est donc sur ce point spécifique que peut venir la réticence de certains secteurs industriels ?
Romain Bonenfant : En effet, la difficulté dans le domaine industriel vient d’un enjeu de modernisation plus large de l’équipement. Passer de la 2G à la 4G ou 5G, d’un point de vue électronique, c’est assez simple. Il suffit de changer la carte SIM. Mais dans de vieux systèmes, les entreprises vont utiliser derrière de vieilles technologies de communication avec des logiciels également obsolètes.
Ces projets peuvent donc être assez longs à mener et c’est pour cela que les calendriers de fermetures sont connus depuis longtemps (NDLR : dès 2022).
Côté particuliers, nous pouvons avoir un public peut-être moins familier avec le numérique, de personnes âgées par exemple. Là, effectivement, il faut aller un peu les chercher, les démarcher et c’est ce que font les opérateurs en ce moment.
Paroles d’élus : La migration va-t-elle suffisamment vite pour tenir les calendriers fixés ?
Romain Bonenfant : Le rythme de migration s’accélère de façon importante. L’ARCEP a publié vendredi dernier, pour la première fois, un observatoire des cartes 2G, 3G. On y apprend par exemple que sur l’ensemble des cartes des quatre opérateurs français (NDLR : Bouygues Télécom, Free, Orange, SFR), nous avons eu une baisse d’à peu près un tiers en un an.
Paroles d’élus : D’autres points d’étape avec l’ARCEP sont-ils prévus pour s’assurer que cette dynamique de diminution se poursuit ?
Romain Bonenfant : Oui, l’ARCEP organise des concertations entre les opérateurs et les fédérations industrielles concernées. Des points d’étape sont prévus après l’arrêt par Orange de la 2G dans 9 départements du Sud-Ouest en mars 2026.
Paroles d’élus : Que répondez-vous à ceux qui craignent le retour des zones blanches avec l’arrêt du réseau 3G ?
Romain Bonenfant : Regardons ce qu’a permis le New Deal Mobile dont l’objectif était justement de s’attaquer aux zones blanches. Ces territoires ont été couverts directement en 4G. Ce que je veux dire, c’est qu’un monde sans 2G est possible. C’est le cas dans ces zones rurales qui sont passées de zones blanches à couvertes par la 4G.
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