Retour sur FRAMES, le festival qui réunit et inspire (tous) les créateurs du web

Il n’a pas fallu longtemps à FRAMES pour s’imposer comme un rendez-vous majeur pour les créateurs de contenu web. Organisé depuis 2016 par l’association La Boîte dans les lieux emblématiques d’Avignon, ce festival allie projections, rencontres professionnelles et moments conviviaux. L’édition 2025 a mis en lumière des talents émergents et abordé des thématiques actuelles comme l’intelligence artificielle, tout en offrant une expérience unique à ses participants. Pour en savoir plus, Paroles d’élus est allé à la rencontre de Gilles Boussion, Responsable de la programmation du FRAMES.pro, et de Manon Dulau, Coordinatrice générale du festival.
Paroles d’élus : Quelle est l’origine de FRAMES ?
Gilles Boussion : Ce projet remonte à 2014. Nous collaborions avec des vidéastes et l’idée est venue tout d’abord d’organiser une soirée regroupant toutes ces personnes que nous côtoyions. Rapidement, l’événement s’est transformé en un week-end complet. En 2016, nous avons structuré l’organisation autour d’une association, dénommée La Boîte. Cela nous a permis de lancer officiellement cette année-là la première édition du FRAMES Web Video Festival.
Paroles d’élus : Pourquoi avoir créé un festival dédié à la création web ? Et qu’est-ce qui fait la particularité de ce festival ?
Gilles Boussion : Dès le départ, notre objectif était de créer un espace d’expression physique pour les créateurs de contenu web. Nous voulions faire de cet événement un moment convivial où les YouTubeurs pouvaient se rencontrer et s’exprimer librement. Presque 10 ans plus tard, nous pouvons dire que le défi a été relevé. Le festival se distingue aujourd’hui par sa convivialité et ses formats intimistes. Nous avons rapidement instauré une proximité avec nos festivaliers.
Le choix d’Avignon n’est pas anodin dans cette réussite. Le festival a pu en effet se développer dans des lieux aussi emblématiques que le Palais des Papes et la Collection Lambert.
FRAMES, c’est aussi rapidement devenu deux programmations. Dès 2017, nous avons ajouté une demi-journée pour les professionnels. Ces rencontres professionnelles se sont progressivement développées jusqu’à atteindre deux jours et demi. Elles ont pris le nom de Frames.Pro en 2019, devenant ainsi le premier Salon Professionnel du secteur de la création vidéo pour le web en France. L’objectif reste toujours le même : favoriser les échanges pour contribuer à construire un modèle économique pour ce secteur.
Paroles d’élus : Le format « apartés » est aussi une particularité de FRAMES ?
Gilles Boussion : Ce format a remplacé chez nous le moment des dédicaces et des photos, qui nécessite beaucoup d’attente pour 2 à 3 minutes d’échanges avec l’invité. Au contraire, grâce aux apartés, nous avons vu des créateurs comme Cyprien, qui a plusieurs dizaines de millions d’abonnés, discuter pendant 30 minutes avec une poignée de festivaliers et Timothée Hochet du court-métrage qu’ils ont réalisé ensemble. Ce format permet vraiment de créer un espace où les vidéastes et les festivaliers peuvent échanger librement. Certains viennent même jouer à des jeux de société ou des jeux vidéo.
Nous avons ainsi créé un environnement qui ne se limite pas à une simple rencontre entre un vidéaste et son public. Il ne s’agit plus seulement de signer des autographes ou de prendre des photos, mais de partager des anecdotes et de créer un véritable échange. Les vidéastes nous disent souvent que nos festivaliers sont très curieux, intéressés et intéressants. En somme, ce n’est plus seulement une question de demander une dédicace parce qu’on est fan, mais de vivre une expérience enrichissante.
Paroles d’élus : Les dates des deux parties ne correspondent pas totalement. Cela signifie-t-il que vous avez deux publics distincts ?
Gilles Boussion : C’est de moins en moins vrai puisque, pour la première fois cette année, nous avons fait une journée mixte, le 25 mai, avec 3 temps forts sur les 4 ouverts à tous. Les premiers retours sont très bons. C’est donc quelque chose que nous allons sans doute développer l’année prochaine. Ce choix nous a permis de mélanger les deux publics et d’offrir une expérience riche sur quatre salles.
Paroles d’élus : En tant que participant, faut-il préparer sa venue ou peut-on se laisser porter au gré des rencontres ? Quels ont été les moments forts de cette édition 2025 de FRAMES ?
Manon Dulau : En consultant le programme, on découvre en effet beaucoup de propositions. Il est à mon sens utile de sélectionner les événements qui nous intéressent, surtout pour les professionnels qui viennent pour le networking et les opportunités de financement. Cependant, on peut aussi se laisser porter et découvrir de nouvelles choses, notamment des chaînes moins connues.
Pour le public, l’un des moments forts de cette dernière édition a été la venue d’Antoine Daniel, qui n’était pas revenu sur scène depuis des années. Sa présence a été le point culminant de cette édition. Nous avons également eu une table ronde sur la narration avec Ultia, Julien Neel, Marie Rouzié, Rivenzi et Armandba. Autre temps fort, le Frames Comedy Club qui a été complet sur les deux soirs.
Paroles d’élus : Qu’en est-il justement de la fréquentation de FRAMES ?
Gilles Boussion : Hors partie pro, le festival a réuni cette année plus de 1 700 personnes sur les deux jours. Cette fréquentation est similaire à l’année dernière, mais avec un meilleur taux de remplissage grâce à une salle supplémentaire. À ce chiffre, il faut ajouter les personnes qui nous suivent en stream. Elles étaient plus d’un million l’année dernière.
Paroles d’élus : Côté pro, y a-t-il une dimension de cooptation ou certains critères pour participer ?
Gilles Boussion : Non, il n’y a pas de cooptation. Nous souhaitons que tous les créateurs de contenus web, quel que soit leur nombre d’abonnés, puissent participer. En revanche, il y a un impératif : leur création doit répondre à deux critères. Pour les contenus réels, talks, ou même de divertissement, il doit y avoir un enrichissement culturel. Tout ce qui relève de la vulgarisation, même dans le divertissement, est accepté, à condition que l’on apprenne quelque chose de manière unique. Pour la fiction et le divertissement, le contenu doit être vecteur d’émotion. Il doit raconter quelque chose qui suscite une émotion, qu’il s’agisse de rire, de peur, de tristesse, et permettre aux créateurs de s’enrichir et d’échanger pour développer de nouveaux projets.
L’intérêt de faire venir ces vidéastes, qu’ils soient débutants ou déjà bien établis avec plusieurs millions d’abonnés, est de réunir également des acteurs indispensables comme les producteurs, les agences, les diffuseurs et, de manière générale, les distributeurs. Ces derniers apportent le financement et peuvent aussi jouer un rôle de délégation.
Paroles d’élus : Comment est construite la programmation du festival ?
Manon Dulau : Nous construisons notre programmation main dans la main avec nos partenaires, comme Arte, France Télé, Le Monde, Slash et TV5 Monde. Nous cherchons toujours des formats captivants, que ce soit des documentaires ou des fictions en avant-première. Nous nous inspirons aussi beaucoup des réseaux sociaux et des idées que nous recevons pour que tout soit bien cohérent.
Cette année, nous avons vraiment voulu mêler les questions professionnelles et celles qui touchent le grand public, surtout autour de l’IA. Nous voulions discuter de la façon d’encadrer l’utilisation de l’IA, parce que même si elle offre plein de possibilités, elle peut aussi faire peur. Du coup, nous avons posé ces questions aux acteurs du secteur pour voir comment l’utiliser sans aller trop loin.
Paroles d’élus : Qu’en est-il du concours émergent ?
Gilles Boussion : Lorsque nous avons créé l’événement, c’était pour montrer qu’il n’y avait pas que des vidéos de chatons ou des pranks idiots sur internet. Nous voulions faire émerger des talents et montrer au grand public des créations de qualité. C’est pourquoi nous avons lancé le Concours Émergence Frames en 2017, un tremplin dédié aux créateurs et créatrices émergents de la webcréation, conçu pour révéler les talents de demain.
Ce concours est ouvert aux chaînes de moins de 10 000 abonnés et leur offre l’opportunité de présenter leur dernière création devant une assemblée composée d’invités de marque et de professionnels du milieu. L’initiative a immédiatement bénéficié du soutien d’institutions comme le CNC, la Région Provence Alpes Côte d’Azur, la SACD et la SCAM, ainsi que de partenaires comme YouTube, qui a créé un prix spécifique destiné aux femmes vidéastes.
Aujourd’hui, le Concours Émergence Frames a permis de soutenir près de 30 chaînes émergentes en leur donnant accès à de nombreuses résidences de création ou en leur attribuant des dons pour les accompagner dans la production de leurs projets. C’est une manière pour nous de contribuer à révéler la qualité de leur travail et de les aider à sortir de l’ombre dans cet immense flux de productions audiovisuelles sur le web.
Paroles d’élus : Quelles sont les prochaines étapes ?
Gilles Boussion : Beaucoup de choses sont déjà en préparation pour les 10 ans du festival. Nous travaillons par exemple sur le développement d’un palmarès spécifique à ce secteur, inspiré des formats du Festival de Cannes ou des Césars. Concrètement, nous envisageons également de rendre le festival entièrement mixte l’année prochaine, avec des événements l’après-midi et des moments privilégiés pour les professionnels. Nous aimerions enfin créer un village avec des temps forts pour une communauté plus large de festivaliers publics.