Regards croisés entre l’AMF86 et l’ADM79 : Deux départements au cœur de la transformation digitale

Lors du 107ème Congrès des Maires à Paris Porte de Versailles, Paroles d’élus a pu s’entretenir avec Marie-Pierre Missiou, maire de Cherveux et présidente de l’ADM79, et Jérôme Neveu, maire de Jaunay-Marigny et président de l’AMF86. Entre enjeux de cybersécurité, déploiement de la fibre et intelligence artificielle, ces deux élus ruraux témoignent des défis numériques qui s’imposent aux territoires, à quelques mois des élections municipales.
Paroles d’élus : Ce 107ème Congrès des Maires a rassemblé 12 000 élus. Quel est votre ressenti sur cette édition, à quelques mois des municipales ?
Jérôme Neveu : Il y a effectivement une forte mobilisation des élus. Dans la Vienne, nous avons deux bus qui sont venus aujourd’hui. On a presque 200 élus qui se sont déplacés sur l’ensemble du congrès pendant trois jours. Cette forte présence s’explique par le fait que nous sommes à quelques mois des municipales. Il y a une vraie appétence parce que c’est des forums, des échanges d’expériences. C’est quelque chose qui est vital, surtout à quelques mois des municipales. On a besoin de s’enrichir et de s’acculturer à un certain nombre de sujets.
Marie-Pierre Missiou : On retrouve ce même constat pour les Deux-Sèvres. Nous sommes une centaine ici en délégation. Ce qui m’a particulièrement marquée, c’est le caractère spécial de ce salon puisqu’on est à quelques mois des élections municipales. Donc le sujet de l’engagement, de la mobilisation des jeunes à s’engager est un sujet important. J’ai participé hier à une table ronde dans un grand forum sur ce sujet, où j’ai parlé de l’engagement des jeunes, mais des très jeunes, avec des conseils municipaux des jeunes qui se font dans les communes dès l’âge de 7 ans.
Jérôme Neveu : Un chiffre important a été apporté par le politologue lors du Grand Forum : 58% des maires repartent. On croyait qu’il y avait une crise de vocation, mais en fait non, elle n’est pas là. C’est un chiffre important et c’est bon signe.
Paroles d’élus : Comment s’articule le travail entre vos associations départementales et l’AMF nationale ?
Jérôme Neveu : En fait, il y a un vrai partenariat entre les associations locales et le national. La nôtre, l’AMF86, a été créée en 1947 et a été reprise dans les années 60 par René Monory, qui a été président du Sénat et maire de Loudun. Il avait une appétence pour la chose publique locale et il était en lien avec le territoire. L’AMF est un porte-parole en soutien des maires pour défendre leurs intérêts au national. Nous faisons remonter un certain nombre de questions qui interrogent parfois les maires, notamment sur la ruralité. On passe parfois par les parlementaires. Mais l’AMF a un vrai pouvoir de lobby auprès des ministères. Il y a une expertise au sein de l’AMF nationale qui nous accompagne et qui nous nourrit au quotidien.
Marie-Pierre Missiou : L’association des maires des Deux-Sèvres a été créée en 1950, donc c’est bien après la création de l’AMF qui date de 1907. Sur les Deux-Sèvres, département rural comme la Vienne, nous essayons de représenter la diversité à la fois des tailles de communes mais aussi de la représentation géographique sur ce département tout en longueur. Nous avons des élus dans notre conseil d’administration qui sont du nord, du sud, des petites communes, des grandes. Toutes les communes et intercommunalités adhèrent à l’association des maires des Deux-Sèvres.
Jérôme Neveu : C’est vraiment important ce que dit Marie-Pierre. Le fait que toutes les communes et intercommunalités adhèrent, ça permet de parler d’une seule voix et d’être beaucoup plus forts pour défendre nos intérêts.
Paroles d’élus : Le déploiement de la fibre arrive à son terme dans vos départements. Quels sont les nouveaux enjeux numériques qui se posent désormais ?
Marie-Pierre Missiou : Pour utiliser les outils numériques, les outils métiers, il faut la fibre. Et nous, nous nous étions engagés avec le département, avec Orange, à terminer le déploiement de la fibre en 2025. Ça va être fait. Maintenant, il y a le support cuivre qu’il faut supprimer. Et puis effectivement, ces sujets, ces défis aujourd’hui qui sont la cybersécurité où on n’est pas tous à la même enseigne. Dans les Deux-Sèvres, nous avons un peu perdu de l’avance sur les autres départements puisque nous ne sommes pas structurés, nous n’avons pas de syndicats identifiés pour mutualiser nos idées et nos moyens.
Jérôme Neveu : Il n’y a pas les moyens, il n’y a pas l’expertise, surtout, comme dans tout. Les communes rurales, il y a une secrétaire de mairie, le maire, des agents techniques, des agents dans les écoles, et c’est tout. Donc effectivement, il n’y a pas les moyens, il n’y a pas l’expertise.
Jérôme Neveu : La Vienne, c’est le département du Futuroscope. Tout ce qui touche aux nouvelles technologies, depuis longtemps, on y est sensible. C’est René Monory, d’ailleurs, qui avait développé le plan informatique dans les écoles dès 1984. Aujourd’hui, la Vienne va être, fin 2025, un peu comme les Deux-Sèvres, en haut débit sur l’ensemble du territoire. Mais il y a des nouveaux défis qui se posent à nous, et notamment liés à la fracture numérique. On le voit bien, nos concitoyens sont encore très éloignés parfois de tous ces outils, alors que les démarches administratives sont de plus en plus numériques. Il y a des vrais enjeux. Je pense que les communes, mais pas toutes seules, ont besoin de s’appuyer sur le savoir-faire des intercommunalités ou du département pour organiser des formations. L’AMF organise des webinaires pour les élus parce qu’il s’agit de former, bien sûr, les habitants au quotidien, mais aussi nos agents dans les collectivités et les élus. L’un ne va pas sans l’autre.
Paroles d’élus : L’intelligence artificielle était au cœur des débats lors de ce congrès. Comment appréhendez-vous ce sujet dans vos territoires ?
Jérôme Neveu : J’intervenais dans cette table ronde hier où Anne Le Hénanff, la nouvelle ministre déléguée chargée du numérique et de l’intelligence artificielle, était présente. C’était une table ronde assez pertinente puisqu’elle nous a bien fait comprendre cette montée en puissance de l’IA. Il y a trois niveaux. Il faut d’abord avoir des bases de données, de la data de qualité pour envisager des solutions IA. Et on voit déjà des différences entre les territoires. Il y avait le porte-parole de Grand Paris Métropole. Forcément, ils ont un écosystème d’entreprises spécialisées qui leur permet d’avancer très vite. Mais dans nos territoires plus ruraux, les élus ne mettent pas forcément la même chose derrière l’IA. Ils ne connaissent pas forcément toutes les solutions qui existent. C’est là où le partenariat avec Orange peut avoir du sens.
Marie-Pierre Missiou : Dans les échanges qu’on a eu avec la ministre, elle nous disait que ce qu’elle avait retenu des échanges avec les élus, c’était un côté « accompagnez-nous ». On est en phase avec ça. Le département va inaugurer au printemps, au sein du Futuroscope, le campus Numéria, qui va être un peu le temple du numérique éducatif, avec des ateliers de sensibilisation pour l’ensemble des scolaires de France. Pour justement les sensibiliser aux risques aussi de l’IA et d’une manière générale de tous les réseaux sociaux. En termes de formation pour les enseignants, pour les scolaires et pour le grand public, ça va être assez intéressant.
Marie-Pierre Missiou : L’idée, c’est de sensibiliser effectivement notre jeunesse sur le sujet et d’intervenir peut-être demain auprès de nos conseils municipaux des jeunes qui sont des ambassadeurs auprès des autres jeunes. Il faut sensibiliser notre jeunesse parce qu’ils sont déjà en train de s’en emparer. Mais il faut s’en emparer comme il faut. Il peut y avoir danger comme l’est aujourd’hui les réseaux sociaux et Internet en général.
Paroles d’élus : Vous avez évoqué les conseils municipaux des jeunes dans les Deux-Sèvres. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Marie-Pierre Missiou : Nous avons une soixantaine de conseils municipaux des jeunes sur le territoire des Deux-Sèvres. L’idée, c’est d’en créer encore d’autres avec un kit qu’on va préparer pour 2026 et puis de les valoriser à chaque fin de congrès. Nous l’avons fait lors de notre dernier congrès départemental en récompensant des initiatives. À l’instar de la Vienne qui le fait déjà, c’est de voter pour le meilleur projet du Conseil Municipal des Jeunes de l’année.
Paroles d’élus : Orange a depuis toujours un maillage territorial fort en milieu rural. Quelles sont vos attentes envers cet opérateur ?
Jérôme Neveu : C’est un partenaire fidèle avec lequel nous avons toujours plaisir à travailler. Ils connaissent parfaitement le territoire. Ils ont un interlocuteur chargé des collectivités locales qui permet que transitent toutes nos interrogations ou nos besoins. On organise des formations en commun, notamment à travers le réseau Mairie 2000, parce que les élus ne sont pas des spécialistes forcément des nouvelles technologies, mais il y a des attentes fortes des citoyens. De manière plus anecdotique, l’opération téléphone mobile recyclé, avec ce concours avec les communes, fonctionne toujours bien. Il est organisé tous les deux ans et permet aussi de sensibiliser au recyclage et à la valorisation de ces outils.
Marie-Pierre Missiou : On attend qu’Orange nous accompagne dans tous ces défis importants qui nous arrivent demain. La cybersécurité, on termine le déploiement de la fibre avec eux. Pour la cybersécurité, l’IA, nous attendons qu’ils nous accompagnent en partenariat avec l’association des maires, avec des webinaires, des formations. C’est très attendu des maires. Il faut que nos élus s’en emparent très vite. Pour éviter de le subir, il faut déjà comprendre à quoi ça va servir demain, à la fois pour les élus mais pour les agents. Il y a eu une sensibilisation sur les Deux-Sèvres là-dessus et on a beaucoup d’attentes d’Orange sur le sujet aussi.




