Politique de la ville : « On a besoin de s’inscrire dans la durée » (1/2)

Au 107e Congrès des Maires, élus et associations ont appellé à pérenniser les dispositifs qui fonctionnent et à changer l’image des quartiers prioritaires. Mercredi 19 novembre 2025, la salle Démocratie du Congrès des Maires accueillait en effet un forum consacré à la Politique de la ville. Co-présidé par Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes, et Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin, cet événement organisé par l’AMF et Ville & Banlieue a réuni élus et ministres autour d’un constat partagé : la politique de la ville traverse une période d’incertitude.
Retour sur ces échanges avec les témoignages d’Audrey Gatian, adjointe au maire de Marseille, et de Damien Allouch, maire d’Épinay-sous-Sénart.
Changer le regard sur les quartiers prioritaires
L’image des quartiers fait aujourd’hui l’objet d’une bataille médiatique. « On a une image qui actuellement est très négative des quartiers prioritaires, qui malheureusement font l’actualité lors de drames », regrette Audrey Gatian. L’adjointe marseillaise insiste sur la nécessité d’un récit équilibré. Les quartiers ne se résument pas aux faits divers. Il s’y passe « beaucoup de choses positives », rappelle-t-elle. Le ministre présent au forum a lui-même souligné cet enjeu de perception.
Pour Damien Allouch, ce combat pour une image juste transcende les clivages. « On travaille tous pour la même cause », souligne le maire d’Épinay-sous-Sénart. Au sein de Ville & Banlieue, grandes métropoles et petites communes partagent cette ambition commune. L’association porte « la parole des habitantes et des habitants des villes qui ont des quartiers politiques de la ville », explique-t-il. Cette solidarité territoriale constitue un atout face aux difficultés.
La loi SRU au cœur des enjeux de mixité
La question du logement social cristallise les tensions. « On doit avoir des communes qui respectent la loi, qui construisent des logements sociaux », martèle Audrey Gatian. Le taux de 20% inscrit dans la loi SRU reste un objectif à atteindre. Dans de nombreux territoires, la concentration des logements sociaux dans certaines communes crée des « ségrégations spatiales » préjudiciables. D’autres communes refusent purement et simplement de construire.
Face à cette inégalité, l’élue marseillaise prône une application stricte de la loi. « Il faut vraiment faire respecter la loi, quel que soit le moyen utilisé », insiste-t-elle. Les sanctions comme les incitations ont leur place. Mais l’urgence demeure : des milliers de Français attendent un logement social digne. Cette attente ne peut plus durer.
Pérenniser les dispositifs efficaces
La stabilité des politiques publiques apparaît comme une exigence majeure. « On a besoin de s’inscrire dans la durée », affirme Audrey Gatian avec conviction. Trop souvent, de nouveaux dispositifs remplacent ceux qui fonctionnent. Cette instabilité nuit à l’efficacité de l’action publique. L’exemple des colonies apprenantes illustre cette problématique. Ces séjours permettent aux enfants « de découvrir autre chose » et « d’élargir leurs horizons ».
Les effets positifs de ces programmes sont mesurables. Mais ils nécessitent du temps pour produire leurs fruits. « On a besoin de laisser aussi à ces dispositifs qui marchent le temps de marcher », plaide l’adjointe marseillaise. Les changements ministériels ou d’orientation ne doivent plus remettre en cause systématiquement ces acquis. La continuité s’impose comme un principe d’action.
Des initiatives locales au service des familles
Les territoires innovent aussi face aux besoins sociaux. À Marseille, un dispositif de sorties familiales a vu par exemple le jour en 2020. Le principe ? Mettre à disposition des associations de quartier un car avec chauffeur pour la journée. « C’est l’association ensuite qui va décider de la destination », explique Audrey Gatian. Culture, loisirs ou nature : le choix appartient aux habitants. Cette année, cent sorties ont été organisées.
L’originalité de ce programme réside dans sa dimension intergénérationnelle. « On avait à cœur de proposer ce type de sorties pour permettre aussi à ces familles de se faire des souvenirs ensemble », confie l’élue. Trop de dispositifs ciblent uniquement les enfants. Les familles dans leur ensemble méritent aussi de « voir autre chose ». À Épinay-sous-Sénart, Damien Allouch développe une brigade des solidarités. Une agente municipale rend visite aux personnes âgées isolées. Des bénévoles, lycéens ou seniors, rejoignent le dispositif « Présent pour vous » pour « lutter contre la question de l’isolement ».
Le réseau Ville & Banlieue, un outil de partage
L’appartenance à Ville & Banlieue offre aux élus un espace d’échange précieux. « Ce que nous apporte Ville et Banlieue, c’est d’avoir comme ça ce réseau », témoigne Audrey Gatian. Observer ce qui fonctionne ailleurs permet d’adapter les bonnes pratiques. Marseille, malgré sa taille, tire profit de cette « vision un peu plus générale et un peu plus globale ».
Pour Damien Allouch, ces rencontres représentent une bouffée d’oxygène. « Venir à Ville et Banlieue, de voir les collègues qui sont devenus des copains, voire des amis, ça permet aussi de respirer », confie-t-il. Le partage des difficultés et la recherche commune de solutions créent une dynamique collective. « Moi, je prends ma grande paille, je pique les idées de tout le monde, surtout quand elles sont bonnes », résume le maire avec humour. Après l’appel d’Épinay en mars et le CIV de Montpellier, les élus attendent désormais la mise en place du comité de suivi promis.


