Partagez cet article
Sommaire de l’article

    Philippe Augier : « Il ne faut pas avoir peur de ces nouvelles technologies »

    Maire de Deauville depuis 2001, Philippe Augier a fait de sa ville une vitrine du numérique territorial. Rencontré lors du 107ème Congrès des Maires, il revient sur la stratégie numérique pionnière de sa collectivité, déployée dès 2008, et partage sa vision d’un numérique inclusif et culturel au service de tous les publics.

     

    Paroles d’élus : Vous avez lancé très tôt le déploiement de la fibre à Deauville. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre cette initiative dès 2008 ?

    Philippe Augier : Nous avons très tôt compris que le très haut débit était indispensable. Pas seulement pour nos touristes, mais aussi pour ceux qui veulent s’installer et pour le télétravail. Deauville a tous les agréments et n’est pas très loin de la capitale. Nous avons installé la fibre avec un réseau d’initiatives publiques, car les grands opérateurs ne répondaient pas au début à nos sollicitations. Ils préféraient commencer par les zones très denses. Nous avions choisi d’installer la fibre chez tous les habitants, y compris dans les communes rurales.

    Paroles d’élus : Le numérique est très présent dans votre politique culturelle. Comment avez-vous intégré ces outils ?

    Philippe Augier : Nous avons installé du numérique partout, y compris dans ce lieu de culture exceptionnel. Nous avons inventé un système qui permet aux visiteurs d’être acteurs et de créer leur propre exposition à partir de nos fonds. Il a fallu faire matcher deux fichiers, celui de la médiathèque et celui du musée. C’était très compliqué, mais ça a marché. C’est unique au monde. Nous travaillons aussi à l’intelligence artificielle de façon très pointue. Nous venons de mettre en place les Cryptors, un système développé par Louis de Carolis. Ce sont des personnalités qui ont fait l’histoire de la ville et qui s’installent avec des QR codes. L’intelligence artificielle raconte l’histoire du personnage, et on peut même dialoguer avec lui.

    Paroles d’élus : Vous avez introduit le coding dans les écoles primaires. Quelle est votre philosophie éducative ?

    Philippe Augier : Nous avons été parmi les premières écoles en France à introduire le coding à l’école primaire, à travers des ateliers. Les enfants, au lieu d’être passifs sur leur tablette, deviennent créateurs de leurs propres jeux. C’est absolument fantastique. Dans les Franciscaines, nous avons créé un Fab Lab où on forme les jeunes à la création. Il y a tous les ordinateurs nécessaires pour programmer, des imprimantes 3D, et même une brodeuse numérique. Nous sommes convaincus que ces outils techniques qui font peur ont une partie positive. Ce sont de nouveaux leviers pour la création.

    Paroles d’élus : Comment accompagnez-vous les seniors dans l’appropriation du numérique ?

    Philippe Augier : Il y a de la psychologie à faire, mais aussi de la formation à organiser. Nous l’avons mis en route dans différentes associations paramunicipales. Notre club des anciens fonctionne très bien. Pour ceux qui se prennent au jeu, ils rentrent dans un phénomène de création, pas seulement pour communiquer, mais pour créer des ateliers, des contacts. Aux Franciscaines, nous avons un club de bénévoles que nous formons à la médiation. Ils transmettent ensuite à des gens du même âge. L’important, c’est d’avoir confiance et d’avoir le goût de l’effort. Une fois la première étape franchie, ça avance facilement.

    Paroles d’élus : Comment avez-vous étendu votre stratégie numérique au-delà de Deauville ?

    Philippe Augier : Tout ce qui est numérique est maintenant géré au niveau de la communauté de communes. Notre réseau d’initiatives publiques est intercommunal. À partir de ce réseau, nous avons créé les États généraux des RIP il y a 15 ans. Tous les acteurs français du numérique s’y rencontrent chaque année. Les petites communes doivent être accompagnées. Elles n’ont ni les budgets ni l’ingénierie. Les pouvoirs publics et les grandes entreprises comme Orange doivent aller vers elles. Le très haut débit doit être partout sur le territoire.

    Paroles d’élus : Quel message souhaitez-vous adresser aux élus présents au Congrès ?

    Philippe Augier : Il ne faut pas avoir peur de ces nouvelles technologies. A priori, on se demande comment ça marche. J’étais le premier à me dire que c’était compliqué. J’ai vécu une époque extraordinaire où on est passé de la machine à écrire à l’ordinateur. Mes secrétaires ne voulaient pas quitter leur machine. Au bout de trois mois, personne ne voulait plus de la machine à écrire. On se rend compte que c’est un levier formidable pour partager la culture, l’éducation, la découverte. Il faut juste se garder des dangers, comme la cybersécurité, mais c’est un autre sujet.