[Patrimoine et numérique ] Questions à… Stéphane Bern
En ce mois de juillet consacré au tourisme, au patrimoine et à l’impact du numérique dans ces domaines, Paroles d’élus a eu envie d’aller poser quelques questions à Stéphane Bern. L’animateur coqueluche des Français s’est en effet particulièrement impliqué dans la réalisation d’outils de médiation mobilisant parfois les nouvelles technologies …
Paroles d’élus : Ces dernières années, les amoureux du patrimoine et les curieux ont pu découvrir votre implication dans les outils de médiation de certains sites. Parfois vous prêtez votre voix, d’autres fois vous jouez votre propre rôle. Quels critères sont pour vous indispensables pour répondre favorablement à un projet de médiation ?
Stéphane Bern : Plusieurs éléments sont essentiels pour moi dans le choix de ces projets. Il faut tout d’abord qu’il soit intelligent et que le propos soit enrichissant tout en étant sensible et accessible au plus grand nombre. Enfin, et c’est sans doute le point important, il faut surtout que le lieu me touche. C’est aussi simple qu’un coup de cœur. Je n’ai pas beaucoup de temps donc quand je le fais c’est vraiment parce que j’y crois. Si le projet correspond aux valeurs que j’essaie de défendre… alors je dis oui.
Paroles d’élus : Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Stéphane Bern : Il y a eu par exemple un projet de scénographie au château de Langeais en Indre-et-Loire. Dans cette demeure du XVeme, construite par Louis XI et qui appartient à l’Institut de France, on a créé mon hologramme. J’ai enregistré cela comme si c’était une émission de télé. J’apparais devant les yeux des visiteurs, j’y raconte des anecdotes par exemple sur le mariage de Charles VIII et Anne de Bretagne. C’est un peu comme un Secret d’Histoire en live…
À la Chaise-Dieu, le procédé est assez similaire et a nécessité également un tournage. Autre exemple très différent, au Chateau des Comtes du Perche à Nogent-le-Rotrou, qu’on appelle aussi château St Jean, c’est plutôt ma voix qui accompagne la visite.
Paroles d’élus : Vous qui êtes un amoureux du Patrimoine, comprenez-vous que l’on soit obligé aujourd’hui de passer par le numérique pour « faire voir ». N’y a-t-il pas un risque pour les visiteurs de regarder davantage leur tablette que ce qu’ils ont autour d’eux ?
Stéphane Bern : Cette place de plus en plus importante prise par le numérique suscite en tout cas quelques débats…Ce matin encore, j’ai eu une discussion avec un grand architecte du Patrimoine qui était agacé par la place des écrans et des Histopad. Je ne partage pas cet avis. Au contraire, je trouve que la réalité augmentée mise à disposition du plus grand nombre apporte un plus, notamment pour une jeune génération qui a grandi avec des tablettes dans les mains.
Cette technologie est aussi avantageuse pour des monuments qui ne sont pas forcément bien meublés. Cela permet de se projeter dans l’Histoire d’un monument.
À mon niveau, je vois le succès par exemple de l’émission « Laissez-vous guider » que je présente avec Laurent Deutch sur France 2. Nous rendons visible, grâce aux formidables progrès de la 3D, des monuments qui ont disparu. C’est un peu cela que recherche le public aujourd’hui lorsqu’il visite un site patrimonial. Il a envie de rêver et de se projeter, il a envie de quelque chose d’incarné. Le numérique, et plus largement les nouvelles technologies ont apporté un nouveau mode de développement pour les visites touristiques et je ne vois pas pourquoi nous devrions nous en priver.
Et en disant cela, je ne m’oppose pas au travail fait par les guides. Les visites guidées ne sont pas sans charme. Je défends d’ailleurs dès que je le peux, les guides conférenciers mais je pense que l’on peut aussi imaginer d’autres parcours de visites grâce au numérique.
Autrefois, lorsqu’il n’y avait pas de smartphone dans toutes les poches, les musées devaient s’équiper d’audioguides. Aujourd’hui, il suffit d’un QRcode pour accéder à du contenu de qualité. Le visiteur est libre d’aller à son rythme et surtout de choisir le niveau d’information selon sa curiosité, son envie ou même son niveau d’attention et de fatigue.
Paroles d’élus : Quel est la particularité du projet mené au Mont-Saint-Michel ?
Stéphane Bern : « Si le Mont m’était conté » est un projet très esthétique. C’est un très beau projet qui a la particularité de solliciter presque tous les sens. Avec Amaclio, nous avons imaginé une scénographie féérique qui comprend des jeux de lumières et des sons. Tout cela permet de découvrir autrement ce lieu si emblématique. Nous avons voulu que chaque visite soit un moment unique et marquant pour le visiteur.
Paroles d’élus : Quel est le retour, notamment des élus locaux, sur le Loto du Patrimoine ?
Stéphane Bern : C’est déjà la 6ème année que nous renouvelons l’opération. Au mois de septembre, la Française des Jeux mettra en vente les tickets de grattage et aura ses 7 tirages. Les retours sont tout simplement fabuleux. Il faut savoir que le loto en lui-même n’est pas l’Alpha et l’Omega. Il représente à lui seul 120 millions d’euros en 5 ans mais au total, ce sont près de 230 millions d’euros qui ont récoltés avec le mécénat et les différentes cagnottes qui sont mises en place en parallèle du loto.
C’est un succès populaire, une mobilisation collective. Aujourd’hui nous en sommes à 765 monuments sauvés ou en passe de l’être. C’est du tangible pour les gens et pour les maires des communes dans lesquelles se trouvent ces sites remarquables. Les maires me le disent lors de l’inauguration de monuments qui ont été restaurés. Même si c’est chronophage, je tiens à me rendre à ces invitations car cela permet de montrer ce qui a été fait grâce au loto.
Paroles d’élus : Cette initiative a-t-elle aussi un impact économique pour les tertioires concernés ?
Stéphane Bern : Oui, c’est très concret dans la vie des communes et cela explique pourquoi les élus nous sollicitent de plus en plus. Il n’y a pas de jour en effet sans qu’un élu, une sénatrice ou un député ne nous contacte. Avec l’association des Maires de France, nous avons développé une relation de confiance. Ce patrimoine sauvé dans une commune dope l’économie locale car les gens s’y déplacent, se restaurent à proximité, parfois restent une nuit ou une semaine. C’est une formidable opportunité pour ces communes dont c’est souvent la seule richesse.