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    « La Démocratie du Quotidien » pour partager le goût du Bien Commun.

    À un an des élections municipales, Cédric Szabo publie aux éditions de l’Aube « La Démocratie du Quotidien ». Alors que le traitement médiatique à l’échelle nationale oscille trop souvent entre la caricature d’un élu « héros » et celle d’élus à bout de souffle, l’auteur invite tout à chacun à s’interroger : « Pourquoi pas moi ? ». À travers des témoignages et des réflexions recueillis au sein de l’Association des Maires Ruraux de France, dont il est directeur, il invite les citoyens à s’engager dans la vie de leur commune, soulignant l’importance de la proximité et de l’action collective pour le Bien Commun.

    Paroles d’élus : Votre livre « La démocratie du Quotidien » sort à un moment particulier, à un an des élections municipales. Pourquoi ce choix et quelle est l’origine de ce projet ?

    Cédric Szabo : En effet, ce n’est pas un hasard si ce livre sort maintenant. L’idée m’est venue il y a longtemps, car j’ai eu la chance, comme directeur de l’AMRF, d’être témoin privilégié de nombreux élus locaux qui accomplissent des choses formidables mais restent souvent dans l’ombre. Leur travail est essentiel pour la République, et pourtant, il est rarement mis en lumière. J’ai ressenti la responsabilité de partager ces expériences, surtout dans un contexte où l’image des élus est souvent négative. Ce livre est une manière de dire à tous les citoyens : « Pourquoi pas vous ? ». Il s’adresse à chacun pour les encourager à s’engager dans leur commune.

    Bien que la figure des maires soit souvent perçue comme la plus populaire, on met trop souvent leurs actions de côté. Pourtant, ils accomplissent des choses formidables : chaque jour, des dizaines, voire des centaines ou des milliers de décisions sont prises au nom de la République française dans chaque commune, sans que cela soit médiatisé. En tant que privilégié ayant côtoyé cet écosystème pendant 14 ans, je suis nourri par leur énergie et leur passion pour leur commune.

    Paroles d’élus : Vous décrivez pour autant aussi dans votre livre les difficultés du quotidien…

    Cédric Szabo : Oui, car ce livre n’est pas une œuvre angélique qui dépeint un univers idéal. Au contraire, il montre que l’engagement local permet de se révéler dans une démarche collective, comme au sein d’un conseil municipal, où l’on peut mettre en avant ses propres aptitudes, par exemple dans un rapport de force. Car la politique est aussi une question de rapport de force : allez-vous changer l’écosystème ? Devenir conseiller municipal, adjoint ou maire implique une interaction avec la société civile, l’environnement des communes, l’État, le Parlement et l’économie. Par exemple, pour l’accès aux soins, il faut se battre pour obtenir des résultats, non pas contre quelqu’un, mais pour une cause.

    Il était nécessaire de verbaliser cela différemment du discours classique. À un an des élections municipales, alors que l’on se demande s’il y aura assez de candidats, je dis oui, à condition de s’en donner les moyens. Ce livre s’adresse à tous les citoyens, pas seulement aux élus ruraux, pour les inciter à se questionner : « Pourquoi pas vous ? ». L’avantage de la commune est que l’on connaît ses élus, même dans une grande ville. Dans un village, on connaît personnellement l’élu, souvent un membre de la famille, ce qui permet d’interagir facilement.

    Je veux encourager chacun à pousser la porte de la mairie, à se demander s’il ne serait pas intéressé par un engagement local. Peut-être que ce n’est pas pour vous, mais ce n’est pas grave. Il y a eu un million de candidats aux élections municipales de 2020. Notre objectif collectif doit être de dépasser ce chiffre. Beaucoup d’élus disent avoir fait leur part et encouragent les suivants à prendre le relais. J’aimerais que l’on valorise les conseillers municipaux autant que nos équipes de rugby ou de football.

    Paroles d’élus : Vous ne parlez pas uniquement des maires. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que signifie l’engagement local pour vous ?

    Cédric Szabo : C’est en effet l’engagement d’élu local en général qui m’intéresse. On compare souvent le maire à un capitaine. Mais pour être un capitaine, il faut qu’il y ait un bateau et aussi un équipage. L’équipage, ce sont les conseillers municipaux. Au total, ce sont près de 500 000 personnes qui donnent leur temps. Sur ce chiffre, 350 ou peut-être 400 000 sont bénévoles. Les autres sont un peu indemnisés. Les maires le sont un peu plus, mais on sait que ce n’est pas cela la motivation. La motivation, c’est faire ensemble au service de l’intérêt général.

    Je dis cela aussi en référence au modèle associatif, souvent valorisé à juste titre en France. L’engagement local offre une légitimité supplémentaire : celle du peuple local, des habitants et des électeurs de la commune, qui vous accordent leur confiance. La République vous reconnaît également, vous donnant la légitimité d’agir en son nom. Vous gérez l’état civil, célébrez des mariages, des moments d’émotion formidables où les familles sont heureuses. C’est une source de plaisir et de bonheur.

    Avec ce livre, j’invite ceux qui le liront à rejoindre cette équipe, à monter à bord, pour pouvoir dire : « Pendant 6 ans, j’ai donné un peu de ma vie à ce collectif. » Ce n’est pas définitif ; le modèle classique de carrière politique sur 50 ans reste une exception. Pour que cela le reste, il faut que de plus en plus de personnes se disent : « Je peux donner un peu de mon temps. »

    Je m’adresse aux actifs, aux jeunes, aux femmes, en leur disant : « Déplafonnez, osez, ce n’est pas si inaccessible. » Ce sont des moments d’échange et de réunion où vous allez mobiliser et contribuer.

    Paroles d’élus : Vous mentionnez aussi dans le livre comment la proximité et l’interaction avec les citoyens ont été primordiales au moment des Gilets jaunes. Quels souvenirs gardez-vous de ces événements ?

    Cédric Szabo : Cette proximité a été en effet essentielle. Les élus locaux sont souvent les premiers interlocuteurs des citoyens. Ils écoutent, interagissent et facilitent l’accès aux services. Pendant le mouvement des Gilets jaunes, les maires ont joué un rôle crucial, notamment à travers les cahiers de doléances. Cela montre que l’élu local est un médiateur, capable d’absorber les chocs d’une société et de rendre les choses possibles.

    L’opération « Mairie ouverte » lancée par l’AMRF a été une expérience marquante. Elle a permis de donner la parole à chaque citoyen, démontrant l’importance de la proximité et de l’écoute. Les élus locaux, en connaissant bien leur écosystème, peuvent détendre les situations en offrant un espace d’expression, surtout lorsque le pouvoir central n’écoute pas.

    Paroles d’élus : Votre livre met aussi en avant la créativité et les nombreuses initiatives qui foisonnent partout en France…

    Cédric Szabo : Oui, car malgré les défis, comme la baisse des moyens alloués aux collectivités, les élus locaux continuent d’avoir des projets. Je pense par exemple au programme « Villages d’avenir » de l’ANCT, dont l’idée a été défendue par le président de l’AMRF, Michel Fournier. Ce dispositif offre une opportunité de mettre en lumière les initiatives locales.

    La clause générale de compétence est aussi une chance. Elle donne aux élus locaux la capacité et le droit d’agir. Cependant, la réalisation de ces projets dépend des moyens disponibles et du soutien de divers acteurs, y compris l’État, les collectivités, les associations et les citoyens. En fin de compte, les élus locaux ont le privilège de produire du commun et de l’action publique, tout en étant reconnus par leur population pour leur engagement.

    Paroles d’élus : Êtes-vous élu local et allez-vous vous présenter lors des prochaines élections ?

    Cédric Szabo : C’est normal qu’on me pose la question. Je ne suis pas maire et j’ai trop d’affection pour ces gens-là pour me dire qu’un jour je le serai peut-être aussi. Enfant, j’ai vu l’engagement de mes parents. Mon père était adjoint aux finances dans un petit village de l’Ardèche, et j’ai en mémoire les soirées où il préparait le budget du village sur la table familiale, avec les classeurs, etc. Il y avait non seulement des débats, mais de l’implication. J’allais au conseil municipal, j’allais au dépouillement.

    On peut dire que quelque part, oui, je suis un enfant de la République. Dans l’association des maires de France, je vois que souvent, j’ai presque un rôle un peu de coach, non pas en termes de stratégie mais plutôt en termes d’accompagnement et aussi parfois pour les réconforter. Être maire est un engagement passionnant mais il y a des dimensions fatigantes, usantes. C’est d’ailleurs le sens du travail du chercheur Olivier Torres avec l’AMRF. Nous avons publié l’an dernier une étude sur la santé mentale des maires avec deux outils, l’un qui mesure les éléments de bien-être et de satisfaction dans l’engagement de maire et l’autre l’intensité moyenne de stress ressenti. Être élu, c’est une autre manière d’être citoyen, avec cette envie de servir les autres.

    Paroles d’élus : Dans votre livre, vous évoquez aussi la prise en compte décevante des communes rurales par l’État depuis plusieurs décennies. Quels sont les éléments positifs et négatifs les plus emblématiques sur ce point ?

    Cédric Szabo : Pour écarter le négatif tout de suite, si je résume, c’est la loi NOTRe. Sa philosophie centralisatrice qui consiste à décider pour les acteurs eux-mêmes freine l’action publique. Il faut inverser cette logique. C’est-à-dire comprendre les besoins réels des élus locaux plutôt que de leur imposer des décisions. Chaque commune a un potentiel à libérer, pour utiliser une expression souvent chère aux entrepreneurs.

    Côté positif, si la technostructure reste dominante, on commence à percevoir des signes d’évolution. L’État commence à comprendre la nécessité d’une politique de la ruralité… 30 ans après avoir mis en place une politique de la ville. Le chemin est encore long. Il faut des spécialistes des ruralités dans les ministères et les administrations centrales pour insuffler des dynamiques. Je suis persuadé que les enjeux de transition se concrétiseront à l’échelle locale. Par la force des choses, les changements climatiques et les politiques d’acclimatation, par exemple, se feront au niveau communal, surtout dans les communes rurales.

    La prise de conscience est lente mais réelle. Il faut insister pour amplifier cette politique, malgré la schizophrénie du pays entre jacobinisme et décentralisation. Le ministère de la ruralité doit être renforcé pour mieux dialoguer avec les élus locaux.

    Pour en savoir plus sur cet ouvrage, c’est par ici.