La Bérarde : « Un an et demi après, nous restons dans l’incertitude totale. »

Un an et demi après la catastrophe naturelle qui a frappé la Bérarde dans la nuit du 20 au 21 juin 2024, l’avenir de ce hameau de Saint-Christophe-en-Oisans reste en suspens. Jean-Louis Arthaud, Maire de la commune, revient pour Paroles d’Élus sur la gestion de crise, les travaux de reconstruction et le rôle crucial du numérique dans la sécurité de ces vallées alpines.
Paroles d’élus : La nuit du 20 au 21 juin 2024 a été traumatisante. Pouvez-vous nous raconter comment s’est déroulée l’évacuation ?
Jean-Louis Arthaud : Cet événement a été très compliqué à gérer. Nous avons évacué 97 personnes par hélicoptère le 21 juin. Et auparavant, jeudi matin, j’avais fait partir environ 80 personnes qui étaient déjà sur le secteur. Donc ceux-là n’ont pas connu la catastrophe parce que le jeudi matin à 10 heures, le camping et la grotte étaient déjà évacués. Les seuls qui restaient, c’étaient les habitants de la Bérarde plus les gens en stage dans les différents établissements d’alpinisme. En gros, au début de l’événement, on avait 200 personnes.
Paroles d’élus : Vous attendiez-vous à ce type d’événement sur le torrent des Étançons ?
Jean-Louis Arthaud : Le torrent des Étançons est réputé pour être impétueux. Il avait été endigué à une époque. Dès 2020, j’avais clamé haut et fort de continuer ces travaux d’entretien et de restructurer les digues parce qu’elles avaient souffert. Je n’ai pas été entendu. La catastrophe ne serait sans doute pas arrivée si les travaux avaient été faits.
Paroles d’élus : Un an et demi après, où en sont les travaux de reconstruction ?
Jean-Louis Arthaud : Des travaux routiers sont en cours au départ de la commune, notamment avant Saint-Christophe. Au-delà, aucun chantier significatif n’a été lancé. Nous faisons tout pour protéger ce qui n’a pas été impacté à la Bérarde, mais cette décision ne nous appartient pas. Les services de l’État pilotent le dossier. Un an et demi après, nous restons dans l’incertitude totale. Deux scénarios s’opposent : réhabiliter l’existant ou tout démanteler. Aucune décision n’a été prise. Les bâtiments touristiques sont pourtant intacts structurellement et pourraient refonctionner. Mais il faudrait d’abord restaurer les réseaux : eau, assainissement, électricité. Sans ces infrastructures de base, aucun projet n’est envisageable.
Paroles d’élus : Quel a été l’impact sur les réseaux de communication et comment Orange s’est-il mobilisé ?
Jean-Louis Arthaud : Tout a été arraché, aussi bien les réseaux électriques que téléphoniques. Tous les relais ont été emportés. On s’est retrouvés sans aucune communication. Depuis, la coordination avec Orange a été parfaite. Nous avons eu de très bons interlocuteurs. Nous avons obtenu la remise en route du réseau jusqu’au hameau des Étages, habité 8 mois par an. Cela nous permet d’avoir une couverture à minima sur la Haute-Vallée. Des choses restent encore à faire, dès que l’accès par la route sera possible car ce réseau ne dessert pas au-delà. À partir d’un certain niveau, il n’y a en effet plus de réseau. Orange a fait un énorme travail pour remettre en état une partie du réseau jusqu’aux Étages.
Paroles d’élus : La solidarité a-t-elle joué un rôle important dans la gestion post-catastrophe ?
Jean-Louis Arthaud : L’entraide s’est faite automatiquement. Quand il a fallu évacuer, nous avons regroupé tout le monde à des points sécurisés. L’entraide a joué pour amener de la nourriture et des vêtements. Après, ils ont été évacués aux Deux Alpes. La commune des Deux Alpes a mis en place un bâtiment pour l’accueil. L’appel aux dons a été entendu. Des particuliers ont amené du ravitaillement et des vêtements. Surtout, les gens évacués avaient tout laissé sur place : plus de papiers, plus rien. Là, il a fallu mettre en place avec les services de l’État un service social et d’aide psychologique pour refaire tous ces papiers rapidement. Heureusement qu’on a eu ça. Et il y a eu un suivi psychologique pendant plusieurs semaines après la catastrophe.
Paroles d’élus : Quels sont les outils numériques mis en place pour prévenir de futures catastrophes ?
Jean-Louis Arthaud : Nous avions déjà un radar qui mesurait les variations de niveau dans les torrents. Ce radar a été emporté dans la nuit du 21 juin. Il a été réinstallé et est fonctionnel aujourd’hui. Il nous donne des mesures très précises. Le deuxième point de surveillance a été aussi emporté aux Étages. C’est EDF et RTM qui ont remis en place ce système. Les deux fonctionnent.
Pour la suite, sur l’équipement des Hautes-Vallées, il est prévu de mettre des systèmes d’alerte. Lesquels ? Je ne sais pas encore. Mais il est prévu d’équiper certains endroits sensibles pour prévenir soit une déstabilisation de terrain, soit autre chose. C’est dans le programme de réaménagement de certains vallons.
Reste à date un point essentiel : la desserte routière. Actuellement le département travaille sur une partie de la route, mais il faut impérativement aller jusqu’au bout. Tant qu’on n’aura pas de desserte routière sécurisée, se projeter dans l’avenir va être compliqué. Tout dépend de ça. J’espère que ça va continuer derrière, aussi bien les travaux de protection que d’aménagement pour redonner vie à la vallée.


