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    L'actu des associations

    « Sur la dette, nous ne sommes que 3,54 % du problème » rappelle Jean-François Debat

     

    Initialement prévu au début de l’été, la dissolution de l’Assemblée nationale en a décidé autrement. L’association Villes de France a été contrainte en effet de reporter son congrès annuel à l’automne. Entre-temps, son président et maire de Châteauroux, Gil Avérous, est devenu ministre. La rentrée a aussi été marquée par une énième polémique sur la gestion financière des collectivités a mobilisé à l’unissions l’ensemble des associations d’élus. Retour avec Jean-François Debat, Maire de Bourg-en-Bresse et vice-président de Villes de France, sur ces accusations.

    Paroles d’élus : Comment avez-vous vécu les dernières accusations sur le rôle des collectivités dans le poids de la dette française ?

    Jean-François Debat : Ces attaques, qui ont été des tacles par derrière, les deux pieds décollés, du précédent gouvernement finissant, sont vraiment inadaptées, inacceptables, injustifiées et assez indignes, en fait, du niveau des enjeux. Je rappelle juste deux chiffres : en 2023, la dette publique s’élève à 155 milliards d’euros. Sur ces 155 milliards, les collectivités territoriales, l’ensemble des collectivités territoriales, représentent 5,5 milliards. Nous ne sommes que 3,54 % du problème avec une dette totalement liée au financement des investissements. Nous avons vu, finalement, une manière de se défausser sur les collectivités locales d’un problème réel, mais qui relève des choix de l’État, y compris du gouvernement.

    Paroles d’élus : Quel est l’état d’esprit des élus pendant votre congrès ? 

    Jean-François Debat : Il y a à la fois un agacement, cette colère par rapport à ces propos, mais aussi une inquiétude par rapport aux décisions en train d’être annoncées progressivement par le Premier ministre. Nous le disons ici au gouvernement, à la ministre Catherine Vautrin, qui est présente : il faut savoir ce que finalement la nation, le gouvernement, le Parlement veulent demander aux villes et aux agglomérations moyennes. Nous sommes l’épicentre de la fracture du pays.

    C’est dans nos territoires que se trouve le lien entre l’urbain et le rural, entre les personnes qui vivent en périurbain ou en ruralité, prennent leur voiture pour aller travailler, et qui voient bien que ce sont elles qui considèrent qu’elles n’en ont plus pour leur argent en matière de service public, d’éducation, de sécurité, ou de santé. Nous sommes les derniers pourvoyeurs de service public. Si on affaiblit les villes moyennes, si on affaiblit les communautés d’agglomération. On risque d’affaiblir encore le service public et d’aggraver les fractures perceptibles dans la société française.

    Paroles d’élus : La diminution des moyens du fonds Vert sonnent-ils la fin de la transition écologique ?

    Jean-François Debat : Le risque est important.L’État nous a demandé pendant des années d’œuvrer pour la transition écologique. Veut-il demain, en sabrant nos recettes et en réduisant notre capacité d’investissement, que nous investissions moins dans cette transition, notamment ? Finalement, notre inquiétude porte sur la question de savoir ce que l’État veut demander aux villes moyennes. Mais on ne pourra pas nous demander de continuer à tout faire, souvent à la place de l’État. Tout en nous reprochant en même temps de dépenser trop. Cette schizophrénie est insoutenable, et nous n’avons pas l’intention de devenir fous.

    Paroles d’élus : N’y a-t-il pas aussi un déficit de connaissance général sur le fonctionnement budgétaire de nos collectivités ?

    Jean-François Debat : Ce qui est certain en tout cas, c’est que la complexité de notre organisation administrative fait que les gens ont entendu une seule chose : « Vous dépensez trop, donc il va falloir que chacun fasse des efforts. » C’était une stratégie préparatoire pour faciliter les décisions en train d’arriver. Nous disons que même si ce n’est pas ce gouvernement qui a tenu ces propos, il doit rapidement s’en démarquer. S’il s’en démarque, il doit en tirer les conséquences sur les mesures envisagées. Nous ne pouvons pas, étant 3,54 % du problème, être à l’origine du tiers de la solution. Cela aurait des conséquences significatives. Potentiellement plus défavorables que les quelques centaines de millions ou même les quelques milliards que l’on pourrait économiser ainsi.

    Paroles d’élus : 2024 a-t-elle été une année marquée par des investissements importants des collectivités ?

    Jean-François Debat : Aujourd’hui, les collectivités locales représentent 70 % de l’investissement public, et dans ces 70 %, une grande majorité provient du bloc local, c’est-à-dire des villes, des agglomérations, des métropoles. Si demain, nous n’avons plus les moyens d’investir, comme nous devons voter des budgets en équilibre et que nous ne pouvons pas nous endetter au-delà de nos capacités de remboursement, nous serons forcés d’étaler nos investissements. Est-ce cela que l’on souhaite ? Alors que l’immobilier est déjà en difficulté, faut-il encore ajouter une crise économique à la situation actuelle du pays pour économiser quelques milliards ? Megotter sur quelques centaines de millions pour la transition énergétique est une politique de court terme qui aura des conséquences graves, y compris financières pour l’État.

    Paroles d’élus : Côté numérique, les collectivités sont partie prenante des investissements dans le réseau fibre. Constatez-vous encore des appréhensions sur la fin du réseau cuivre du côté des élus ?

    Jean-François Debat : C’est un double défi industriel. Il faut tout d’abord aller au bout du déploiement de la Fibre. Les différents sujets mis en avant l’an dernier ont été ou sont en train d’être résolus. Le partenariat fort entre les différents acteurs embarqués dans ce plan y est pour beaucoup. Cela permet d’avoir un cadre pour pouvoir les évoquer. Le fait de pouvoir avoir cet espace de dialogue a permis de régler un certain nombre de sujets. Les retours de collègues sont positifs . Et les engagements qui avaient été pris ont été tenus.

    Concernant la fin du réseau cuivre. Là encore, les différents échanges ont permis aux plus réticents de comprendre pourquoi il n’était pas économiquement viable de garder deux réseaux en parallèle. Aujourd’hui, nous n’avons pas de remontées particulières sur ce point. Tout le monde est au courant des sujets d’expérimentation et du calendrier. On a cadré des choses donc je pense que ça devrait se passer en douceur.

    Pour découvrir les vidéos réalisées lors de ce congrès 2024 à Sélestat, c’est par ici.