Grand Besançon : Retour sur les journées Granvelle
Cette année encore, le Grand Besançon a accueilli scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, élus et citoyens dans le cadre de ses Journées Granvelle. Durant 2 jours, conférences et débats ont permis d’analyser, voir même de « disséquer » l’intelligence Artificielle sous toutes ses facettes ou presque. Retour sur les moments forts de ce forum économique.
Imaginées en 2017 par le Grand Besançon et la CCI du Doubs pour promouvoir à l’échelle nationale et internationale les atouts industriels et technologiques du territoire, les journées Granvelle ont cette année encore fait le plein. Du côté du programme tout d’abord, les participants venus nombreux, ont pu profiter d’invités triés sur le volet, venant d’horizon divers. Qu’elles aient été économiques, scientifiques, sociologiques, philosophiques, politiques ou encore artistiques, les différentes tables rondes et conférences organisées ont permis ensuite, de dépasser la fascination première générée par l’intelligence artificielle pour la replacer dans une perspective d’utilité publique : l’IA est-elle au service des citoyens et des entreprises ?
Si les élus du Grand Besançon s’intéressent autant au numérique c’est, comme l’a rappelé Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon et président de la Communauté d’agglomération du Grand Besançon parce que « l’IA et plus largement le Smart City occupe une place centrale dans la réflexion stratégique des territoires. C’est un élément de réponse aux principaux défis de la ville du futur ». Mais, encore faut-il que soit mis en place « des opportunités d’analyse et de compréhension des usages offertes par le numérique pour orienter de manière pragmatique et utile l’action publique dans ses différents champs d’application ».
Rappelons au passage que Jean-Louis Fousseret, quand il parle de « défis de la ville du futur » sait de quoi il parle. Besançon est en effet l’une des premières villes à avoir mis en place, grâce à des capteurs situés sous chaque conteneur, un système de redevance incitative. En 2013, Paroles d’élus était allé filmer ce dispositif innovant qui grâce à la collecte des données permet de diminuer celle des déchets… La quantité de déchets justement a chuté de 10% dès la première année de mise en place de la redevance incitative en 2012. Elle est ainsi passée de 167 kilos par habitant en 2013 et 161 kilos en 2014. En cinq ans, ce dispositif a permis de diminuer de 30 % le volume de déchets ménagers incinérés.
Parmi les temps forts de ces deux jours, retour tout d’abord sur l’intervention de Luc Ferry. Le philosophe et ancien ministre de l’éducation a abordé les enjeux du transhumanisme, conséquence inévitable de notre dépendance à l’intelligence artificielle. Pour lui, si l’IA est une révolution industrielle au même titre que les précédentes, elle va davantage changer nos vies dans les trente prochaines années qui viennent que ce qui a pu se passer en près de 3000 ans. Le premier enjeu est celui du dérèglement causé par des plateformes dites d’économie collaborative, à l’instar d’Airbnb. L’IA permet à n’importe qui de concurrencer des professionnels : ici de l’hébergement, là du transport avec blablacar et bientôt d’autres services. Conséquence directe et second enjeu, certains métiers, même ceux qui nous paraissent aujourd’hui encore « intouchables » sont voués à disparaître. Il sera en effet bientôt difficile de voir la plus-value de l’homme sur la machine dans des métiers comme radiologue, chirurgien ou même commissaire aux comptes… Et Luc Ferry d’ajouter que les métiers qui ne disparaitront pas, seront ceux où l’homme a besoin de la tête, du cœur et des mains : « le spécialiste en médecine va disparaitre avant le médecin généraliste, le généraliste disparaitra avant l’infirmière ». L’avenir semble également morose pour les assureurs. Leur légitimité sera très vite remise en cause alors que deux accidents seulement ont été comptabilisés sur les près de 7,5 millions de km parcourus par les premiers véhicules autonomes…
Le troisième enjeu de l’IA touche directement, selon Luc Ferry les problématiques liées au transhumanisme. Ici, découle de facto une cascade d’interrogations éthiques dès lors que l’on quitte le schéma reliant « médecine thérapeutique à une médecine de l’augmentation », pour naviguer sur le projet d’augmenter l’être humain « comme on augmente un grain de maïs avec l’OGM ». Et comme toujours, les bonnes intentions seront mises en avant. Comment en effet, ne pas chercher de réponses pour les 140 000 personnes qui décèdent d’un cancer chaque année en France ?
Parmi les autres moments forts de ce forum, Etienne Klein s’est interrogé sur la capacité de l’Intelligence artificielle à avoir une attitude réflexible, clé du progrès en science. Retraçant l’histoire scientifique, il a ainsi montré les limites des logiciels d’IA. Ces derniers fonctionnent en effet à partir de la régularité des comportements. De l’accumulation des données produites, on peut en déduire des lois naturelles et des prédictions. Autrement dit, elles ne sont valables que si notre futur ressemble au passé. En science au contraire, de Galilée à Einstein en passant par Newton, la révolution est pour ainsi dire monnaie courante… Si le physicien dit n’être ni positif, ni négatif sur le développement de l’IA, il révèle en revanche s’interroger sur notre attitude vis-à-vis de la connaissance : « elle nous devient de plus en plus périphérique ». L’exemple des étudiants est en ce sens révélateur. Aujourd’hui, l’intelligence ne visent plus tellement à accumuler des connaissances mais à savoir circuler parmi les connaissances regroupées ici et là.
Transmettre des connaissances, c’est justement le défi relevé par les journées Granvelle du Grand Besançon. Vous avez raté ce rendez-vous ? Pas de problème, il sera possible très prochainement de retrouver les temps forts en ligne. Et sinon, rendez-vous l’année prochaine…