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    Réseaux

    FTTH : En Région Grand Est, un accord sur les « zones dentelles » pour « n’oublier personnes »

    Rencontré lors du 107ème Congrès des Maires à la Porte de Versailles, Franck Leroy, Président du Conseil Régional du Grand Est, revient sur l’accord inédit de « zones dentelles » qui permet d’optimiser le déploiement du très haut débit. Avec un taux de couverture de 99,6%, la région affiche des résultats remarquables qui transforment le quotidien des habitants et des professionnels.

     

    Paroles d’élus : Les « zones dentelles », qu’est-ce que c’est exactement ?

    Franck Leroy : La zone dentelle, c’est la zone frontière entre les réseaux des zones AMII déployés par Orange et la zone déployée en secteur rural par Losange Fibre, lauréate de la DSP de la région. Quand deux réseaux cohabitent, il y a toujours dans les interstices des problèmes de raccordement. Il faut parfois aller chercher une maison d’un côté de la rue pour la raccorder de l’autre côté. Les opérateurs peuvent être différents d’une rue à l’autre.

    Les frontières des territoires ont été définies par les frontières des communes. Nous avons certaines communes où un bout de rue est dans une commune et l’autre dans une commune différente. Et dans le cas de deux opérateurs différents : comment faire pour n’oublier personne ? Comment éviter qu’une personne au 36 et une autre au 38 soient dans deux territoires de déploiement différents ? C’est à ces questions que cet accord doit permettre de répondre.

    Paroles d’élus : Comment fonctionne concrètement cet accord entre opérateurs ?

    Franck Leroy : L’idée de cet accord sur les zones dentelles, c’est d’aller traiter autour de toutes les zones AMII traitées par Orange, tous les cas particuliers afin de n’oublier personne. Nous ne pouvons pas accepter l’idée que certaines personnes se retrouvent bloquées entre deux opérateurs. Les opérateurs analyseront ensemble les dossiers plus complexes de manière à n’oublier personne.

    À partir du moment où les deux opérateurs se parlent, se connaissent, se côtoient et où leurs équipes techniques se parlent, on trouve toujours une solution. Pour vous donner un exemple, nous avons eu des situations danslesquelles des maires nous ont appelé en disant : « Nous avons un problème de fibre apparemment écrasée sous une voie publique, qui est responsable ? Est-ce Losange ? Est-ce Orange ? ». La réponse ne va pas forcément de soi. Grâce à cet accord, là où couramment chacun renvoie la balle à l’autre, pour le coup, les deux parties s’entendent et traitent au cas par cas les solutions. Encore une fois, l’objectif pour nous, c’est de n’oublier personne.

    Paroles d’élus : À l’échelle régionale, vous affichez 99,6% de couverture. Qu’en est-il des 0,4% restants ?

    Franck Leroy : Nous avons aujourd’hui un réseau en région Grand Est qui est sans doute le mieux déployé en France avec en effet 99,6% de locaux raccordables. Les 0,4% qui manquent représentent 5 800 prises qui sont en fait des lieux isolés. Une ferme dans les Vosges, loin du village, par exemple. Économiquement parlant, on ne peut pas faire 4 km de fibre pour desservir une maison. Cela ferait des prises à 80 000 ou 100 000 euros. Dans ce cas-là, nous avons pour ces prises isolées une solution satellitaire qui coûte beaucoup moins cher. Cette solution est accompagnée par la région et permet de desservir tout le monde.

    Paroles d’élus : Ce déploiement n’est pas qu’un sujet de confort, n’est-ce pas ?

    Franck Leroy : Bien sûr, c’est aujourd’hui absolument fondamental. Mettez-vous à la place d’un enseignant, d’un professionnel, d’une personne qui a besoin de télétravailler certains jours. Autrefois, on ne pouvait imaginer télétravailler qu’à partir des cœurs de ville ou des villes. Aujourd’hui, chez nous, on a la fibre partout avec un niveau de débit qui permet de faire du télétravail au milieu de la campagne.

    J’ai l’exemple très précis de consultants qui vivaient à Strasbourg et qui sont partis vivre à Neufchâteau dans les Vosges. Ils jouissent aujourd’hui d’une qualité de vie, d’une maison beaucoup plus grande que le modeste appartement qu’ils avaient à Strasbourg. Ils font une bonne partie de leur travail en télétravail et voient la vie différemment. Les gens qui habitent dans notre région, à l’ouest de la région, et qui travaillent tous les jours à Paris ont aujourd’hui des autorisations pour télétravailler deux jours par semaine. Ça change la vie : deux jours de week-end plus deux jours de télétravail, ça fait quatre jours chez vous et deux jours de moins dans les transports.

    Paroles d’élus : Comment la région accompagne-t-elle les publics les plus fragiles face au numérique ?

    Franck Leroy : Le premier risque, c’était la fracture numérique. En 2016, on avait des territoires qui allaient avoir la fibre et d’autres qui ne l’auraient jamais eue. La volonté, dès que la région a été créée, était de se dire qu’on ne peut pas avoir deux catégories d’individus face au développement du numérique. Il faut que tout le monde ait la fibre.

    Ensuite, il y a des gens qui ont plus d’appétence que d’autres. On sait qu’il y a des personnes âgées pour qui l’univers de l’informatique, des réseaux sociaux, d’Internet fait peur. Il y a donc tout un travail d’apprentissage, de découverte, de sensibilisation, de formation qu’on met en place. Des tiers-lieux forment des personnes âgées, font des ateliers, se déplacent d’un village à l’autre pour démystifier Internet.

    Quand on a besoin d’être en contact avec ses petits-enfants qui habitent à l’autre bout du pays ou du monde, c’est quand même bien pratique de pouvoir leur parler par Internet.

    Il y a aussi la formation à distance et la santé à distance. Nous avons des départements comme la Meuse qui ont développé un programme qui s’appelle I-Meuse. Là où dans certaines spécialités il faudrait attendre six mois ou huit mois pour avoir une consultation, en allant au tiers-lieu du village, vous allez avoir une consultation avec un professeur qui est à l’autre bout de la France. Il va pouvoir diagnostiquer votre situation beaucoup plus vite. C’est un gros progrès.

    Derrière la fibre qui est un outil technique, il y a une multitude d’usages. On n’est qu’au début du développement des usages sociaux du numérique.