Comment Nancy trace la voie d’une mobilité apaisée

À Nancy, la stratégie de mobilité métropolitaine conjugue transports publics renforcés, parkings intelligents et applications numériques. Laurent Watrin, Adjoint au Maire de Nancy délégué à la démocratie coopérative, à l’innovation des politiques publiques et à la ville numérique et Conseiller délégué de la Métropole du Grand Nancy, revient pour Paroles d’élus sur cette transformation qui vise à réduire la place de la voiture en ville tout en accompagnant les automobilistes vers de nouveaux usages.
Paroles d’élus : Quels étaient les principaux enjeux de mobilité au début de ce mandat ?
Laurent Watrin : Nous faisons en sorte d’offrir le report modal vers le transport en commun, le vélo ou la marche pour les habitants qui sont obligés de prendre leur voiture pour le travail, les études ou profiter des services et loisirs dans la métropole.Très factuellement, nous avions un enjeu prioritaire : rénover notre ligne 1, structurante, dont la technologie Bombardier était en bout de course. Nous sommes passés au trolleybus électrique avec un renouvellement de voirie associé. Depuis la rentrée, ça fonctionne.
L’objectif est simple : transformer et élargir le réseau avec de nouvelles lignes de bus, associées à une restructuration autour de cette ligne structurante. Les objectifs sont clairs en termes de décarbonation des transports, de santé publique et d’offre élargie. Nous n’oublions pas nos concitoyens qui sont obligés de prendre leur voiture pour venir profiter de services ou de loisirs dans la métropole.
L’idée, c’était donc d’élargir notre offre de transport public et de modes doux. Depuis 2020, nous libérons concrètement l’espace public pour donner plus de place aux piétons et à la végétalisation. Nous limitons l’emprise des voitures individuelles et incitons au covoiturage et à l’autopartage. Tout cela s’inscrit dans nos schémas directeurs : le plan local d’urbanisme, le plan climat, et même notre schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables.
Paroles d’élus : Qu’est-ce qui a motivé la mise en place de votre application de smart parking ?
Laurent Watrin : Notre application G-Ny Stationnement constitue un élément clé de notre politique de mobilité. Elle offre en effet une visibilité en temps réel sur une offre de stationnement que nous souhaitons pertinente. Elle aide les automobilistes à choisir les parkings relais – nous en avons 11 aujourd’hui sur la métropole du Grand Nancy – ou les parkings en ouvrage en cœur de ville, plutôt que le stationnement en surface.
Il y a une offre tarifaire sur ces ouvrages qui est globalement moins chère qu’en voirie. L’application rend visible cette réalité. Nous développons aussi en interne des outils pour piloter la donnée. Nous avons notamment des panneaux d’information lumineux avec le nombre de places disponibles. Des extractions de données toutes les 15 minutes nous donnent déjà une vision des choses. Nous voyons qu’une partie des automobilistes a compris l’intérêt d’aller stationner en parking relais ou en ouvrage, plutôt que de faire des tours dans les quartiers. L’objectif à l’avenir est d’avoir un tableau de bord de fréquentation des parkings. C’est en construction.
Paroles d’élus : Rétrospectivement, y-a-t-il eu des freins à lever?
Laurent Watrin : Souvent, s’il reste des freins à lever, c’est dû à un manque de pédagogie. Mon collègue vice-président à la métropole sur les transports, Patrick Hatzig, l’a très bien fait sur notre territoire. Je pense en effet que lorsque l’on prend le temps de faire de la pédagogie, il n’y a plus de frein. À Nancy, le plan des mobilités s’est accompagné par exemple d’un moment de participation citoyenne très important. Nous avons lancé une assemblée citoyenne tirée au sort qui s’est occupée de l’espace public. Après un conflit d’idées, les recommandations allaient toutes dans le même sens : plus de qualité de vie, limitation de la voiture, attention à l’accès au commerce.
Plus on sera dans la parole échangée, moins on aura de freins. Et d’ailleurs, le numérique nous y aide. On peut avoir un usage modéré de sa voiture, être dans la décarbonation des transports, et faire attention à la santé publique. Pour ça, il faut parler et partager cette parole tous ensemble.
Paroles d’élus : Quelle est votre vision des territoires intelligents ?
Laurent Watrin : Cette transformation pose beaucoup de questions. La principale étant sans doute celle du pilotage de la donnée. En effet, quand on a des données de mauvaise qualité, ça ne sert à rien d’avoir des capteurs partout. Très vite, se pose aussi des questions concernant la cybersécurité et la souveraineté.
C’est pourquoi, le travail d’une association comme les Interconnectés est important. J’invite également tous les collègues élus, quelles que soient leurs sensibilités politiques, à lire les travaux d’experts comme Asma Mhalla. Ce sont des sujets complexes. Il faut regarder dans la complexité quels sont les bons cas d’usage.
À Nancy, nous avons adopté récemment une charte pour une IA fiable, utile et transparente. Cette démarche n’empêche pas de soutenir l’innovation, bien au contraire. Nous avons des start-ups qui travaillent sur ces champs-là. Il faut les soutenir, mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix.
Paroles d’élus : Comment se passe votre collaboration avec Orange sur cette application G-Ny Stationnement ?
Laurent Watrin : Le mot qui résume aujourd’hui notre lien est celui de “confiance”. Dès qu’on est en confiance avec les techniciens, la collectivité, les élus, les responsables, on peut voir progresser le dialogue et construire des solutions partagées. Cette relation de confiance est essentielle pour faire avancer les projets.
Paroles d’élus : Quels premiers résultats observez-vous ?
Laurent Watrin : Sur les parkings en zone centre – Kennedy, Les Deux Rives, Manufacture, Place des Vosges – nous avons regardé les effets de la gratuité les samedis de 7h à 19h. Sur certains parkings, nous avons plus que doublé la moyenne de fréquentation. Place des Vosges et Kennedy ont quasiment doublé leur fréquentation. Je commence aussi à voir les habitudes changer. J’ai des témoignages en direct de personnes ayant revendu leur voiture. Ils se sont dit : finalement, j’habite en ville, j’ai une offre de transport qui s’améliore, je n’ai plus besoin de voiture. Quand j’ai besoin d’une voiture le week-end, je prends l’autopartage.
Paroles d’élus : Quelles sont les prochaines étapes pour l’application et plus largement pour la politique de mobilité ?
Laurent Watrin : Aujourd’hui, nous avons une visibilité sur le stationnement en voirie, mais nous devons affiner notre pilotage de la donnée pour avoir un tableau de bord exhaustif de fréquentation des parkings. C’est en construction, avec une partie de jeux de données apportées par des partenaires et une partie développée en interne. Cette visibilité des mobilités nous permettra de nous réinterroger. Si un parking relais n’est fréquenté par personne, nous imaginerons autre chose. Les cas d’usage des outils numériques doivent nous aider à arbitrer et à faire les bons choix pour l’intérêt général. Un élément important concerne les personnes à mobilité réduite. Nous avons 1 660 places PMR répertoriées sur l’agglomération de Nancy. C’est une offre importante. Selon les demandes des riverains, nous assurons une mise à jour dynamique via le site de la métropole.





