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    Les entretiens

    Christophe Bouillon : « Les maires sont confrontés à quatre grandes transitions »

    Président de l’APVF et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, Christophe Bouillon détaille les actions de l’ANCT pour réduire les fractures territoriales. Couverture numérique, inclusion, cybersécurité, logement et revitalisation des centres-villes : autant de défis à relever pour garantir l’attractivité de tous les territoires.

     

    Paroles d’élus : Quel est le rôle de l’ANCT dans la réduction des inégalités territoriales, notamment sur le volet numérique ?

    Christophe Bouillon : Le rôle de l’ANCT, c’est d’accompagner les territoires dans leur développement au quotidien. Les maires sont confrontés à quatre grands défis : la transition écologique, la transition numérique, la transition démographique et la transition démocratique. Ces transitions ont des passerelles entre elles, et le numérique irrigue l’ensemble.

    Concrètement, notre action s’articule autour de trois axes. D’abord, la couverture : nous pilotons le plan national de déploiement du très haut débit pour faire disparaître les fractures territoriales. C’est un enjeu colossal que nous menons aux côtés des collectivités et des opérateurs.

    Ensuite, l’inclusion numérique. On a un véritable enjeu d’« illectronisme ». Une partie de la population n’a pas accès ou ne maîtrise pas les usages. Ce n’est pas parce qu’on est jeune et à l’aise sur TikTok qu’on l’est forcément face à une interface administrative. Nous déployons donc des conseillers numériques dans les Maisons France Services pour accompagner les citoyens.

    Enfin, la cybersécurité. Nous nous sommes associés avec la gendarmerie nationale pour aider les collectivités. Les petites villes pensent souvent : « Personne ne viendra nous hacker. » C’est faux. Elles sont une cible des personnes mal intentionnées. Nous les accompagnons sur les noms de domaine, les serveurs, etc. Nous veillons aussi à la couverture mobile avec le New Deal mobile. Ce n’est pas seulement pour les habitants, mais aussi pour l’attractivité économique et touristique. Quand une entreprise s’implante, elle demande d’abord : quelle est la couverture, quel est le débit ?

    Paroles d’élus : L’ANCT accompagne des milliers de communes. Quels sont les trois défis prioritaires en cohésion territoriale pour 2026 ?

    Christophe Bouillon : Aujourd’hui, la mobilité est vraiment un enjeu essentiel. La question du logement, la question de la santé : on voit bien que les territoires ne sont pas à égalité aujourd’hui sur ces enjeux-là.  Le logement, ça va devenir critique. On a beaucoup de territoires aujourd’hui qui sont fragilisés pour cela. Les acteurs économiques ne s’installeront jamais quelque part s’il n’y a pas de logement pour leurs salariés. C’est un enjeu important et on ne peut pas se dire que ça va se régler tout seul.

    Vous savez, il y a Action Cœur de Ville par exemple. Il y a un partenaire qui est essentiel qui s’appelle Action Logement, avec lequel on travaille et qui a cette mission historique, bien évidemment, de construire du logement pour les salariés, le 1% logement. Mais en même temps, il y a dans la revitalisation des centres-villes, à travers Petites Villes de Demain ou même Villages d’Avenir, beaucoup de maires qui veulent transformer une vieille bâtisse en logement pour y accueillir des salariés ou faire revenir des jeunes. Donc il y a beaucoup d’imagination en la matière. Les élus ont le sens pratique.

    Paroles d’élus : Dans le cadre de Territoires d’innovation ou Petites Villes de Demain, quelles innovations locales mériteraient d’être dupliquées partout en France ?

    Christophe Bouillon : Sur la revitalisation, tout ce qui s’est fait autour de l’enjeu de la renaturation. En fait, aujourd’hui, les centres-bourgs et les centres-villes, il ne faut pas les voir simplement comme des lieux où il y a des commerces – c’est essentiel – mais ce sont des lieux où on vient vivre une expérience. Et donc la question de l’embellissement, du réaménagement, amener d’autres typologies de services : tout ça contribue à ça. C’est du « pique-pique » et c’est assez intéressant.

    On a aussi un autre exemple en tête dans des petites villes, notamment sur la question de la résorption des friches. Vous savez, les friches, ce n’est pas une question de grandes villes. Vous avez des villes moyennes ou des petites villes, parce qu’elles avaient de l’industrie historiquement, du textile par exemple. Elles ont des bâtiments en briques rouges – c’est assez caractéristique – dans lesquels il n’y a rien dedans aujourd’hui. Simplement, elles ne savaient pas comment s’y prendre pour pouvoir réinvestir ces endroits.

    Aujourd’hui, il y a plein d’exemples. On a pu y faire des tiers-lieux, il y a pu y avoir des services, renaturer aussi. Ça, c’est duplicable. C’est essentiel. C’est un moyen aussi très concret d’avoir du foncier et de renouveler ce foncier.

    Paroles d’élus : Vous travaillez régulièrement avec des partenaires comme Orange. Qu’attendez-vous concrètement d’un acteur comme celui-ci pour accélérer la mise en compétence des territoires ?

    Christophe Bouillon : Complètement. Aujourd’hui, on est dans le Salon des solutions finalement. Qu’est-ce que viennent chercher les maires quand ils circulent au Salon des collectivités locales ? Ils viennent chercher des solutions. Et ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est qu’on n’est plus sur une relation de prestation. On est sur une relation de confiance d’abord et on est sur une relation de compréhension. Pourquoi ? Parce que les transitions que j’ai évoquées tout à l’heure, elles concernent aujourd’hui les entreprises. Les entreprises ont aussi des enjeux d’attractivité pour attirer les meilleures compétences. Elles doivent s’inscrire aussi dans la transition écologique. Donc on parle d’égal à égal aujourd’hui.

    Et d’ailleurs, ce n’est pas un hasard : beaucoup de collectivités aujourd’hui évoquent la notion de marque territoriale. Et qui mieux que des acteurs industriels ou des opérateurs comme Orange peuvent nous accompagner, nous conseiller ? Et d’une autre façon, ces acteurs-là viennent aussi chercher du côté des collectivités peut-être des bonnes recettes. Bref, on est là pour se dire : non seulement on a les mêmes problèmes, on a sans doute les mêmes solutions. En tout cas, on doit creuser dans ce domaine-là. Et par ailleurs, on agit d’égal à égal. Et les bonnes recettes, elles sont bonnes pour tout le monde.

    Il faut sortir de l’effet silo, chacun dans son couloir. L’hybridation, c’est ça qui est important. Hybrider, ça veut dire quoi ? Ça veut dire faire ensemble. C’est l’effet de la machine à café. On se parle, on échange et on essaye de dupliquer ce qu’il y a de meilleur chez l’un comme chez l’autre.