Christine Bouquin : « Pour sensibiliser les jeunes à l’économie circulaire, il faut qu’ils soient à l’initiative »

Rencontrée lors du 107ème Congrès des Maires à la Porte de Versailles, Christine Bouquin, présidente du conseil départemental du Doubs, revient sur le challenge départemental de collecte de mobiles usagés lancé dans les collèges. Une initiative portée par les jeunes du Conseil départemental des jeunes, en partenariat avec Orange et la start-up Cactus, qui illustre parfaitement pour l’élue, « comment l’engagement citoyen des jeunes doit être accompagné par des actions concrètes ».
Paroles d’élus : Vous avez lancé une opération de collecte de mobiles usagés dans les collèges du Doubs. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Christine Bouquin : L’investissement des jeunes du Conseil départemental a été déterminant. Ils se sont posés des questions très concrètes : Que faisons-nous de nos portables usagés ? Pourquoi les ramener ? De fait, chacun en possède au moins deux ou trois à la maison. C’est une question essentielle dans le cadre de l’économie circulaire, un sujet que les jeunes élus ont donc souhaité développer. Au-delà des aspects techniques, il y a toute la dimension pédagogique et la mobilisation des familles. Ce challenge interdépartemental se déploie dans les collèges en partenariat avec la start-up Cactus et Orange, partenaire historique du département du Doubs. Cette alliance public-privé apporte une vraie valeur ajoutée au projet.
Nous avions déjà proposé ce challenge en 2023 mais sans obtenir les mêmes résultats. Avec le recul, je pense que nous n’avions pas eu à l’époque la même adéquation entre les collèges, les principaux de collèges et le département . Cette année, grâce à la mobilisation notamment du Conseil départemental des jeunes, ça a été complètement différent.
Paroles d’élus : Cette initiative a-t-elle permis aussi le dialogue entre les générations ?
Christine Bouquin :« Quand on veut impliquer les jeunes, il faut les laisser prendre l’initiative de ce qu’ils souhaitent faire. Les jeunes ont beaucoup de choses à dire. C’était vraiment très intéressant d’échanger sur la responsabilité et les circuits courts. Les jeunes nous interpellent, ils nous disent : « Vous avez fait des choses, vous laissez la planète dans un état terrible. » Je leur réponds : « Et vous, avec vos portables, vos objets connectés ? » Ils reconnaissent : « Ah oui, tu as raison. Qu’est-ce qu’on peut faire ? » Je leur propose alors : « Vous pouvez déjà collecter ce que vous avez à la maison, puis ensuite nous allons les réutiliser. »
Paroles d’élus : Ce projet repose sur un partenariat public-privé original. Qu’est-ce que cela apporte concrètement ?
Christine Bouquin : Le premier avantage, c’est que nous ne sommes pas contraints par le cadre rigide des collectivités traditionnelles. Issue du secteur industriel, j’apprécie particulièrement le travail en partenariat public-privé avec une approche méthodologique rigoureuse. Nous ne nous enfermons pas dans des cases : nous nous adaptons aux besoins et aux spécificités de nos territoires. C’est précisément là que réside l’intérêt du public-privé.
Le projet concerne 46 collèges, publics et privés. Nous nous appuyons sur les conseillers départementaux jeunes présents dans chaque établissement, ainsi que sur les délégués de classe, les délégués à l’environnement et les ambassadeurs de l’économie circulaire et du réemploi. Ces jeunes deviennent les porte-parole de leurs camarades.
Paroles d’élus : L’implication de Taldja Belhiacine, PDG de la startup CACTUS et lauréate du programme Femmes Entrepreneuses d’Orange, donne une dimension supplémentaire au projet ?
Christine Bouquin : Absolument. Cette jeune entrepreneuse primée, qui collabore avec Orange, met son expertise au service de notre territoire. Sa proximité géographique est un atout : originaire du Territoire de Belfort, un département limitrophe, elle connaît bien nos réalités locales.
Cactus propose une solution numérique innovante pour lutter contre les difficultés en orthographe. La plateforme, accessible par site web et application mobile, s’appuie sur la gamification pour rendre l’apprentissage plus engageant : les jeunes créent leur avatar, évoluent dans des univers thématiques qui les motivent – mangas, football, culture générale – et progressent à travers 42 leçons comprenant plus de 500 questions par module. L’objectif est de redonner confiance aux apprenants en transformant l’orthographe en une expérience ludique plutôt qu’anxiogène.
Ce qui nous rapproche de Taldja, c’est sa volonté de voir les jeunes réussir. Nous partageons la même vision que celle portée par le département : travailler pour notre jeunesse et transmettre. C’est précisément ce qui nous anime. Son outil allie parfaitement rigueur pédagogique et plaisir d’apprendre, ce qui correspond tout à fait à notre approche.
Paroles d’élus : Comment les conseillers départementaux jeunes s’approprient-ils ce défi ?
Christine Bouquin : Leur rôle, c’est d’abord de motiver leurs camarades. Je participe à leurs séances plénières, où je me place à côté de la présidente du Conseil Départemental des Jeunes – c’est elle qui dirige l’assemblée. Nous débattons ensemble sur les sujets de société.
Je leur ai lancé le défi alors qu’il n’y avait que 9 collèges participants ; nous en sommes à 15 aujourd’hui, quinze jours seulement après la dernière plénière. Je les challenge aussi, car ils aiment bien nous challenger, mais moi aussi j’aime les mettre au défi ! C’est extrêmement intéressant. Il y a l’aspect ludique, l’aspect compétitif : « Notre collège, on en est fiers, on veut collecter le plus de portables possibles ! »
Paroles d’élus : Cette démarche s’inscrit-elle dans une réflexion plus large sur l’usage du portable par les jeunes ?
Christine Bouquin : C’est surtout l’intérêt des jeunes pour cette question qui compte. Comment utilisent-ils réellement leur portable ? Pas vraiment comme on pourrait l’imaginer.
Cette réflexion prend tout son sens avec la volonté d’interdire le portable dans les collèges. Certes, il est interdit, mais entre la loi et son application, tout est relatif. Je pense qu’à un moment donné, les élèves doivent déposer leur portable à l’entrée du collège et le récupérer à la sortie. Le laisser au fond du sac peut fonctionner, mais l’idéal serait de ne pas l’avoir du tout sur soi. La tentation est trop forte. Nous-mêmes, adultes, nous y succombons, alors j’imagine ce que représente cette tentation pour les jeunes.
Le défi est d’autant plus intéressant que CACTUS les accompagne dans cette démarche. Quand nous avons présenté le projet au Conseil départemental des jeunes, beaucoup ont manifesté leur enthousiasme, certains se sont montrés plus réservés, mais tous veulent relever ce challenge.


