Appel à projets « Territoires intelligents et durables » : questions à Antoine Darodes
Focus aujourd’hui sur l’appel à projets « Territoires intelligents et durables ». Adressé directement aux collectivités, ce dispositif conduit par la Caisse des Dépôts, a été lancé au printemps 2021 pour soutenir des projets structurants, pérennes et réplicables prenant la forme « de démonstrateurs numériques pour les territoires et de démonstrateurs d’IA frugale ». Alors que la 2ème cession de sélection s’est clôturée le 7 novembre dernier, Paroles d’élus a pu poser quelques questions à celui qui est directement en charge de ce dispositif, Antoine Darodes.
Paroles d’élus : La 2ème cession de sélection de « Territoires intelligents et durables » vient tout juste de se terminer. Pouvez-vous nous rappeler le cadre de cet appel à projets mais aussi les enjeux derrière un tel dispositif ?
Antoine Darodes : Cet appel à projets « Territoires intelligents et durables » a été lancé il y a maintenant près de 2 ans. Il s’inscrit dans le Plan France 2030. Il a fait l’objet jusqu’à maintenant de deux vagues de candidatures ; une première au printemps 2021 et une deuxième qui s’est clôturée le 7 novembre dernier. Dans ce dispositif, la Caisse des Dépôts a un rôle de mise en œuvre et d’instruction des dossiers reçus. C’est-à-dire que les dossiers sont soumis à un comité d’experts dont le rôle est de faire un certain nombre de recommandations. Dans un second temps, ce sont les ministères et le gouvernement qui concrètement tranchent et décident de l’attribution de l’enveloppe de subvention.
PDE : Combien de collectivités seront accompagnées par ce dispositif ?
AD : Lors de la 1ère vague, nous avons reçu une quinzaine de dossiers. Le gouvernement en a retenu cinq. Sur la 2ème cession, c’est le double avec une trentaine de dossiers enregistrés. L’ensemble de l’enveloppe budgétaire est chiffré aujourd’hui à 30 millions d’euros. Le choix pris par le gouvernement est d’éviter l’effet saupoudrage et au contraire, d’opter pour une sélectivité assez forte permettant d’enclencher des niveaux de subventions substantiels, c’est-à-dire concrètement de plusieurs millions pour chaque projet retenu.
PDE : Outre le nombre croissant de territoires candidats, avez-vous noté des évolutions entre les dossiers sur ces deux cessions ?
AD : Outre cet aspect quantitatif, cette 2ème vague montre que ces sujets sont aujourd’hui totalement appréhendés par les collectivités. Les dossiers sont en effet plus qualitatifs et indique une maturité des territoires. Un autre aspect important est la mutualisation. En effet, sur cette trentaine de dossiers reçus en novembre, certains sont très gros et concernent plusieurs dizaines de collectivités au sein d’un même et seul dossier. Même si la sélection est forte, comme je viens de l’indiquer à l’instant, nous avons donc en réalité, un nombre important de collectivités embarquées dans ces projets.
Le niveau de maturité est assez exceptionnel et démontre que les marchés sont liés finalement à l’outillage aussi bien en termes de réseaux que de plateforme de cas d’usages. C’est pourquoi, je suis persuadé que nous sommes sur le point de voir éclore un peu partout des projets de territoires intelligents et durables.
PDE : Les collectivités qui candidatent se ressemblent-elles ?
AD : Bien au contraire, nous avons eu à la fois des Métropoles à l’instar de celle de Toulouse mais également des syndicats d’énergie qui regroupent plusieurs collectivités comme par exemple celui de l’Ain ou celui du Finistère. Parfois, ce sont des Départements ou des Régions comme la Région Grand Est, qui ont été retenus. Mise à part les Métropoles, on est plutôt dans une logique de regroupement des collectivités. Si elles peuvent être différentes par la taille, elles ont toutes pris conscience de l’importance de s’outiller afin d’être capable de répondre aux défis de transition écologique et environnementale mais également d’avoir une meilleure appropriation et exploitation des données de leur territoire.
PDE : Avez-vous des exemples justement de domaines dans lesquels les collectivités souhaitent mieux exploiter les données ?
AD : Là encore, c’est très divers. Nous avons des projets liés à la gestion de l’énergie, de l’eau et du chauffage mais aussi de la circulation et des déchets. A chaque fois, les collectivités cherchent à optimiser l’action publique en efficacité et en coût grâce à l’exploitation et la récupération de toutes ces données. Cette collecte passe par un certain nombre de capteurs et de réseaux IoT par exemple ou 5G dans certains cas.
Une fois collectées, il faut gérer toutes ces données au niveau d’un hyperviseur capable de les exploiter dans des cas d’usages permettant justement d’atteindre cette efficacité recherchée.
PDE : Pour départager les dossiers, avez-vous imposé certains critères de préservation de l’environnement ?
AD : Non, nous laissons ce rôle aux collectivités. Moins de tonnage de déchets, diminution du gaspillage d’eau, réduction des gaz à effets de serre, etc., c’est à elles d’identifier ces objectifs et de les prioriser. Il peut y avoir des choix différents selon les collectivités et nous ne voulons pas interférer. Ce qui nous intéresse et qui intéresse les ministères, c’est d’une part que ces projets permettent au maximum une mutualisation entre les collectivités ; dit autrement, que ce ne soit pas un projet dans son coin ; mais bien un projet qui puisse rayonner sur un nombre plus important de collectivités. Et d’autre part que ces projets servent de locomotives, c’est-à-dire qu’ils soient réplicables à une échelle locale ou même nationale. Ces « projets locomotives » doivent tirer derrière elles un certain nombre de projets similaires dans d’autres territoires.
PDE : Il y a eu par le passé beaucoup d’expérimentations dites « smart territoires » qui n’ont pour la quasi-totalité, pas débouchées sur une généralisation. Cet appel à projets ne risque-t-il pas finalement de multiplier encore une fois le nombre d’expérimentations ?
AD : Non et pour plusieurs raisons. D’abord grâce à cette maturité globale des collectivités que nous avons évoquée. Nous ne sommes plus sur une logique de « petits projets », qui avouons-le étaient davantage du ressort du marketing territorial qu’autre chose. Nous sommes sur des projets qui impliquent un nombre important de collectivités, ce sont des projets de territoire.