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    Réseaux

    Très Haut débit : les acteurs de l’aménagement du territoire

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    Très Haut Débit (THD) : les acteurs de l’aménagement du territoire, rôles et obligations

    L’Europe et l’État

    Faciliter les investissements nécessaires pour équiper le territoire en très haut débit tout en respectant les règles de la libre-concurrence : c’est le cadre posé par l’Union européenne. En raison du caractère stratégique du déploiement du THD, Bruxelles considère qu’il faut miser sur la complémentarité des investissements publics et privés. Selon les endroits, les possibilités laissées à la puissance publique d’intervenir diffèrent.

    Pour évaluer la légalité des aides publiques, la Commission européenne a défini trois types de zones d’intervention :

    Le cadre légal européen se matérialise, pour le texte le plus récent, dans une directive de 2014. Avec toujours le même mandat: favoriser l’extension du réseau en en optimisant le coût. Le texte a été transposé en droit français au moyen d’une ordonnance d’avril 2016.

     

    Le plan initié en France est inédit dans l’Union, par son ampleur et son ambition.

    Le chef d’orchestre de ce plan ? L’Agence pour le numérique. Elle porte, au premier chef, le soutien financier de l’Etat. Les 3,3 milliards mis sur la table sont accordés avec des niveaux d’aide différents selon les territoires, pour s’assurer que les réseaux se développent au même rythme dans les territoires urbains et ruraux.

    Elle constitue aussi un guichet unique d’information, notamment pour les collectivités et accompagne ces dernières dans leurs initiatives.

    Le plan délimite aussi les prérogatives et obligations de chacun, dans le respect du zonage établi par les autorités européennes :

    • sur un territoire représentant 57 % de la population, les opérateurs s’engagent à déployer des réseaux privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l’Etat et les collectivités concernées ;
    • sur le reste du territoire, les collectivités territoriales sont nécessairement conduites à créer des réseaux d’initiative publique ouverts à tous les opérateurs, ce qui implique des investissements de très grande ampleur avec le soutien technique et financier de l’Etat. L’action des collectivités territoriales concerne 45 % de la population. Ces réseaux publics sont financés par des subventions publiques, dont 3,3 milliards de l’Etat, et autant au moins de la part des pouvoirs locaux et des investissements privés, qui devraient représenter 13 à 14 milliards.

    Au total, ce sont plus de 20 milliards, en 10 ans, dont la charge est répartie entre ces trois acteurs, qui seront mobilisés. Les sommes en jeu ébranlent les sceptiques, notamment les élus ruraux, longtemps échaudés par les plans successifs qui ne noircissaient pas jusqu’ici totalement la carte de France. La marque d’une « volonté partagé par tous », souligne John Billard, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Qui apprécie : « On n’a jamais mis autant d’argent pour y arriver. »

    Les collectivités locales et les élus

    Interview de John Billard, Vice-Président de l’AMRF

    Au même titre que pour les autres infrastructures de réseaux, comme l’eau et l’assainissement, par exemple, les élus sont en première ligne sur le très haut débit. En jeu : le développement économique de leurs territoires. Pour les intercommunalités rurales, rappelle John Billard de l’Association des maires ruraux de France, le THD représente « vraiment la priorité sur le plan économique ».

    Relais des attentes de leurs concitoyens, les élus mettent aussi en œuvre les compétences qui reviennent aux collectivités en la matière.

    En 2004, alors que le législateur confiait des pans de plus en plus importants de la puissance publique aux collectivités locales, avec l’Acte II de la décentralisation, il se penchait par ailleurs sur la société numérique. Dans ce texte fondateur, la loi pour la confiance en l’économie numérique, les collectivités trouvaient une place de choix puisqu’il leur permettait d’établir et d’exploiter les réseaux de télécommunications. Un mouvement renforcé encore depuis, au fil des textes.

    Les collectivités peuvent se constituer en un « syndicat mixte ouvert » ou SMO, réunissant communes et communautés, ainsi que, souvent, le département. « C’est au niveau régional ou départemental que sont portés la plupart des projets »,  précise Antoine Darodes. Au-delà des investissements publics locaux, les syndicats mixtes pilotent aussi la relation avec les opérateurs et fournisseurs d’accès. Et s’investissent dans la commercialisation du très haut débit. « Quand le maire se mobilise, l’adhésion de la population est plus importante », constate le patron de l’Agence du numérique.

    L’application Signal Réseau pour signaler les dysfonctionnements et suivre les interventions

    Associer les collectivités à la connaissance de l’état du réseau de téléphonie fixe : c’est l’objectif de l’outil lancé à l’automne 2015 par Orange, sobrement dénommé « Signal Réseaux ». L’application propose une interface cartographique sécurisée, grâce à laquelle les élus et les agents des collectivités peuvent alerter l’opérateur sur la localisation des câbles et poteaux endommagés. Elle permet aussi de suivre la résolution de l’incident, notamment d’en connaître les délais. Sur les 500 millions investis par Orange jusqu’en 2018 sur le réseau en cuivre, 100 seront consacrés à la « maintenance préventive ».

    Les opérateurs et FAI privé et public

    Interview Cyril Luneau, Directeur des Relations avec les Collectivités Locales Groupe – Orange

     

    A l’un et l’autre bout de la chaîne, les opérateurs, privés ou publics dans le cas des RIP, déploient le réseau – on parle de déploiement horizontal, dans les rues des villes et des villages – et les fournisseurs d’accès internet nationaux ou locaux vendent à l’usager, entreprise ou particulier, une connexion au très haut débit. Acteurs incontournables, donc, dont certains développent les deux activités – les quatre principaux opérateurs téléphoniques (Orange, SFR-Numéricable, Bouygues Telecom et Free).

    Pour le consommateur, un principe de base est à retenir, celui de la neutralité technologique. Quel que soit le propriétaire de l’infrastructure amenant le très haut débit jusqu’au point de mutualisation, n’importe quel FAI doit pouvoir ouvrir pour lui une connexion à grande vitesse.

    Dans le cas des immeubles, pour assurer le déploiement vertical, le principe est le même. En plus, la réglementation permet à différents opérateurs de co-investir pour diviser les coûts.

    Aujourd’hui, Orange occupe la place de champion du FTTH, la fibre jusqu’au domicile de l’usager, avec un million d’accès à la fibre ouverts, loin devant son premier concurrent, SFR-Numéricable, qui fournirait de la fibre à 250 000 clients, selon une récente enquête de La Tribune [lien : http://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/internet-la-bataille-du-tres-haut-debit-pour-tous-582620.html]. En revanche, cet opérateur est le principal pourvoyeur de très haut débit via le câble et revendique ainsi 1,8 million de clients en THD.

    En juin 2016, l’entreprise lance son programme « Orange Territoires connectés », en promettant l’amélioration du réseau internet fixe pour un million de foyers ruraux en un an et pour 2,5 millions de foyers d’ici fin 2019 dans les zones rurales ainsi que la couverture en 4G de 5 millions d’habitants supplémentaires d’ici un an dans les zones rurales.

    DSP, PPP, MPT : des formules pour les RIP

    Pour équiper les territoires des zones blanches ou grises, les collectivités sont autorisées par la loi à former des « réseaux d’initiative publique » ou RIP. Elles ont la forme juridique d’un syndicat mixte et passent des marchés publics pour confier à un acteur privé l’aménagement des réseaux jusqu’à sa commercialisation. Les types de marchés publics sont classiques : délégation de service public sous la forme de concession, marché public de travaux suivi d’un contrat d’affermage ou encore un contrat de partenariat (PPP). Comme pour tout appel d’offres, l’intérêt de telle ou telle formule est dépendant des spécificités locales.

    Les propriétaires / Syndic de copropriétés / Bailleurs sociaux …

    La législation prévoit d’obliger les constructeurs à équiper en fibre les bâtiments neufs (professionnels et d’habitation). Cela concerne ceux pour lesquels une demande de permis de construire a été déposée à compter du 1er avril 2012.

    Une attention particulière est portée aux propriétés des bailleurs sociaux. Avec plus de 4,6 millions de logements en France, le parc social, levier sur lequel les pouvoirs publics ont une latitude, constitue un potentiel d’accélération de l’équipement des foyers considérable pour atteindre l’objectif fixé par le plan.

    En partenariat avec l’ARCEP et en concertation avec les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les opérateurs, la Mission France Très Haut Débit a élaboré une convention cadre de fibrage du parc d’immeubles de l’habitat social, qui représente plus de 4,6 millions de logements en France.

    Aucune obligation réglementaire n’est en revanche prévue pour les maisons individuelles. Or elles représentent la moitié des 33 millions de logements en France et 60 % des constructions neuves sur dix ans. Pour leurs propriétaires, le cas est le plus simple et aussi le plus compliqué… Chaque propriétaire peut faire seul le choix de son opérateur mais, seul, il doit aussi le convaincre de l’intérêt d’un investissement dont les retombées commerciales seront limitées.

    Dans un guide pratique, l’Arcep conseille aux propriétaires de maisons individuelles de prévoir un fourreau supplémentaire pour la fibre même si la zone n’est pas encore équipée. Ce qui évitera de nouveaux travaux quand elle le sera.

    Dans les immeubles, c’est aux propriétaires ou co-propriétaires comme aux bailleurs sociaux de faire le choix d’un « opérateur d’immeuble ». Ce dernier doit se plier au principe de la plus stricte neutralité technologique, en laissant la possibilité aux autres opérateurs de se raccorder au point de mutualisation, qui peut se trouver dans l’immeuble ou à sa proximité, dans la rue.

    Pour en savoir davantage sur les marches à suivre, voici des liens en fonction de votre situation: pour les immeubles neufs (habitation et mixtes), pour les locaux professionnels neufs  et pour les propriétaires de maisons individuelles.