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    Acte III montagne : « Notre parti politique, c’est la montagne »

    L’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) a dévoilé, mercredi 17 décembre, les points clés d’un texte de loi coconstruit avec le gouvernement visant à un « Acte III de la loi Montagne« . Rencontrés lors du 107ème Congrès des Maires à la Porte de Versailles, Jean-Pierre Vigier et Frédéric Espagnac détaillent les ambitions de cette nouvelle loi transpartisane :  adapter les territoires de montagne aux défis du changement climatique et du numérique. Avec 8 millions d’habitants répartis sur 7 massifs, la montagne française réclame un droit à la différenciation pour préserver son équilibre.

     

    Paroles d’élus : L’ANEM prépare un Acte III montagne. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

    Jean-Pierre Vigier : L’ANEM représente 8 millions d’habitants répartis sur 7 massifs. Nous travaillons sur le droit à la différenciation pour défendre ces territoires. Aujourd’hui, nous avons déjà deux lois montagne : celle de 1985 et celle de 2016. Nous préparons maintenant l’Acte III montagne, la troisième loi montagne. Pourquoi ? Pour adapter les premières au réchauffement climatique et au changement des habitudes des montagnards et des touristes. Le maître mot, c’est le droit à la différenciation.

    Frédéric Espagnac : L’ANEM est une association de parlementaires et d’élus locaux, toutes tendances confondues. C’est transpartisan. Aussi avons nous une présidence tournante. Aujourd’hui, Jean-Pierre est le président. Chaque parti est représenté. Mais nous n’avons qu’un seul parti : c’est la montagne avant tout.

    Paroles d’élus : Concrètement, quelles sont vos actions pour faire exister la montagne au niveau national ?

    Frédéric Espagnac : Nous sommes engagés sur plusieurs textes de loi. Nous avons par exemple obtenu des évolutions sur les prédations, sur le loup, son déclassement au niveau européen. Nous avons progressé sur les zones de revitalisation rurale, sur la compétence assainissement en montagne, et l’obligation de transférer cette compétence aux intercommunalités.

    Jean-Pierre Vigier : Au-delà de ces thématiques, l’essentiel est de faire exister la montagne au sein du gouvernement. Nous demandons un référent interministériel pour que la montagne soit prise en compte de manière transversale. Nous souhaiterions avoir un ministre de la ruralité et de la montagne. La montagne, ce n’est pas toute la ruralité. C’est pourquoi, cette reconnaissance au plus haut sommet de l’État est la porte d’entrée pour décliner toutes les thématiques : agriculture, urbanisme, tourisme, environnement.

    Paroles d’élus : 2026 est désignée année de la montagne. Quel sera le rôle du pastoralisme ?

    Jean-Pierre Vigier : En effet, 2026 sera l’année du pastoralisme. L’élevage sera sous les feux de la rampe. Le pastoralisme permet de maintenir l’attractivité des territoires et l’activité économique. Il garantit surtout le maintien des paysages ouverts. Pour faire du tourisme en montagne, il faut garder l’agriculture et l’élevage de qualité. Le premier sujet, c’est la sécurité. Lorsque les paysages ne sont pas entretenus, des incendies démarrent et des hectares importants brûlent. C’est aussi la sécurité des villages.

    Frédéric Espagnac : Tous les problèmes de la montagne aujourd’hui, ce sont ceux de la plaine demain : l’eau, le réchauffement climatique, la sécheresse. Au lendemain du Covid, la montagne a été le grand bol d’oxygène pour beaucoup. Certains vont désormais plus en montagne que sur le littoral. Mais il faut d’abord préserver les gens qui y vivent. Se loger en montagne devient compliqué. Les prix augmentent à cause des résidences secondaires et des locations saisonnières. Si les habitants permanents ne peuvent pas se loger, comment préserver ces territoires ?

    Paroles d’élus : Où en est-on sur la couverture mobile et le très haut débit en altitude ?

    Jean-Pierre Vigier : Avec le New Deal, des crédits spécifiques ont permis une bonne couverture. Mais avec le dénivelé du paysage, des zones blanches subsistent. Il faut en effet travailler au cas par cas. Dans certains territoires, la fibre ne sera pas possible. Des solutions techniques existent pour le désenclavement numérique. Une couverture intégrale est indispensable pour renforcer l’attractivité. Ces territoires sont fragiles. Il ne faut pas grand-chose pour les garder en vie, mais pas grand-chose non plus pour qu’ils déclinent.

    Frédéric Espagnac : Je tire l’alerte sur le budget 2025. Je suis rapporteur pour le Sénat du plan Très haut débit. Il y a une ponction énorme sur les crédits. Les objectifs fixés pour 2026 ne seront pas tenus. Les zones de montagne sont les plus touchées. C’est le dernier kilomètre en montagne qui coûte le plus cher. Nous avons alerté le Sénat et l’ARCEP. Les collectivités ne peuvent pas compenser l’État. Les entreprises ne sont pas payées pour leur travail. La ponction faite par l’État est inacceptable au vu des objectifs fixés.

    Paroles d’élus : Sur les stations de ski, comment s’adapter à la raréfaction de la neige ?

    Jean-Pierre Vigier : On doit maintenir la neige partout où c’est possible sur les stations de montagne. Ainsi, là où on ne peut plus, il faudra faire du tourisme quatre saisons, du tourisme vert.

    Paroles d’élus : Quelles sont les prochaines étapes pour l’Acte III montagne ?

    Jean-Pierre Vigier : L’objectif est d’inscrire l’Acte III montagne à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je souhaite en effet qu’on l’inscrive en proposition de loi transpartisane, dans une niche transpartisane. Avec l’instabilité actuelle à l’Assemblée, une loi transpartisane permettrait un travail sur le fond, cohérent et paisible. Notre parti, c’est la montagne.

    Frédéric Espagnac : Notre proposition s’inscrit dans l’aube des propositions du Premier ministre sur la décentralisation. De fait, nous avons clé en main un projet de loi qui aura potentiellement l’unanimité. Nous avons déjà une majorité au sein de l’association, de l’Assemblée et du Sénat pour le faire passer.

    Jean-Pierre Vigier : Nous avons 36 propositions. Ainsi, nous travaillons avec les ministères pour en retenir les 10 ou 15 les plus pertinentes. Celles qui permettent un consensus et un véritable texte de loi transpartisan. Les députés la voteront dès 2026 pour donner un nouveau visage à la montagne. La montagne, c’est l’équilibre du territoire, c’est l’équilibre national.

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