33eme congrès de l’ACCD’OM : Les Outre-Mer rappellent qu’ils sont des laboratoires d’avenir pour la République

À l’occasion du 33ᵉ congrès de l’ACCD’OM qui s’est ouvert hier à Vanves, la vice-présidente Sophie Charles a ouvert les débats en présence de personnalités de premier plan, dont Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, et David Lisnard, président de l’AMF. Devant plus de 200 élus ultramarins et une centaine d’invités, elle a défendu la capacité des territoires d’outre-mer à construire des solutions face aux défis qui touchent désormais l’ensemble du pays : changement climatique, narcotrafics, ou vieillissement de la population. Dans cet entretien, Sophie Charles détaille les ambitions de ce congrès et les revendications portées par les élus des trois océans, notamment en matière d’équité financière et d’accès aux données statistiques.
Paroles d’élus : Votre congrès a pour thème « Les Outre-Mer : La force d’inventer l’avenir ». Comment va-t-il se décliner au long de ces 2 jours et demi ?
Sophie Charles : À travers ce congrès, nous souhaitons rapprocher nos réalités de celles de nos collègues élus de l’Hexagone. Certes, nous avons, dans chaque territoire, des situations uniques et complexes, mais nos prérogatives et les attentes de nos populations sont les mêmes. Nous avons réussi à réunir un certain nombre d’élus locaux et de parlementaires non ultramarins, ce qui va nous permettre de leur montrer comment nos réalités se rapprochent des leurs, tout en mettant en exergue les contraintes supplémentaires que nous subissons. Pour cela, nous avons choisi des sujets qui sont capitaux dans toutes les communes de France : le développement économique, l’adaptation aux changements climatiques, et la lutte contre les narcotrafics.
Ensuite, nous allons mettre en avant des initiatives locales ultramarines mises en œuvre par les collectivités. Nos Outre-Mer, qui sont devenus résilients au fil des épreuves, ont des solutions à des problèmes qui commencent tout juste à s’installer en Hexagone. Nous sommes déjà dans le futur de la France en quelque sorte. Le réchauffement climatique, les phénomènes météorologiques puissants, le recul du trait de côte, l’explosion du narcotrafic, ou encore le vieillissement de la population, nous le vivons depuis beaucoup plus longtemps que l’Hexagone. Nous voulons déclencher une prise de conscience sur la capacité des Outre-Mer à construire l’avenir, et sur les atouts que nous pouvons représenter pour le reste de la France.
Enfin, le congrès c’est aussi de la montée en compétence pour les élus, avec des ateliers et des formations sur de nombreuses thématiques, de la probité à la cybersécurité en passant par la gestion des déchets et la fiscalité locale.
Paroles d’élus : Quelles innovations et solutions concrètes portées par les territoires ultramarins vont être mises en avant ?
Sophie Charles : Elles seront nombreuses, en particulier durant les ateliers, mais pour en citer quelques-unes : le plan de lutte contre l’Ice en Polynésie française avec des initiatives du Pays mais aussi des communes qui forment leurs polices municipales à la détection canine. Du fait de son statut, la Polynésie a la compétence Sécurité et Santé de plein exercice, ce qui lui laisse la possibilité de mener des actions en rapport direct avec ses réalités.
Le plus important des initiatives reste la coopération, entre collectivités, avec le monde économique et au sein de nos bassins océaniques. Les Outre-Mer mettent en œuvre des actions de coopération qui sont essentielles pour le développement économique, bien que certaines contraintes législatives et/ou normatives soient bloquantes.
Paroles d’élus : En quoi la proximité avec le Congrès des Maires renforce-t-elle la voix des élus ultramarins ?
Sophie Charles : Les échanges que nous aurons durant ces 3 jours vont permettre à nos élus ultramarins de participer au congrès de l’AMF avec un bagage d’informations plus important. Durant le congrès des Maires, il y a énormément de séquences et d’événements parallèles. Il est impossible de participer à tout. Notre congrès va permettre à chaque élu présent de porter la voix de l’ensemble de ses collègues ultramarins dans les séquences qu’il fera la semaine prochaine.
Paroles d’élus : Quelles sont les principales motions et revendications que vous allez porter lors de ce congrès auprès des institutions nationales ?
Sophie Charles : Tout cela sera discuté aujourd’hui et demain, mais la motion principale portera sûrement sur les finances, le nerf de la guerre. Alors que les parlementaires et l’État finalisent le budget, la Mission Outre-Mer va subir un coup de rabot. Pourtant, nos territoires ont des besoins supérieurs au vu de leurs retards structurels. Nous demandons, depuis de nombreuses années, une équité financière pour les Outre-Mer.
Nous aurons également probablement une motion sur les données dont les élus ont tant besoin pour mener leurs politiques publiques.
Paroles d’élus : L’une des tables rondes portera sur « Données sur l’outre-mer, une pénurie qui complique la crise ». Quels sont les enjeux ?
Sophie Charles : Les enjeux sont capitaux ! Comment les élus locaux peuvent-ils évaluer les besoins du territoire sans données ? Et comment l’État peut-il voter nos budgets sans pouvoir évaluer les besoins et attentes de nos territoires ? Comment pouvons-nous assurer la sécurité de la plus grande frontière française si l’on n’a pas la cartographie pour la positionner ? Comment pouvons-nous, ultramarins, nous approprier notre citoyenneté française quand nous ne sommes pas dans les cartes, les tableaux et les statistiques ?
Paroles d’élus : Quelle est la position de votre association sur les évolutions institutionnelles et la décentralisation ? Comment conjuguer unité républicaine et reconnaissance des spécificités ?
Sophie Charles : Comment NE PAS conjuguer unité républicaine et reconnaissance des spécificités ? La première ne se fera jamais sans la seconde. Le manque de reconnaissance de nos spécificités, le manque d’adaptabilité de nos politiques publiques à nos réalités est l’une des raisons qui poussent certains territoires à vouloir plus d’autonomie. Attention, ce n’est pas du tout une spécificité des Outre-Mer, et nos collègues de l’Hexagone prônent une décentralisation pour avoir plus de capacité de manœuvre sur les actions locales.


