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    À Ruralitic avec… Isabelle Doresse, membre du CESE et Grand Témoin de la 19ème édition

    Engagée depuis 25 ans au mouvement ATD Quart Monde, avec diverses missions, notamment l’animation d’universités populaires Quart Monde, Isabelle Doresse est membre du Conseil Économique, Social et Environnemental . Grand Témoin de cette 19ème édition de Ruraltic, elle est Rapporteure de l’avis du CESE relatif aux « Droits sociaux, accès et effectivité ». Paroles d’élus a pu lui poser quelques questions.

    Paroles d’élus : Vous êtes le Grand Témoin de cette 19ème édition de Ruraltic. Pouvez-vous tout d’abord nous en dire plus sur votre parcours ?

    Isabelle Doresse : J’ai un parcours d’ ingénieur agronome. J’ai beaucoup travaillé dans l’administration publique pour l’État, principalement dans la protection de la nature et la gestion de l’eau. Bien que cela puisse paraître éloigné de mon engagement actuel de vice-présidente nationale d’ATD Quart Monde, j’y vois un lien très fort. Cet engagement est en effet très important pour moi. Il s’agit de proposer une autre vision et un véritable projet de société en partant des plus pauvres. Et c’est vraiment dans cette perspective que j’interviens au sein du CESE.

    Paroles d’élus : Cette édition de Ruralitic a pour fil conducteur “l’inclusion”. Comment le CESE s’empare-t-il justement de ce sujet ?

    Isabelle Doresse : Je suis par exemple actuellement rapporteur d’un texte sur les difficultés liées au non-recours aux droits. Plus globalement, le CESE est un véritable tremplin pour les politiques sociales. Le fondateur d’ATD Quart Monde, le Père Joseph Wresinski, est entré au CESE en 1979, à la demande du Président de la République. Il a rédigé un rapport majeur, « Grande Précarité et Cohésion Sociale », qui a eu un énorme impact sur les politiques publiques. Ce rapport a permis de définir la pauvreté comme une violation des droits de l’homme, ce qui a conduit à la loi de 1998 contre les exclusions.

    Paroles d’élus :  Pourquoi avoir évité le terme « non-recours » dans votre rapport ?

    Isabelle Doresse : Tout simplement parce que ce terme à mon sens s’inscrit dans une logique de déresponsabilisation de l’État. Les droits devraient être accessibles à tous sans conditions, mais avec le néolibéralisme, on tend à rendre les gens responsables de leur situation, en parlant de droits et devoirs. Cela crée des obstacles supplémentaires pour accéder à ces droits, ce qui conduit au non-recours.

    Paroles d’élus : Le rapport est encore en cours, jusqu’à novembre. Pouvez-vous nous expliquer brièvement le processus au CESE pour l’élaboration d’un texte ?

    Isabelle Doresse : Le CESE peut être saisi par le gouvernement ou décider de s’auto-saisir. Il fonctionne un peu comme l’Assemblée nationale, avec des commissions qui choisissent des thèmes à traiter. Le rapport est ensuite voté en assemblée plénière, ce qui est prévu en effet pour fin novembre. L’avis du CESE se place dans une approche globale des droits. Il réalise dans un premier temps un diagnostic des aides et des prestations concernées mais aussi des vulnérabilités et des risques qui empêchent leur effectivité (dématérialisation, le poids des inégalités géographiques, d’une organisation en « silos » des institutions, des évolutions des services publics dans les territoires, avec, notamment un focus particulier sur les Outre-mer) et émettra dans un second temps des préconisations qui porteront sur les principes qui gouvernent la construction des politiques publiques : les objectifs qu’elles se fixent et au regard desquels elles devront être évaluées ; la place qu’elles donnent à l’accès, à l’effectivité et à l’ingénierie des droits.

    Paroles d’élus : Y sera-t-il question aussi des impacts positifs ou négatifs du numérique ?

    Isabelle Doresse : La question du numérique et des barrières est au cœur de notre réflexion. Le numérique est devenu un substitut à l’humain dans les services publics, ce qui a déshumanisé le système. Les plus précaires, souvent dans des situations très particulières, ne peuvent pas être correctement pris en charge par des algorithmes. Le numérique devrait être un outil facilitant l’accès aux droits, mais il est souvent conçu pour lutter contre la fraude, au détriment des citoyens. Les personnes en situation de pauvreté et de vulnérabilité sont celles qui parviennent le plus difficilement à faire valoir leurs droits. Cette ineffectivité des droits renforce les exclusions, a des conséquences pour toute la société et reste massive. Des travaux se sont attachés à identifier ses causes, et sa réduction figure parmi les objectifs que l’État donne aux administrations. Une réflexion renouvelée sur le sujet est aujourd’hui nécessaire. Les politiques sociales ont connu des évolutions profondes. La transformation du RMI en RSA a notamment marqué un premier changement dans le fondement des droits sociaux.

    Pour accéder à l’interview de Sébastien Côte, Commissaire de Ruralitic, c’est ici

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