40 ans de l’ANEM : Questions à Louis Besson, son 1er Président
Né à Barby, une petite commune de Savoie, proche de Chambéry, Louis Besson est savoyard depuis plusieurs générations. Maire de sa commune natale pendant 24 ans, il fut par la suite le premier magistrat de Chambéry pendant une durée comparable. Dans une interview récente dans le journal « Pour la Montagne », il témoignait de son attachement à la montagne « dont on ne mesure, dit-il, que progressivement à quoi elle tient. Quand on a des éléments de comparaison, on voit, au fil des années, les sites de montagne encore plus merveilleux. On y rencontre des hommes et des femmes auxquels on s’attache vraiment. » À l’occasion du 40ᵉ congrès de l’ANEM, Paroles d’élus a pu poser quelques questions à celui qui fut son 1er Président.
Paroles d’élus : Ce congrès de l’ANEM est l’occasion de fêter les 40 ans de l’Association. Comment est née cette belle aventure ?
Louis Besson : Les prémices de cette aventure remontent sans doute au début des années 70, avec par exemple la « loi pastorale ». Mais le vrai point de départ, c’est une prise de conscience plus générale, presque dix ans plus tard. Nous étions convaincus qu’il y avait un vrai souci de protection de la montagne. Ce constat a été mis en avant dès 1977 dans un rapport de Jean Brocard, Député de Haute-Savoie. Le président Valéry Giscard d’Estaing en avait alors repris l’esprit la même année à Vallouise, dans les Hautes-Alpes. Cette démarche a même débouché sur le décret du 22 novembre 1977 créant les « unités touristiques nouvelles ». Ces dernières, dans leur concrétisation, ont très vite montré leurs limites, car trop technocratiques.
Face à un sentiment de blocage, et même de frustration disons-le, les élus des montagnes, dès 1981, se sont rassemblés autour de convergences pluripartisanes afin de préparer cette fameuse loi Montagne. Un travail intense a été nécessaire durant plusieurs mois, avec de nombreux parlementaires très impliqués. Je pense à Robert de Caumont, René Souchon, Jean Briane, Jean-Paul Fuchs, Jean Valroff, Michel Inchauspé ou encore Louis Maisonnat. Le Sénat n’était pas en reste avec, par exemple, le rapporteur Jean Faure ou Pierre Raynal…
Paroles d’élus : Mais à Paris, les préoccupations n’étaient pas forcément l’avenir des montagnes…
Louis Besson : En effet, ce n’était pas simple d’imposer une loi consacrée à la montagne, dans la mesure où, certes, c’est près de 30 % du territoire, mais cela ne concerne que 7 % de la population. Donc, la montagne pouvait apparaître comme marginale vue de l’Hexagone, car 7 % de la population, ce n’est pas déterminant. Le problème de l’écoute et de la défense des intérêts de la montagne se posait donc du fait de cette modestie en termes de population. Il était donc essentiel d’avoir un porte-parole, un réseau d’écoute, mais aussi des tribunes pour s’exprimer. C’est pour cela que la création d’une association comme l’ANEM était essentielle. Elle a vu le jour officiellement dans la foulée de la Loi Montagne. Michel Barnier, alors député de Savoie, et moi-même avons très vite eu l’appui de nombreux collègues de toutes les sensibilités politiques présentes en montagne. Cela confirmait que le travail préparatoire avait bien créé un ciment entre tous.
Paroles d’élus : Y a-t-il eu, face à l’idée même d’une loi spécifique à la Montagne, certains freins juridiques ?
Louis Besson : C’est peu de le dire. Faire une loi pour la montagne se heurtait en effet, de surcroît, à la rigidité des principes juridiques sur lesquels veillent nos grands juristes. Selon eux, les lois doivent être de portée nationale et non pas spécifiques à une partie du territoire.
Paroles d’élus : À l’inverse, cette loi a été votée à l’unanimité…
Louis Besson : Oui, et cette unanimité est intervenue au Parlement, l’assemblée majeure pour l’adoption d’une loi. Après, toutes les collectivités avaient chacune leurs sensibilités, en fonction des grandes familles de pensée, comme la France les connaît bien sûr.
Paroles d’élus : Qu’ont permis concrètement les lois Montagne 1 et 2 ?
Louis Besson : La loi Montagne 2 a permis de préserver l’essentiel de la loi Montagne 1. C’était déjà en soi une avancée. Mais pour répondre plus précisément à votre question, elles ont permis, avec toutes les adaptations qu’elles ont autorisées pour certaines législations ou réglementations, que la montagne s’inscrive pleinement dans les dispositions législatives et réglementaires du pays, et qu’elle ne soit pas mise à l’écart. Cela a été quelque chose d’essentiel. Enfin, elles ont donné à la montagne des tribunes pour s’exprimer.
Paroles d’élus : Que retenez-vous du travail de l’ANEM ?
Louis Besson : D’abord un certain sentiment d’évidence. Avec la création de l’ANEM, il nous a très vite semblé impensable de nous en passer. L’association a offert un lieu de rencontre entre les élus de la montagne, un lieu d’expression pour être plus audibles, et un partenariat avec les représentants de l’État, etc. Tout cela a été essentiel.
Je retiens aussi l’idée de constance. J’entends par là que les intérêts de la montagne, tant du territoire que de sa population, soient audibles à tous les niveaux où se prennent les décisions. L’important était d’être audibles de manière globale et dans le temps.
Et enfin l’unité. Il y avait une crainte : celle que l’expression de la montagne, si elle était trop fractionnée, aurait une portée affaiblie. Ce danger a été évité, et la force de la parole montagnarde a été confirmée au fil du temps.