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    Politique de la ville : « Nous portons la solidarité nationale et elle doit être accompagnée financièrement » 2/2

    Suite de notre focus sur la Politique de la ville. Le contexte budgétaire tendu place les villes populaires en première ligne. Au forum du Congrès des Maires du 19 novembre 2025, Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes et première vice-présidente de Ville & Banlieue, et Gilles Leproust, maire d’Allonnes et président de l’association, ont exprimé leurs inquiétudes. Leurs témoignages rappellent un point souvent oublié : les territoires prioritaires portent l’essentiel de la solidarité nationale sans en avoir toujours les moyens.

     

    Des communes fragilisées par les arbitrages budgétaires

    La période est « très particulière », constate Catherine Arenou d’emblée. Le projet de loi de finances 2026 s’annonce « douloureux, très douloureux pour les collectivités », confirme Gilles Leproust. Les villes ayant des quartiers prioritaires se trouvent particulièrement exposées. « Quand c’est compliqué, c’est plus compliqué chez nous encore », souligne la maire de Chanteloup-les-Vignes. Ces communes « pas très riches » assument pourtant l’accueil des populations les plus fragiles.

    Le président de Ville & Banlieue martèle une position claire : « Nous ne sommes pas responsables de la dette et nous n’avons pas à payer une dette que nous n’avons pas produite ». L’incertitude du débat parlementaire ajoute à l’anxiété des élus. Le ministre présent au forum « a essayé de nous rassurer », note Catherine Arenou. Mais il « n’est pas venu faire des annonces », regrette-t-elle. Depuis plusieurs mois, Ville & Banlieue se mobilise car « on voit des risques venir ».

     

    Le spectre du FIT, une menace écartée in extremis

    Le projet de Fonds d’investissement territorial cristallise les craintes. Cette initiative gouvernementale visait à fusionner plusieurs dotations : la dotation politique de la ville, les dispositifs de ruralité, l’aide aux investissements. « Tout ça dans le même pot, et après on distribue », résume Catherine Arenou avec une pointe d’ironie. Le risque ? Ne plus être « regardé à l’aune de nos difficultés » spécifiques.

    Gilles Leproust partage cette inquiétude. « Ça serait terrible pour les collectivités », affirme-t-il. La DPV ne concerne que quelques centaines de villes accueillant « les populations qui sont le plus en difficulté ». La diluer dans un fonds commun signifierait « une perte considérable de moyens ». L’instabilité politique actuelle pourrait paradoxalement sauver ce dispositif. « On est sauvé par le gong », estime Catherine Arenou. Dans une « ambiance pas du tout équilibrée », se lancer dans une réforme aussi contestée semble compromis.

    Préserver les dispositifs qui font leurs preuves

    Les élus défendent avec vigueur certains programmes menacés. Les colonies apprenantes figurent en tête de liste. « Ça marche très bien », insiste Catherine Arenou. Ces séjours « ont évidemment fait sortir des publics » et assuré « une continuité éducative pendant les vacances ». Pour Gilles Leproust, il s’agit de « multiplier le nombre de gamins qui partent en colo l’été ». C’est « très important », martèle-t-il.

    Les quartiers d’été constituent une autre priorité. Ils permettent « d’avoir beaucoup d’initiatives dans nos quartiers pendant la période estivale », explique le maire d’Allonnes. Services publics locaux et associations s’y mobilisent conjointement. « Quand on voit disparaître des choses qui marchent, c’est ça aussi », déplore Catherine Arenou. La politique de la ville est « la politique la plus évaluée en France ». Les résultats sont là. Pourquoi supprimer ce qui fonctionne ?

    La culture et la musique, vecteurs d’émancipation

    Les initiatives culturelles portent leurs fruits sur le terrain. À Chanteloup-les-Vignes, un orchestre à l’école « marche remarquablement bien ». « On a une liste d’attente terrible, ce qu’on n’aurait jamais imaginé », se réjouit Catherine Arenou. Le partenariat avec le théâtre Montansier de Versailles rencontre le même succès. On y « réapprend la langue française et tout le monde se précipite ».

    À Allonnes, Gilles Leproust a lancé un projet ambitieux il y a huit ans. Né dans un quartier populaire, il « n’a pas eu d’accès à la musique ». Aujourd’hui, chaque école élémentaire dispose d’une classe orchestre. Les enfants pratiquent pendant deux ans. Les instruments sont fournis gratuitement. La chef d’orchestre Zahia Ziouani vient avec son orchestre complet une fois par an. Le concert joue « à guichet fermé trois semaines avant », témoigne fièrement le maire. L’école de musique compte désormais 60% d’Alonais contre 40% auparavant.

    Une solidarité territoriale indispensable

    La salle du forum était « pleine », souligne Catherine Arenou avec satisfaction. Ces élus « portent une vraie volonté pour leur territoire ». Ils veulent « dire à l’État : nous portons la solidarité nationale, mais elle doit être accompagnée financièrement par justement cette nation ». Cette exigence transcende les clivages. « Quand vous nous interviewez, vous avez du mal à savoir quelle est notre origine politique », observe la maire.

    Ville & Banlieue incarne cette « transversalité ». C’est « le partage, le soutien dans les moments difficiles, le partage sur les belles expériences, l’amitié », énumère Catherine Arenou. « Quand on est tous les pieds dans la merde, vous savez, on devient des amis », résume-t-elle crûment. Pour Gilles Leproust, l’enjeu reste l’égalité. « Les habitants des quartiers ont droit au bon », affirme-t-il. Il faut « leur donner de la fierté dans le lieu où ils habitent, où ils étudient, où ils travaillent ». C’est « le défi que nous allons relever ensemble dans les mois et les années à venir ».