Jeunes femmes maires en ruralité : « Celles qui ouvrent la voie »

Au congrès de l’AMRF à Poitiers, Achille Warnant, docteur en géographie et conseiller scientifique du GIP EPAU, a présenté le rapport inédit « Celles qui ouvrent la voie : jeunes femmes et maires en ruralité : moteurs et freins de l’engagement ». Une étude qui met en lumière les obstacles auxquels font face les jeunes élues de moins de 30 ans dans les territoires ruraux, et propose des pistes concrètes pour favoriser leur engagement.
Paroles d’Élus : Pourquoi avoir focalisé cette étude sur les jeunes femmes ?
Achille Warnant : L’étude lancée en mars 2024 visait initialement tous les élus de 30 ans ou moins. Mais le contexte nous a amenés à nous concentrer sur les jeunes femmes. Les chiffres sont éloquents : plus de 2 200 démissions depuis 2020. Le taux de démission a été multiplié par 4 en 15 ans. On est passé d’une centaine de démissions de maires par an à près de 400 aujourd’hui.
Ceux qui cumulent le plus de difficultés sont les jeunes, notamment en dessous de 30 ans. C’est l’âge où l’on fonde une famille et se lance dans la carrière professionnelle. Et c’est encore plus compliqué pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes.
Paroles d’élus : Quels sont les principaux freins identifiés ?
A.W. : Plusieurs facteurs compliquent l’équation. Le premier, c’est que ces jeunes femmes assument encore une charge domestique plus importante que leurs homologues masculins. Quand elles ont des enfants, elles cumulent 40, 50, 60 heures de travail entre leur mandat et leur activité professionnelle. À cela s’ajoutent les tâches ménagères et domestiques. Ce n’est pas qu’un enjeu institutionnel, c’est aussi culturel.
Ensuite, il y a la question de la légitimité. Se sentir légitime pour y aller, puis légitime une fois élue pour prendre la parole et s’exprimer. Au sein du conseil municipal, en général, ils se connaissent, donc ça va. Mais au sein de l’instance communautaire, c’est plus compliqué. Notamment pour celles qui n’ont pas suivi de cursus d’enseignement supérieur où l’on a l’habitude de la prise de parole.
Paroles d’élus : Quelles sont vos recommandations pour lever ces freins ?
A.W. : Il y a d’abord un enjeu de sensibilisation et de communication. C’est le titre du rapport : « Celles qui ouvrent la voie ». Il faut montrer que c’est possible pour des jeunes femmes d’être maire, conseillère municipale ou adjointe. Montrer ces femmes en exemple.
Nous avons réalisé en parallèle une exposition photographique documentant le quotidien de ces jeunes femmes maires. L’idée est de montrer l’exemple et d’ouvrir la voie.
Paroles d’élus : La question financière est aussi importante ?
A.W. : Absolument. Il y a la revalorisation des indemnités d’élus, mais aussi un travail de démystification auprès du grand public. Les élus ne sont pas salariés. Beaucoup de jeunes femmes et hommes m’ont rapporté qu’une partie de leurs concitoyens pensaient qu’ils gagnaient 2 000, 3 000, 4 000 euros dans des villages de 500 habitants. En réalité, c’est quelques centaines d’euros pour les plus petites communes.
Ces représentations ont un effet concret. Les gens se sentent autorisés à demander beaucoup de choses. Être maire d’une petite commune, c’est être disponible 24 heures sur 24. Ils sont d’astreinte en permanence, pour des montants ridicules. C’est d’abord un engagement de cœur, presque associatif.
Paroles d’élus :Les moyens manquent aussi à l’échelle communale ?
A.W. : Il y a l’équation budgétaire qui n’est pas facile pour ces maires. On leur demande beaucoup et ils ont peu de moyens, avec de fortes charges réglementaires. Sans oublier la responsabilité pénale. Cette charge de travail est très forte. Il est difficile de scinder vie professionnelle, vie personnelle et vie d’élu. Tout cela pèse particulièrement sur les jeunes femmes qui cumulent ces responsabilités.
Paroles d’élus : Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui s’engage ?
A.W. : Mon premier conseil serait d’aller trouver un parrain ou une marraine dans une commune voisine. Dans les témoignages recueillis, celles et ceux qui ont le mieux vécu leur début de mandat sont celles et ceux qui étaient accompagnés.
Cela peut être via les services préfectoraux, le sous-préfet, le parlementaire, le conseiller départemental ou le maire d’une commune voisine. Il est essentiel d’avoir des personnes capables de répondre à des questions très concrètes. Ce début de mandat n’est pas évident quand on ne sait pas où l’on met les pieds.
Accéder au rapport « Celles qui ouvrent la voie « , en cliquant ici.


