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    Les entretiens

    Commerce de centre-ville : « Il faut une nouvelle génération d’Action Cœur de Ville »

    Au 107ème Congrès des Maires, Gil Avérous, maire de Châteauroux et président de Villes de France, lance un appel pour sauver le commerce de centre-ville. Face à la concurrence déloyale du e-commerce étranger et à l’inversion de tendance après des années de progrès, l’élu réclame un plan d’action renforcé et la taxation des colis étrangers.

     

    Paroles d’élus : Après plusieurs années d’Action Cœur de Ville, où en est le commerce de centre-ville ?

    Effectivement, on a co-construit avec le gouvernement, avec Action Logement, avec l’Agence Nationale de l’Habitat, avec la Banque des Territoires, le programme Action Cœur de Ville, première génération et deuxième génération, qui fait l’unanimité en termes de résultats positifs obtenus. Et même le rapport de la Cour des comptes qui est sorti il y a quelques années le démontre. C’est un des rares programmes national qui a démontré son efficacité et son utilité avec une baisse de la vacance commerciale dans nombre de nos villes.

    Mais aujourd’hui, depuis quelques mois, ces deux dernières années, une inversion de la tendance face au développement de la consommation numérique, digitale face aussi à la production étrangère et à l’arrivée sur notre territoire des colis Temu, Shein… Et donc un besoin aujourd’hui impérieux d’avoir une nouvelle génération d’Action Cœur de Ville. Ça n’a pas encore été annoncé, on espère que le Premier Ministre va nous confirmer qu’il y aura un Action Cœur de Ville 3ème génération.

    Paroles d’élus : Quels seraient les nouveaux chantiers de cette troisième génération ?

    Il faut intervenir sur ce qui faisait la force du premier. Vous l’aviez évoqué avec les sujets de logement : on a besoin de ramener de l’habitat en centre-ville et donc des clients pour nos commerces.

    Mais pas que. Il faudra aussi qu’on ouvre des nouveaux chantiers comme celui de la fiscalité applicable aux commerces de centre-ville, celui du montant des loyers. Le sujet aussi des autorisations préalables à l’implantation pour éviter des commerces de façade ou ceux quelquefois liés au blanchiment d’argent. Donc il y a vraiment une nouvelle génération d’Action Cœur de Ville à mettre en place.

    Paroles d’élus : La concurrence entre zones commerciales périphériques et centres-villes s’est-elle apaisée ?

    La réalité, c’est qu’elle n’est pas complètement aujourd’hui atténuée, cette concurrence entre zone de centre-ville et zone périphérique. Quelquefois, on oppose les sujets de la gratuité du parking, du stationnement où en centre-ville systématiquement c’est payant et en périphérie de manière générale c’est gratuit.

    Mais ce qu’on constate quand on va être vraiment factuel, c’est qu’aujourd’hui les mètres carrés des anciennes fermes, autant aux périphériques qu’en centre-ville, que le taux de vacances commerciales, il est plus fort dans les galeries marchandes des grands hypermarchés qu’en centre-ville. Et que donc la situation, elle est compliquée voire dramatique pour certains commerces partout pour le commerce physique, j’entends.

    Et donc il n’y a plus à opposer aujourd’hui périphériques et centres-villes, mais simplement de voir en réalité quelle est la complémentarité et comment on peut permettre aux commerces de ville qu’ils soient de vivre, qu’ils soient situés en périphérie, en centre-ville, ou dans les quartiers politiques de la ville et autres.

    Paroles d’élus : Que pensez-vous de l’implantation d’enseignes low-cost comme Shein en centre-ville ?

    Aujourd’hui, on est très très craintif vis-à-vis de ce développement d’enseigne à bas prix. Pourquoi ? Parce qu’on le voit, et je salue l’action des deux ministres, du commerce et des entreprises qui ont institué un contrôle systématique des colis avec nos douaniers dans les aéroports à l’arrivée.

    On s’est aperçu que 80% du contenu des petits colis qui arrivaient des marques que vous avez citées était non conforme à la réglementation européenne. Si on prend les chargeurs de batterie, c’est 96% qui sont non conformes et qui potentiellement sont dangereux, avec des risques d’incendie. Avec des productions à bas prix, avec du dumping social et économique.

    Ce qui fait qu’avoir ces enseignes en centre-ville, franchement, ça apporte une mauvaise concurrence. La concurrence, elle est bonne en général, mais cette concurrence-là est la mauvaise. Donc nous, on est contre ces implantations d’enseignes qui dévalorisent nos centres-villes.

    Paroles d’élus : Quelle solution pour protéger le commerce local ?  

    Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est privilégier la production française, taxer ces grands colis et réinvestir le produit de la taxe justement dans la redynamisation et dans la modernisation de nos commerces.

    Paroles d’élus : Quel message portez-vous au nom de Villes de France ?

    Il y a vraiment une urgence à agir. On a besoin d’une nouvelle génération d’Action Cœur de Ville qui prenne en compte tous ces nouveaux défis : le logement bien sûr, mais aussi la fiscalité, les loyers, les autorisations d’implantation, et surtout la taxation des colis étrangers non conformes.

    C’est une question de survie pour nos commerces de centre-ville, mais aussi de sécurité pour nos concitoyens face à des produits dangereux. Et c’est aussi une question d’équité économique : on ne peut pas accepter cette concurrence déloyale qui met en péril nos commerçants qui respectent toutes les normes et paient leurs charges.