Partagez cet article
Sommaire de l’article
    Inclusion

    Dans le Puy-de-Dôme, « Une démarche co-construite avec les acteurs locaux pour ne laisser personne sur le côté »

    La feuille de route départementale « France Numérique Ensemble » du Puy-de-Dôme a été officiellement signée le 19 juin 2025 lors de la Journée Numérique et Territoires organisée par Ruralitic à Clermont-Ferrand. Cette signature, réalisée par Lionel Chauvin, président du Conseil départemental, Joël Mathurin, préfet du Puy-de-Dôme, et les structures partenaires, marque une étape importante dans la lutte contre la fracture numérique.

    Alors que 4 habitants sur 10 déclarent limiter leur usage d’Internet par manque de compétences, cette démarche collaborative propose d’accompagner tous les citoyens dans leurs usages numériques quotidiens. Stéphanie Dejammet-Duchet, sous-préfète de Thiers, détaille cette feuille de route 2025-2027 qui associe collectivités, associations, services de l’État et opérateurs privés.

     

    Paroles d’Élus : Pouvez-vous nous présenter ce qu’est France Numérique Ensemble et quels sont les enjeux au niveau de votre territoire ?

    Stéphanie Dejammet-Duchet : La démarche France Numérique Ensemble est une démarche nationale qui a été élaborée dans le cadre du Conseil national de refondation numérique, lancé fin 2022 par le gouvernement. Le premier axe de France Numérique Ensemble, c’est de territorialiser la politique d’inclusion numérique. L’ambition est d’accompagner les acteurs locaux par la mobilisation d’un fonds d’ingénierie dédié.

    La préfecture s’est inscrite dans cette démarche avec l’idée de faire un travail co-construit avec le conseil départemental et de créer une feuille de route unique et partagée avec tous les acteurs impactés par l’inclusion numérique. L’objectif était de coordonner différents types d’actions concrètes, adaptées aux territoires ruraux comme urbains.

    Ce qui est remarquable, c’est qu’elle a été vraiment co-construite avec une quarantaine de personnes venues de milieux très différents : milieu associatif, élus territoriaux, secteur social, services de l’État, opérateur privé comme Orange, conseillers numériques… Cette diversité de partenaires a permis d’identifier de nombreuses actions. Mais surtout d’obtenir des signatures concrètes pour leur mise en œuvre. Sur la signature, il y a 18 partenaires signataires, ce qui en fait une des démarches qui rassemble le plus de partenariats.

    Cette initiative pourrait être perçue comme descendante. Avez-vous ressenti une véritable attente du territoire ?

    C’est important d’avoir un dispositif national ambitieux pour impulser les choses. Mais la démarche mise en œuvre ici est remontante : les gens qui ont co-construit les actions, ça vient du terrain. Il y a donc la locomotive qui lance les choses du haut, puis c’est le terrain qui conduit les différentes actions avec des pilotes locaux.

    C’est nécessaire parce que le numérique fait partie de notre vie quotidienne de plus en plus. Toute personne a besoin d’être accompagnée, certaines plus que d’autres. Que ce soit pour s’inscrire sur Doctolib, faire une commande en ligne, gérer Parcoursup, l’inscription à l’école ou le paiement de la cantine – tout est lié au numérique. L’inclusion numérique permet d’éviter qu’on laisse des gens sur le côté.

    Y a-t-il eu une phase de diagnostic ? Quelles caractéristiques ont émergé pour le Puy-de-Dôme ?

    Des diagnostic ont été réalisé au niveau des EPCI. Les chiffres montrent, comme au niveau national, que 4 habitants sur 10 déclarent limiter leur usage d’Internet par manque de compétences. Cela est d’autant plus vrai chez les personnes âgées et dans les territoires ruraux. Mais attention, un quart des jeunes de plus de 12 ans rencontrent aussi des difficultés.

    C’est important de casser cette croyance que les jeunes qui used leur smartphone quotidiennement sont à l’aise. Ce n’est pas la même chose de regarder une vidéo sur TikTok et de savoir utiliser son téléphone pour répondre à des questions sur l’orientation scolaire. 5% des gens abandonnent en cas de difficulté – parfois juste à cause des mots de passe et identifiants.

    Nous avons aussi identifié des problématiques matérielles : tout le monde n’a pas toujours un outil adapté. Des actions solidaires dans le Puy-de-Dôme vont donc aussi permettre le partage d’équipements.

    Cette feuille de route s’étale sur quelle durée et comment mesurer son efficacité ?

    La feuille de route couvre 2025-2027. Elle identifie différents axes avec des actions et objectifs précis. Chaque objectif a ses indicateurs de suivi, avec des pilotes identifiés et des partenaires impliqués. Il y a des livrables, des comités de pilotage et des bilans réguliers pour vérifier concrètement que les actions sont mises en place. C’est souvent là que ça pêche : lancer plein d’actions sans vérifier ce qu’il en advient n’est pas satisfaisant. Notre objectif, c’est vraiment de vérifier concrètement les résultats.

    Comment tous ces acteurs du Puy-de-Dôme se coordonnent-ils concrètement ?

    Dans les signataires, nous avons différents types d’interlocuteurs. Des acteurs pluridisciplinaires comme les collectivités locales, les intercommunalités, les communes qui ont une approche transversale. Et des opérateurs spécialisés sur certains métiers : la gendarmerie et la police sur les cyberattaques, France Services sur différentes thématiques.

    Chaque organisation peut avoir une mission particulière ou choisir parmi toutes les actions celles qu’elle souhaite mettre en œuvre. Il faut que l’inclusion numérique devienne une politique publique qui concerne tous les citoyens et soit pensée dans chaque politique publique, car le numérique, encore une fois, fait partie de toutes les politiques actuelles.

    Comment l’intelligence artificielle bouleverse-t-elle ces enjeux ?

    L’idée de monter en compétence sur le numérique va forcément tendre vers l’usage des IA. En effet, quand on parle de découvrir l’écosystème numérique, cela inclut de fait aujourd’hui les IA. Cela questionne tout le monde – nous avons par exemple eu récemment un séminaire sur l’intelligence artificielle en préfecture. Plus on sera capable de monter le niveau de compétence de la population – à l’école, dans les services, avec les assistants sociaux, dans les maisons de retraite, les médiathèques – plus cela fera partie de la vie quotidienne et plus ce sera facile de se projeter.

    Cette feuille de route numérique, c’est un début, mais c’est une vraie politique publique de long terme. On ne peut pas faire ça deux ans puis s’arrêter. Cela doit devenir quelque chose de pratiquement automatique.

    Quel retour avez-vous sur les ateliers Orange ?

    Ce dispositif a déjà été éprouvé de nombreuses fois au niveau national. Les retours sont très positifs partout où ces ateliers se déploient. L’enjeu principal consiste à développer une communication attractive pour toucher les bonnes personnes et susciter leur intérêt. Très concrètement, c’est un exemple parfait de la façon dont la coordination entre les différents signataires de la feuille de route prend tout son sens.

    Il peut y avoir des appréhensions : certaines personnes n’osent pas dire qu’elles ne maîtrisent pas certains outils. Il faut libérer la parole et proposer des approches personnalisées – des « recettes de cuisine » adaptées à chacun. Pour l’un, ce sera créer un album photo, pour l’autre, apprendre à faire une démarche administrative en ligne. L’essentiel est d’identifier ce qui peut motiver chaque participant.

    Les ateliers fonctionnent particulièrement bien quand ils sont bien positionnés et bien relayés. Il faut donc aussi privilégier les lieux de proximité et de passage naturel comme les médiathèques. Cela permet de créer une dynamique collective et de désacraliser l’apprentissage numérique.