Femmes de Terrain avec…Sylvie Gustave-dit Duflo, Présidente de l’OFB
Bonjour à tous, on se retrouve aujourd’hui pour un nouvel épisode de votre podcast Femmes de terrain en ce mois de septembre, consacré à l’eau. Et alors que le Congrès des régions de France s’apprête à ouvrir ses portes ce 25 septembre à Strasbourg, il était tout naturel pour nous de nous tourner vers Sylvie Gustave Dit Duflot, une élue régionale très engagée sur les questions de l’eau et de biodiversité. Justement, vice-présidente de la Région Guadeloupe, Sylvie Gustave Dit Duflot est aussi présidente du conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité. Et comme vous allez le découvrir maintenant, son engagement et son implication sont d’autant plus essentiels que la Guadeloupe doit faire face aujourd’hui à de nombreux défis dans ce domaine.
Paroles d’élus : Pouvez-vous tout d’abord vous présenter et nous en dire plus sur votre parcours ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : J’ai 53 ans, je suis maman de deux jumeaux, je suis maître de conférence à l’université des Antilles. Ma spécialité, ce sont les sciences du cerveau. Actuellement, je suis conseillère municipale de la minorité dans ma petite commune de Baillif. Je suis également vice-présidente à la communauté de communes du Grand Sud Caraïbe, vice-présidente à la Région Guadeloupe. Je m’occupe des questions de l’environnement et plus précisément, à la Région Guadeloupe, de l’environnement, de l’eau et du cadre de vie.
Paroles d’élus : Comment ça a commencé tout ça ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager en politique ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : C’est mon professeur de seconde, qui nous faisait de la littérature. Il nous a ouvert à des grands auteurs comme Léopold Sédar Senghor et Césaire. Et en fait, très vite, je me suis rendu compte que ces grands auteurs, à un moment, ont fini par faire de la politique. M. Césaire a été député et maire de Fort-de-France, et Léopold Sédar Senghor a été président de son pays.
Et donc, j’ai compris très vite que, lorsqu’on est engagé dans un territoire, tout finit par la politique. Je distingue deux types de politiques. Il y a la politique politicienne où l’on fait beaucoup de promesses pour se faire élire. Et puis il y a la politique de terrain. Je veux dire par là, une politique de technicien. On s’engage derrière des dossiers, on les défend, et on n’a de cesse de les faire aboutir. J’avoue que je suis une politique technicienne, parce que je suis très engagée derrière mes dossiers, notamment ceux sur l’environnement.
Paroles d’élus : Vous êtes engagées au niveau local mais aussi au niveau national… Comment cela se concrétise justement ?
Sylvie Gustave Dit Duflot :Ce qu’il faut savoir, et que peu de citoyens savent, c’est que derrière le mandat d’élue régionale viennent d’autres missions. Par exemple, à cause de mon mandat d’élue régionale, j’ai pu siéger au Comité de l’eau et de la biodiversité en Guadeloupe, qui gère l’équivalent du comité de bassin en Hexagone. Nous gérons toutes les questions de l’eau et de la biodiversité, c’est le Parlement de l’eau. Tout ce qui concerne le schéma directeur d’aménagement et de gestion de l’eau. Petit et grand cycle de la biodiversité. Passe par ce comité de l’eau et de la biodiversité.
Paroles d’élus : Et au niveau national ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : Le fait d’être élue régionale m’a permis de travailler avec Régions de France. Ensuite, Régions de France m’a proposé pour les représenter au sein de l’Office français de la biodiversité. Il m’a été proposé de prendre la présidence, après un vote du conseil d’administration. J’ai donc été élue en octobre 2021 pour devenir présidente de l’Office français de la biodiversité. Mon premier mandat a duré de 2021 à janvier 2024. Et le 5 mars dernier, je me suis fait réélire à l’unanimité pour un nouveau mandat de 4 ans.
Paroles d’élus : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le fonctionnement de l’Office français de la biodiversité (OFB) ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : Le conseil d’administration de l’OFB est organisé en plusieurs collèges. Il y a le collège de l’État. On y trouve divers ministères comme le Ministère de la Transition écologique ou Bercy. Mais aussi le Ministère des Outre-mer et le Ministère de l’Agriculture, pour citer les principaux. Ensuite, il y a un collège des collectivités, où je siège, et dans lequel on retrouve les représentants de Régions de France, de l’Association des départements de France, ainsi que des comités de bassin. Il y a aussi d’autres collèges, comme celui de la société civile, qui inclut des ONG, la fédération des chasseurs, les fédérations agricoles, et la pêche.
L’Office français de la biodiversité a été créé en 2020, suite à la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’ONCFS, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Ces deux établissements publics ont été réunis en un seul organisme, l’OFB, qui compte plus de 3000 agents, dont la police de l’environnement. En 2023, nous avons voté un budget de plus de 650 millions d’euros. Il est en forte augmentation par rapport à 2022 (+132 millions d’euros). C’est donc un réel plaisir, en tant que présidente du conseil d’administration, de voir que la stratégie nationale de la biodiversité 2030 s’accompagne d’une progression notable des fonds alloués à la préservation de la biodiversité.
Paroles d’élus : Le numérique est-il un outil important pour l’OFB ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : Le numérique est primordial pour l’OFB, notamment dans l’acquisition de données. Un des volets de notre mission est la solidarité interbassins. L’OFB finance le plan eau DOM (plan d’investissement pour l’eau et l’assainissement dans les Outre-mer). Pour ce faire, nous avons développé un schéma numérique. Il nous permet d’optimiser le travail de remontée de terrain des équipes, et de mieux suivre nos actions.
Paroles d’élus : Quels sont les dossiers majeurs que vous portez actuellement pour le territoire de la Guadeloupe ?
Sylvie Gustave Dit Duflot : Comme vous le savez, la Guadeloupe traverse une crise majeure de l’eau et de l’assainissement. Même si la Région Guadeloupe n’a pas la compétence directe sur l’eau, le président de Région a décidé en 2015 que la Région jouerait un rôle important. C’était nécessaire pour aider à résoudre cette crise. Les chiffres sont affolants : en 2022, nous avons prélevé 110 millions de mètres cubes d’eau dans nos milieux aquatiques naturels, mais seulement 40 % de cette eau est effectivement acheminée. Cela représente 60 % de pertes dans les canalisations. Sur certains secteurs, le rendement descend même à 6 %, ce qui signifie 94 % de pertes.
Cette crise de l’eau est le résultat de l’absence d’investissements majeurs durant 40 ans. Aussi bien par les collectivités compétentes que par l’État. Cela a conduit à un vieillissement extrême du réseau. Des habitants peuvent se retrouver sans eau pendant des jours, voire des semaines.