[Régions de France] David Valence : « Le véritable enjeu est d’intensifier l’utilisation des infrastructures »
Paroles d’élus : Quel est pour vous l’enjeu majeur pour les infrastructures de mobilités en France ?
David Valence : Aujourd’hui en France, la question centrale en matière d’infrastructures ne concerne plus tant la nécessité de construire de nouvelles infrastructures que la façon dont nous utilisons et modernisons celles qui existent déjà. Bien qu’il y ait encore des débats sur certains cas spécifiques, le véritable enjeu est d’intensifier l’utilisation des infrastructures actuelles et de les adapter aux nouveaux besoins.
Paroles d’élus : Que peut apporter la donnée à la décision publique dans cette perspective ?
David Valence : On connaît souvent mal ce que l’on croit connaître. Même en tant qu’élu d’un territoire que l’on pense bien connaître, on peut avoir une idée des flux, des modes de consommation, des lieux de travail, des lieux de soins ou de loisirs, qui ne correspond pas toujours à la réalité du terrain. Par exemple, un cas assez classique, bien connu des experts en données, est la tendance à surestimer les déplacements liés au travail, tant en nombre qu’en intensité, par rapport à ceux liés aux loisirs. On a beau répéter que près de 70 % des déplacements que nous effectuons dans notre vie sont motivés par autre chose que le travail, dans la construction des offres de transport – notamment public – on a toujours tendance à survaloriser les flux liés au travail, et à sous-estimer les autres types de déplacements. Un autre exemple classique concerne les flux entre le cœur d’une métropole et sa périphérie située à l’intérieur de la métropole. Je n’appellerai pas cela le périurbain, mais plutôt les villes les plus proches. Là aussi, on pense toujours aux flux liés au travail, avec des pics le matin vers la ville-centre et le soir vers la périphérie. En réalité, aujourd’hui, les zones d’emploi se sont déplacées. Certaines métropoles présentent une forte densité d’emplois, non seulement industriels – que l’on s’attend à trouver plus loin du centre –, mais aussi tertiaires. Cela engendre des flux significatifs, du centre-ville vers les espaces métropolitains, voire extra-métropolitains, où se concentrent ces emplois.
Paroles d’élus : Quelle est la bonne méthode pour y arriver et quels sont les moyens à y consacrer ?
David Valence : La donnée est essentielle. Il faut diversifier sa qualité. Bien sûr, il y a les données issues de la téléphonie, mais il est aussi important de collecter un maximum de données, achetables par les collectivités ou les entreprises, pour construire une offre de transport correspondant précisément aux besoins et aux flux observés. L’une des difficultés dans l’utilisation des données réside dans la nécessité de mettre à jour les schémas de transport régulièrement. Il y a parfois une dissociation entre le temps de la décision publique et celui des données et des flux observés. En effet, les décisions en matière d’infrastructures de transport s’étalent sur de nombreuses années. À un moment donné, les décideurs publics doivent faire des paris sur les déplacements futurs, en se basant sur ceux d’aujourd’hui. Un autre enjeu clé est le traitement des données. Ce dernier ne doit pas être uniquement assuré par ceux qui les collectent, mais également par les services récepteurs, notamment les décideurs publics.
Paroles d’élus : Comment les collectivités intègrent-elles le traitement et l’analyse des données ?
David Valence : Ces derniers ont encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer leur capacité à analyser ces informations et en tirer des enseignements éclairant les décisions publiques. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas parce qu’un flux est important qu’il faut automatiquement augmenter l’offre de trains ou de cars express. Le processus est plus complexe que cela. C’est pourquoi il est essentiel que les grandes administrations métropolitaines et régionales se dotent des outils nécessaires pour analyser ces données de manière approfondie. Cela reste un enjeu majeur pour l’avenir des infrastructures et des politiques de mobilité.