En Savoie, SkiTEC transforme vos anciens skis en charpente
En ce mois de novembre qui fait la part belle aux initiatives de l’économie sociale et solidaire, prenons la direction de la Savoie pour y découvrir une aventure humaine et entrepreneuriale comme on les aime sur Paroles d’élus. C’est en effet à Sainte-Hélène-du-Lac, une commune d’un peu plus de 800 habitants, située au Sud-Est de Chambéry, que l’on trouve SkiTEC. Pour en savoir plus sur cette initiative, nous sommes allés à la rencontre de Philippe Vachette. Acteur incontournable dans l’économie circulaire savoyarde, le Président de cette coopérative est aussi un défenseur infatigable de l’environnement.
Paroles d’élus : Quelle est la genèse de SkiTEC ?
Philippe Vachette : SkiTEC est une société coopérative d’intérêt collectif spécialisée dans le recyclage et la valorisation des skis. Elle est née en septembre 2020 et par définition, comme toutes les SCIC, c’est une société porteuse d’un projet dit de « bien commun ». Autre particularité importante, les collectivités peuvent entrer à son capital sans avoir la majorité.
L’aventure a commencé concrètement en 2015. Des passionnés de la montagne se sont réunis tout d’abord dans une association baptisée Art Ski Tech. C’est dans ce cadre que les premiers prototypes de mobiliers ont été construits à partir d’anciens matériels de glisse. Ils cherchaient à démontrer qu’il était possible de donner une seconde vie aux skis en construisant par exemple du mobilier et des dômes géodésiques.
Ces volumes se montaient et se démontaient très facilement. Aussi, ils étaient loués à des tiers à l’occasion d’événements, de forums ou de salons. Devant le succès rencontré, l’association a décidé de professionnaliser la démarche et a investi dans la nouvelle coopérative. Très vite, un certain nombre d’individus comme moi, convaincus par le potentiel et surtout l’intérêt écologique de la démarche ont suivi. Nous avons démarré avec un capital de 100 000 euros et nous devrions très prochainement atteindre les 300 000 euros de titres participatifs.
Paroles d’élus : A-t-on une idée du nombre de paires de skis jetées chaque année ?
Philippe Vachette : Les enjeux environnementaux sont importants. On estime en effet qu’entre 500 et 600 000 unités de skis sont jetées chaque année. Or, actuellement, très peu sont collectées et revalorisées. On retrouve peu ou prou les mêmes problématiques que sur les téléphones. Concrètement, les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) doivent organiser la prévention et la gestion de déchets de certains types de produits. Les producteurs ont l’obligation de contribuer à une éco participation qui permet ensuite en théorie de faire la collecte, le traitement et la valorisation si possible. Mais, dans notre cas, c’est-à-dire celui des articles de sports et loisirs ou ASL, la filière doit faire face à une très grande hétérogénéité. Cette catégorie va en effet de la raquette de tennis à la combinaison de plongée en passant par les skis ou les cordes de montagne…
Paroles d’élus : Quelle est l’ambition de SkiTEC concernant la collecte ? Et quelle est votre stratégie pour y arriver ?
Philippe Vachette : Sur le chiffre d’un demi-million d’unités annuelles que je viens d’évoquer, nous avons l’ambition d’ici 2 ans d’en collecter 100 000 unités. Pour vous donner un ordre d’idée, nous possédons actuellement un stock tournant d’environ 10 000 unités.
Côté stratégie, le gros du gisement est bien évidemment pour nous de toucher en priorité les loueurs. Il faut savoir que généralement le nombre de saisons d’une paire de skis en location ne dépasse par 3 ans. Passer cette échéance, les commerçants se débarrassent de lots conséquents et ils ont donc compris le bénéfice.
Paroles d’élus : Que trouve-t-on dans un ski ?
Philippe Vachette : Dans notre réserve, on compte plus de 1500 modèles différents. Dit autrement, ces unités portent toujours le même nom mais ce n’est jamais le même produit. De fait, leur fabrication et leur composition ont beaucoup évolué ces dernières décennies. Entre les premières paires utilisées par les pionniers de la Montagne et les modèles vendus aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de points communs. Jusque dans la moitié des années 60, ils étaient fabriqués à partir de bois de Frêne. Aujourd’hui, ils sont composés de plusieurs couches de polymères armés. Et là encore, c’est un secteur qui évolue très vite. Il faut savoir qu’un nouveau polymère est mis sur le marché tous les trimestres.
Autre point, les skis et les planches de snowboard sont composés aussi de matériaux très divers allant du métal à la peinture sans oublier des résines et des colles. Cet ensemble rend, à ce jour, leur recyclage quasi impossible et les unités jetées finissent dans la plupart des cas brûlées.
Paroles d’élus : Chez SkiTEC, qu’êtes-vous capable d’en faire aujourd’hui ?
Philippe Vachette : Notre idée n’est pas de démonter le ski, ce qui est techniquement difficile à faire vous l’aurez compris mais plutôt d’utiliser sa résistance. Concrètement, nous avons aujourd’hui deux grandes familles de production. D’un côté, nous proposons du petit mobilier d’intérieur. Nous fabriquons des chaises, des tables et des bancs; mais aussi du mobilier urbain avec des abris à vélos et des abris de bus.
De l’autre, nous fabriquons des charpentes. Nous utilisons alors la résistance mécanique des skis. En effet, quand vous mettez des skis à chant, vous obtenez une résistance bien supérieure à un chevron du même calibre. La construction est un domaine d’avenir et de croissance pour nous. Nous avons sorti récemment nos premières réalisations. Il s’agit de tables des supports pour des panneaux photovoltaïque. Le réemploi des skis est dans ce cas précis une vraie alternative à l’utilisation d’aciers galvanisés.
Paroles d’élus : Quelles sont les difficultés auxquelles vous devez faire face ?
Philippe Vachette : Comme vous pouvez l’imaginer facilement, il faut à un moment pouvoir homologuer ces structures. C’est justement le travail de R&D que nous menons ces derniers mois grâce à l’implication d’un professeur de l’école d’architecture de Grenoble. Il travaille en binôme avec l’un de nos salariés qui est ingénieur structure et qui a plus de 10 ans d’expériences dans le bâtiment. Ils développent ensemble des modèles que nous faisons référencer aux eurocodes de la construction. Cette étape est obligatoire pour pouvoir bénéficier d’assurance de construction. Mais pour l’instant, nous ne visons pas les ERP mais plutôt des bâtiments agricoles et artisanaux qui ont des contraintes réglementaires beaucoup moins importantes.
Un autre enjeu pour nous est de pouvoir démontrer que le ski résiste bien dans le temps aux aléas climatiques. Et pour cela, nous avons déjà un peu de recul. En effet, les premières installations de mobiliers urbains remontent déjà à 7 ans. On constate qu’elles résistent très bien. Nous devons donc encore attendre pour pouvoir démontrer que les skis résisteront à plus long termes.
Pour en savoir plus sur SkiTEC et découvrir leurs réalisations, c’est ici !