[Les Interconnectés] Questions à … Franck Soulignac, 1er VP du Conseil Départemental de la Drôme
À l’occasion du Forum des Interconnectés qui se tient à Toulouse, focus aujourd’hui sur l’une des collectivités lauréates du Label Territoire Innovant 2023. L’action du Conseil Départemental de la Drôme a en effet été reconnue dans la catégorie Territoire Inclusif pour son dispositif « Parcours Numérique Solidaire ». Pour en savoir plus, Paroles d’élus a pu poser quelques questions à son 1er VP, Franck Soulignac.
Paroles d’élus : Quel est le point de départ de votre initiative ?
Franck Soulignac : Notre département est engagé depuis longtemps contre la fracture numérique. Avec la généralisation de la dématérialisation des services au public, le recours accru à des solutions numérique et la crise sanitaire qui a accéléré cette dynamique, nous avons constaté sur le terrain qu’une partie de la population décrochait. Cette fracture touche toutes les tranches d’âges. C’est plus particulièrement le cas pour des publics que le Département, en charge des politiques de solidarités, accompagne. Je pense notamment aux bénéficiaires du RSA ou aux personnes âgées.
Paroles d’élus : En quoi votre dispositif est-il vertueux ?
Franck Soulignac : Il est vertueux parce nous sommes partis du principe qu’il fallait accompagner de façon importante et forte, les publics que nous suivons plus particulièrement au quotidien. Pour y arriver, nous mobilisons différentes politiques publiques engagées depuis longtemps sur notre territoire. Concrètement, ce sont 500 ordinateurs qui seront reconditionnés chaque année par des acteurs de l’insertion et de l’emploi soutenu par le Conseil Départemental et mis à disposition des drômois. Nous avons ajouté à cela un accompagnement et des formations aux usages numériques en mobilisant là encore des structures déjà présentes.
Paroles d’élus : Comment se passe concrètement le reconditionnement sur le terrain ?
Franck Soulignac : Tout commence à l’ESAT Messidor de Valence. C’est, pour ainsi dire, le premier maillon de cette chaîne de solidarité. L’établissement emploie des personnes en situation de handicap qui recycle du matériel informatique. Chaque ordinateur y est ainsi contrôlé. Les rebus sont démontés, leurs composants triés et les matériaux valorisés dans des filières de recyclages. Puis, pour les ordinateurs en état de marche, c’est la PIHC de Romans-sur-Isère qui prend le relais. Le matériel passe alors du recyclage au reconditionnement. Pour le Département, il était important à la fois d’offrir le meilleur équipement possible mais aussi de valoriser au maximum tout le travail réalisé par ces personnes en réinsertion professionnel.
Paroles d’élus : Y-a-t-il des contreparties pour pouvoir être bénéficiaire ?
Franck Soulignac : En effet, pour être équipé il faut s’engager dans un parcours de formation. L’ordinateur est remis au bénéficiaire dans le cadre d’une convention de mise à disposition de 2 ans. Le Département demande par ailleurs aux bénéficiaires de participer à hauteur de 25 euros afin de valider leur engagement au dispositif et de valoriser là encore tout le travail effectué par les différents acteurs de la filière. Cette étape de distribution se déroule dans les tiers lieux d’inclusion numérique afin d’aider les personnes à oser franchir la porte de ces structures. Depuis presque vingt ans, le département a maillé sur son territoire un réseau de médiation important, composé de tiers lieux d’inclusion numérique.
Nous mobilisons là encore un dispositif déjà en place, celui des pass numériques. Depuis le lancement fin 2020, ce sont 40 000 pass qui ont été mobilisés via nos centres médicaux sociaux et nos structures de médiation numérique. Notre stratégie a consisté à cibler le plus possible les personnes potentiellement bénéficiaires, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir un très bon taux de retour.
Paroles d’élus : Quand on parle d’inclusion, le chiffre de 13 millions de Français en difficulté avec le numérique, revient toujours malgré les différentes initiatives mise en place. Pensez-vous que nous arriverons à le réduire ?
Franck Soulignac : Aujourd’hui, avec tous les dispositifs qui ont vu le jour ces dernières années, la logique voudrait en effet que ce chiffre baisse. Force est de constater que ce n’est pas encore flagrant. Mais j’ai envie de penser, parce que c’est à chaque fois le cas quand on juge une politique publique, que la situation serait sans doute pire sans accompagnement.
De plus, il ne faut pas oublier que la numérisation est allée beaucoup plus vite que l’accompagnement. Je veux dire par là qu’au niveau national, nous ne sommes pas encore à pleine voilure. Enfin, on constate que parfois, nous avons une superposition des intervenants ; c’est parfois l’État, d’autre fois les Départements ou les interco, d’autres fois encore se sont des structures associatives. Puisque les politiques publiques favorisant l’inclusion numérique vont continuer dans le temps long, nous devrons, pour être plus efficace, nommer des chefs de file. Or, les Départements me semblent être l’échelon le plus pertinent pour organiser tout cela.
Paroles d’élus : Votre initiative a été remarquée au niveau national et récompensée plusieurs fois. Est-ce important et pensez-vous qu’elle soit duplicable dans d’autres territoires ?
Franck Soulignac : Ce dispositif a en effet été primé par l’ADF lors de ses dernières Assises annuelles à Agen en Octobre 2022. Nous avons reçu également à l’occasion lors du Forum des Interconnectés qui se tient à Toulouse, le Label Territoire Innovant 2023 dans la catégorie Territoire Inclusif. C’est pour nous une vraie fierté et une reconnaissance pour tout l’investissement et le travail accompli par notre collectivité. Ces récompenses ont d’autant plus de valeurs pour nous qu’elles viennent de nos pairs. Je pense justement que le Parcours Numérique Solidaire peut faire école parce que nous sommes sur une démarche vertueuse pour l’environnement, utile aux bénéficiaires du RSA et qui prône l’insertion.